Amiante: la justice demande la fin des investigations dans plusieurs dossiers
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Cela faisait 20 ans que la justice enquêtait sur le dossier des contaminations à l'amiante, cette fibre cancérogène utilisée jusqu'en 1997 dans les matériaux de construction. L'un des plus gros scandales sanitaires français, responsable de la mort de 3 000 personnes chaque année. Le parquet de Paris a finalement requis la fin des investigations, estimant qu’il était impossible de dater avec précision le début de l'intoxication.
Contrairement à des maladies comme le VIH où l'infection remonte à un jour précis, il n'est pas possible, selon le parquet, de définir le début exact d'une intoxication à l'amiante, qui peut prendre plusieurs années. Autrement dit, sans date précise, pas de responsable précis.
C'est la raison pour laquelle le parquet requiert l'arrêt de l'instruction dans une vingtaine d'enquêtes pénales ouvertes contre des entreprises dont les salariés ont développé des pathologies dues à l'amiante.
Parmi les dossiers actuellement instruits, il y a notamment celui de la société Eternit, premier producteur français d'amiante-ciment jusqu'à l'interdiction de la fibre, celui de l'usine de Condé-sur-Noireau dans le Calvados, de l'entreprise Everite implantée par Saint-Gobain, des anciens chantiers navals de la Normed à Dunkerque ou encore du campus de Jussieu.
« Un véritable naufrage de l'institution judiciaire »
C’est un vrai coup de tonnerre pour les victimes qui se battent depuis 20 ans. Car cette requête du parquet pourrait tout simplement ouvrir la voie à une série de non-lieux. Il semble en effet désormais très compliqué d'imputer la responsabilité à une personne physique puisqu'il n'y a pas de date officielle des faits. C'est pourtant la base de toute investigation.
Du côté des associations et des avocats on dénonce une position « consternante » et « vertigineuse » du parquet. L'Association nationale des victimes de l'amiante (Andeva) et la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (Fnath) parlent même d’un « un véritable naufrage de l'institution judiciaire ». « C'est un scandale absolu d'arriver à une telle conclusion après 20 ans d'instruction », s'est indigné François Desriaux, l'un des porte-parole de l'Andeva. L'association a annoncé qu'elle fera appel quand les ordonnances de non-lieu tomberont.
Amiante : après le scandale sanitaire, le sandale judiciaire. Vers un non lieu général = l'amnistie des responsableshttps://t.co/XFA192sCc4 pic.twitter.com/MYNw9DD07k
François Desriaux (@fdesriaux) 27 juin 2017
Selon les autorités sanitaires qui imputent à l'amiante 10 à 20% des cancers du poumon, l'exposition à cette fibre pourrait provoquer jusqu'à 100 000 décès d'ici à 2025. D'après l'Andeva, 3 000 personnes meurent chaque année.
On a le sentiment que la justice n'a pas envie que ce procès énorme ait lieu, que la justice française n'est pas armée pour faire face à un procès de cette ampleur mais pourtant, les victimes y ont droit. (...) Les personnes responsables des décisions qui ont été prises ou qui n'ont pas été prises au moment où il fallait les prendre, il faut bien qu'elles répondent de leurs actes devant une juridiction pénale.
Sylvie Topaloff
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