L'affaire Azibert, une épine de plus dans le pied de Sarkozy
Décidément, Nicolas Sarkozy est un homme très écouté. Pour son expérience et son poids politique bien sûr, mais pas uniquement. Il y a d'abord eu l'affaire Buisson ces derniers jours. Le journal Le Monde relate à présent que les conversations de l'ancien président ont aussi été écoutées par la police sur ordre de la justice. Un ancien chef d'Etat placé sur écoute ? Une première dans l'histoire de France. M. Sarkozy est soupçonné de trafic d'influence.
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Des affaires impliquant les anciens chefs d'Etat, il y en déjà eu. Par exemple Clearstream, cette histoire de faux listings bancaires visant à discréditer le rival de Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy en l’occurrence. Le fidèle chiraquien Dominique de Villepin avait été en première ligne dans ce dossier, mais l'ancien président, lui, n'avait même pas été entendu. Quant à François Mitterrand, il avait été qualifié d'inspirateur des écoutes illégales de l'Elysée. Les téléphones de plus d'un millier de personnes avaient été espionnés en toute illégalité. En revanche, l'ancien chef d'Etat est décédé peu de temps après avoir quitté l'Elysée, sans être inquiété.
Réaction du député Eduardo Rihan-Cypel (PS)
Dans tous ces dossiers, jamais encore la justice n'avait été jusqu'à demander la mise sur écoute d'un ancien président de la République. La démarche est forte, et traduit les soupçons que semblent avoir les enquêteurs à son encontre. D'autant qu'outre Nicolas Sarkozy, ce sont aussi son avocat et deux de ses ministres de l'Intérieur, Brice Hortefeux et Claude Guéant, qui ont été surveillés. Des écoutes commandées dans le cadre de l'enquête sur un possible financement libyen de la campagne de M. Sarkozy en 2007.
Les conversations Herzog-Sarkozy
L'affaire avait éclaté pendant le mandat de l'ex-président. D'anciens responsables du régime de Mouammar Kadhafi, mais aussi du nouveau régime, et le site d'information en ligne Mediapart estiment que l'ancien guide, aujourd'hui décédé, a donné de l'argent à Nicolas Sarkozy pour sa campagne présidentielle en 2007. D'autres dignitaires libyens ont démenti, mais une enquête a été confiée à des juges du pôle financier. Et c'est dans ce cadre-là que les écoutes de MM. Sarkozy, Hortefeux et Guéant ont été lancées, en 2013.
Réaction du député Daniel Fasquelle (UMP)
En décembre dernier, sur la base de ces écoutes, le journal Le Monde, déjà lui, a révélé que le directeur de la police judiciaire parisienne avait prévenu Brice Hortefeux qu'il allait être prochainement entendu dans cette affaire. La révélation a entraîné la mise à l'écart du fonctionnaire, et une prudence de Nicolas Sarkozy dans ses conversations téléphoniques, sur sa ligne officielle tout du moins. L'ex-président aurait alors acquis un autre téléphone, sous un faux nom. Téléphone que les magistrats ont fini par découvrir.
Ce sont ces écoutes-là qui, selon Le Monde, ont conduit la justice à soupçonner l'ancien président de trafic d'influence, loin de l'affaire Kadhafi. Sur cette ligne, Nicolas Sarkozy appelait régulièrement son avocat, Thierry Herzog. Et selon le quotidien du soir, les enquêteurs ont découvert que les deux hommes étaient informés d'une procédure judiciaire actuellement entre les mains de la Cour de cassation, concernant les agendas de M. Sarkozy en possession de la justice.
Sarkozy soupçonné de trafic d'influence ?
Nicolas Sarkozy veut en effet récupérer ses agendas saisis dans le cadre de l'instruction de l'affaire Bettencourt, un dossier dans lequel il n'est plus poursuivi. Mais la justice veut les conserver, car ils pourraient être très précieux dans l'affaire du Crédit Lyonnais. C'est donc à la Cour de cassation de dire si les agendas peuvent être conservés. La décision doit être rendue mardi prochain. D'après Le Monde, Thierry Herzog se tenait informé de la position des magistrats de la plus haute juridiction française grâce à Gilbert Azibert, avocat général près la Cour de cassation ayant accès à l'intranet de cette dernière.
