Ukraine: des pourparlers entre Washington et Moscou sous haute tension
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Des négociations cruciales entre les États-Unis et la Russie débutent ce dimanche soir à Genève pour éviter un nouveau conflit en Ukraine, à la frontière de laquelle Moscou a massé des milliers d'hommes.
À l'ouverture des pourparlers entre Washington et Moscou pour tenter de désamorcer les tensions sur l'Ukraine, le ton est loin d'être à l'apaisement. Du moins si l'on en croit les dernières déclarations de chacune des deux parties. Invité sur CNN, le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a ainsi averti la Russie d'un risque de « confrontation et de conséquences massives » si elle renouvelait son agression de l'Ukraine.
« Si nous tournons en rond, si nous ne voyons pas que l’autre partie est prête à prendre en compte nos priorités, alors dialoguer sera inutile », a de son côté prévenu Moscou, par la voix de son vice-ministre des Affaires étrangères, Sergueï Riabkov.
« Aucune concession »
Le numéro 2 de la diplomatie russe, qui sera présent ce soir à Genève, a ajouté qu'il n'acceptera « aucune concession » au cours de ce dialogue. Une référence aux demandes déjà formulées par Moscou : l’engagement de l’Otan à ne pas intégrer l’Ukraine, et le retrait des soldats américains des pays de l'Alliance qui sont les plus proches de la Russie.
Mais aucune de ces deux demandes « ne sont sur la table » des négociations, a affirmé dimanche le secrétaire d'État américain Antony Blinken. Washington espère amener Moscou sur un autre terrain, moins périlleux : celui du désarmement. À la Maison Blanche, on estime qu’un accord pourrait être trouvé sur le contrôle des armements, de même que sur les manœuvres militaires dans la région, qui pourrait être restreintes. La question des cyberattaques pourrait également servir de point d’ancrage aux discussions, de même qu’un éventuel échange de prisonniers.
Les États-Unis parient sur l’entame d’un dialogue constructif sur ces questions, pour envisager ensuite une éventuelle détente sur le dossier ukrainien. Mais dans le cas d'une invasion de l'Ukraine, Washington envisage des sanctions notamment « économiques et financières », et pour certaines inédites, auxquelles le New York Times a consacré un article.
Les États-Unis pourraient ainsi débrancher la Russie du réseau Swift qui facilite les transactions à l’internationale (voir encadré). Cette sanction avait été appliquée à l’Iran, la Corée du Nord, au Venezuela, ou encore à l’Irak, avec des conséquences sérieuses pour leur économie. Washington pourrait également interdire les exportations de produits de consommation courante vers la Russie. Selon les informations du quotidien américain, ces sanctions seraient en tout cas beaucoup plus douloureuses que celles adoptées à l’époque de l’annexion de la Crimée en 2014.
Une semaine à hauts risques
C'est par un face-à-face des vice-ministres des Affaires étrangères des deux puissances rivales, l'Américaine Wendy Sherman et le Russe Sergueï Riabkov, que s'ouvre cette semaine diplomatique à hauts risques. Elle se poursuivra avec une réunion Otan-Russie mercredi à Bruxelles, puis une rencontre jeudi à Vienne de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), pour inclure les Européens qui redoutent d'être marginalisés.
Les Occidentaux et Kiev accusent les Russes d'avoir massé près de 100 000 soldats à la frontière ukrainienne en vue d'une potentielle invasion. Le Kremlin, au contraire, affirme que c'est l'Occident qui provoque la Russie en stationnant des militaires à ses portes ou en armant les soldats ukrainiens qui combattent des séparatistes prorusses dans le Donbass, dans l'est de l'Ukraine.
Dans l'hypothèse d'un échec des discussions, une intervention militaire russe n'est pas à exclure, observe Marie Dumoulin, directrice de programme au sein du Conseil européen des relations internationales. « Le dispositif déployé aux frontières de l'Ukraine a une vocation d'intimidation. Il peut aussi avoir vocation à se préparer à une éventuelle intervention de manière active ou réactive, avance-t-elle. Il se peut que les Russes attendent un incident dans le Donbass pour faire usage de leur dispositif militaire. Mais ce n'est pas le scénario le plus probable à ce stade. »
Qu'est-ce que le réseau Swift, duquel la Russie pourrait être coupée ?
Fondé il y a près de 50 ans, près de Bruxelles, Swift est un réseau majeur de transactions financières interbancaires dans le monde. Il est relié à plus de 10 000 banques dans 200 pays. Il est géré par un conseil d’administration composé de 25 membres : une dizaine d’Européens, six membres des États-Unis, et un du Royaume-Uni, de l'Australie, du Canada, du Japon, de la Chine, entre autres… Les États-Unis ne peuvent donc pas exclure la Russie de Swift sans l’aval de l’Union européenne, ce qui ne devrait pas poser de problème.
Si la Russie est débranchée de Swift, ses entreprises publiques et privées ne pourront plus effectuer de transaction avec l’étranger. Les Russes ont bien un plan B en cas de sanctions : le Système de transfert de messages financiers (SPFS), qui permet des transactions avec 400 banques russes. Pour l’internationaliser, Moscou a prévu de l'associer au réseau de paiement interbancaire CIPS, basé en Chine, connecté à une vingtaine de banques étrangères. Mais utiliser ce dispositif entrerait en contradiction avec le train de sanctions américain et européen. Ce ne serait donc pas une parade efficace.
Pour Cyrille Bret, chercheur associé à l'Institut Delors Notre Europe, la coupure de Swift aurait un réel impact : « On se souvient qu’en 2014-2015, l’accès aux marchés internationaux avait déjà été singulièrement durci par les Américains, ils avaient accentué la récession économique russe dès 2015 et 2016. Donc, cela peut avoir un effet dissuasif à un moment où l’économie russe est en train de reconstituer ses réserves de devises grâce à la hausse des cours des hydrocarbures ».
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