En Ukraine, la peur que le courant ne passe plus
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Un seul petit degré prévu ce vendredi 21 octobre sur les thermomètres de Kiev, capitale de l'Ukraine. Signe que l'hiver approche. Un hiver redouté au fur et à mesure que la Russie bombarde les infrastructures électriques du pays, privant ainsi la population de chauffage, de lumière et d'eau chaude. Entretien avec Anna Creti, spécialiste des matières premières et docteure en économie à l'université Paris Dauphine.
RFI : Quel est la situation actuelle sur le réseau électrique ukrainien ?
Anna Creti : Le moment est critique. Déjà, la centrale Zaporijjia, qui est la plus grande centrale nucléaire d'Europe, a été sécurisée (conquise par les Russes, NDLR) et donc ne fournit plus d'électricité au pays. Au total, les frappes russes ont touché 30% des infrastructures énergétiques. Cela détermine un vrai désavantage pour l'Ukraine.
Quels sont les problèmes que vont rencontrer les Ukrainiens ?
Très concrètement, toucher à l'énergie signifie toucher le cœur de l'activité économique. Donc, cela va affecter la résistance qui a caractérisé l'Ukraine dans ces derniers mois, à la fois pour continuer à essayer d'avoir une vie normale dans l'économie et dans la vie de tous les jours. Toucher autant d'infrastructures énergétiques signifie non seulement priver l'Ukraine d'énergie, mais aussi déstabiliser les réseaux, donc créer des pannes et donc des ruptures d'approvisionnement à tous les stades. Tout ça alors que le gaz est déjà à son niveau minimal. C'est un cauchemar à la fois pour les citoyens et pour les entreprises. Cela va affecter aussi la défense militaire ukrainienne. Concrètement, il va y avoir des coupures de courant. Des coupures nécessaires pour stabiliser les réseaux électriques.
Pourtant, l'Ukraine est un pays très producteur d'électricité. Il y avait même un surplus de production il y a quelques mois.
C'est vrai qu'ils sont de grands producteurs d'électricité ! Mais une part énorme de cette production reposait sur cette grande centrale nucléaire de Zaporijjia. Elle représentait 40% de l'électricité utilisée en Ukraine et elle était aussi utilisée pour l'exportation. Il y a aussi un autre facteur énergétique : le gaz. Avant la guerre, l'Ukraine était essentiellement connectée à la Russie. À partir du mois de mars, grâce à la solidarité européenne, on a pu interconnecter de façon prioritaire l'Ukraine au réseau européen. Donc, il y a eu un effet de basculement de l'équilibre énergétique en Ukraine vers l'Europe. Ce qui fait que l'Ukraine, jusqu'au mois de juin, a même pu exporter de l'électricité vers l'Europe. Ceci a été possible jusqu'à ce que la centrale nucléaire dont on a parlé ait été vraiment mise sous cocon. Aujourd'hui, l'Ukraine va être obligée d'importer, de faire face à ses pannes de courant, de réparer les centrales, de réparer aussi les réseaux. Donc, ce sont des opérations, comme je disais, très importantes et difficiles à court terme.
Et la demande d'énergie au sein même de l'Ukraine est-elle toujours la même ? A-t-elle augmenté avec le conflit ?
Eh non ! Elle a baissé de 40% depuis le début de la guerre et ce niveau est resté plus ou moins constant. En fait, il y a eu une migration d'une partie de la population vers les pays voisins. Donc qui dit moins d'habitants dit forcément moins d'électricité consommée. Cette baisse de la demande a été un élément clé pour que le système tienne. Mais aujourd'hui, c'est différent. L'hiver approche à grands pas. Maintenant, on va voir quelle est l'évolution. C'est une période où la demande d'énergie augmente. Il va donc leur falloir faire face, en ayant recours aux importations. Il y a aussi le gaz, parce que c'est un pays dont la demande résidentielle de chauffage est essentiellement une demande de gaz. Et le pays ne reçoit plus de gaz russe. Donc là aussi, c'est tendu. L'hiver sera rude en Europe, partout, mais particulièrement en Ukraine.
►À relire : La Russie continue de cibler les infrastructures énergétiques en Ukraine
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