Réaction de Marine Le Pen, présidente du FN
En échange, le magistrat aurait demandé, comme le relate le journal sur la base d'une conversation entre MM. Herzog et Sarkozy, un appui de ce dernier pour être nommé Conseiller d'Etat dans la Principauté de Monaco, où l'ex-président s'est justement rendu en février pour une cure, et où son avocat, Niçois d'adoption, l'a rejoint. Pure coïncidence ? Une information judiciaire a été ouverte, et des perquisitions ont été menées au domicile et au bureau de Me Herzog et de Gilbert Azibert. La justice cherche à vérifier si l'ex-chef de l'Etat a pu intervenir auprès des autorités monégasques. Dans un entretien accordé au Monde, Thierry Herzog explique être en mesure de démontrer qu'il s'agit d'une affaire politique montée de toutes pièces.
Mais en attendant, c'est une affaire de plus pour Nicolas Sarkozy. Et elle vient s'ajouter à une liste déjà longue. Il y a l'affaire Bettencourt, dans laquelle Nicolas Sarkozy n'est plus poursuivi, à l'inverse de son ancien trésorier de campagne et ministre du Budget Eric Woerth, soupçonné d'avoir touché de l'argent liquide de la part de l'héritière du groupe L'Oréal pour financer, là aussi, la campagne présidentielle de 2007. Concernant cette campagne, une enquête est en cours également, comme évoqué plus haut, sur un possible financement libyen.
Violation du secret de l'instruction
Réaction du député Philippe Vigier (UDI)
Il y a aussi l'affaire Pérol, ou encore le litige entre le Crédit Lyonnais, ex-banque publique, et Bernard Tapie. Dans ce dernier cas, un arbitrage avait conduit l'homme d'affaires à obtenir des centaines de millions d'euros de la part de l'Etat, une somme considérée comme très élevée par beaucoup de personnes. Les agendas de Nicolas Sarkozy pourraient prouver la proximité de Bernard Tapie avec l'ex-président. L'homme d'affaires a-t-il été favorisé ? C'est ce que les juges veulent savoir.
Un autre magistrat s'intéresse, lui, aux sondages commandés par l'Elysée sous Nicolas Sarkozy à neuf instituts, sans que des appels d'offres n'aient été lancés. L'un des instituts concernés appartient à son ancien conseiller Patrick Buisson. Et puis, il y a toujours l'affaire Karachi et ses soupçons de rétrocommissions potentiellement versées lors de la vente de sous-marins nucléaires au Pakistan dans les années 1990. Nicolas Sarkozy a affirmé que son nom n'apparaissait nulle part. Comment le sait-il ? A t-il eu accès aux pièces du dossier, violant ainsi le secret de l'instruction ? Là aussi, une enquête judiciaire est ouverte.
→ À (RE)LIRE : Enregistrements de Patrick Buisson, Sarkozy porte plainte
Retour politique menacé
L’ex-président entend bien prendre sa revanche sur François Hollande en 2017. Depuis sa défaite il y a deux ans, il n’a pas cessé d’entretenir la flamme. Ce vendredi soir encore, à Genève, il s’est fait acclamer par le public. Lundi, il sera à Nice, aux côtés de Bernadette Chirac. Une mise en examen serait un obstacle sérieux sur le chemin de la présidentielle. Mais justement, ses proches n’arrêtent d’ailleurs pas de le répéter : malgré le nombre d’affaires dans lesquelles sont nom apparait, Nicolas Sarkozy n’a jusqu’ici jamais été mis en examen. Son avocat, hier soir, saluait le « sang-froid » de son client.
Sauf que l’accumulation commence à se voir. Après l’affaire Copé et l’affaire Buisson, cette semaine a été particulièrement désastreuse pour la droite française et son recours naturel. À tel point que l’UMP se voit réduite à jouer la carte de la victimisation, en dénonçant une manipulation politique du pouvoir à deux semaines des municipales. Le climat qui est en train de s’installer sur la France, ce climat des affaires, du soupçon, risque surtout de faire le jeu du Front national.
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