Procès du 13-Novembre: l'enquête vue côté belge

Sur le banc des accusés, Salah Abdeslam est le seul attaquant encore vivant du commando terroriste. Il est originaire de Molenbeek, en Belgique, pays qui a largement participé aux investigations.
Sur le banc des accusés, Salah Abdeslam est le seul attaquant encore vivant du commando terroriste. Il est originaire de Molenbeek, en Belgique, pays qui a largement participé aux investigations. REUTERS/Yves Herman

Au cinquième jour du procès des attentats du 13 novembre, c’est la suite de la présentation générale de l’enquête menée durant plus de quatre ans. La juge d’instruction belge, Isabelle Panou, a longuement évoqué la participation de son pays aux investigations.

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Avec notre envoyée spéciale au Palais de Justice de Paris, Laura Martel et notre correspondante à Bruxelles, Laxmi Lota

Dans cette quête, outre le fait que de nombreux accusés ont la nationalité belge, la Belgique a servi de base arrière à la cellule terroriste, avec notamment de nombreuses planques utilisées pour les préparatifs.

La juge Panou est saisie le 14 novembre à 10 heures : « Dès les premières minutes, la collaboration franco-belge est nécessaire, explique-t-elle. Le portable abandonné par les terroristes près du Bataclan a une carte SIM et des numéros belges. Les Français sont bloqués. » Une équipe commune d’enquête est mise en place dès le 16 novembre. Les polices belges se mobilisent, même avec des moyens parfois limités. « Des inspecteurs spécialisés en TVA se sont retrouvés à faire du terrorisme », glisse la juge.

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Une collaboration franco-belge aboutie

Les investigations permettent de localiser des planques, identifier certains acteurs de la cellule, tout comme les véhicules ou la filière de faux papiers utilisés. Au final, ce sont plus de 200 tomes de procédure que la Belgique va fournir à la France. Des documents « transportés par camionnette », car si la collaboration entre les deux pays n’a jamais été « aussi aboutie », elle s’est parfois faite « de manière artisanale », pointe la magistrate qui finira par placer en détention 12 des 14 accusés qui comparaissent aujourd’hui.

La coopération avec la vingtaine d’autres pays concernés par l’enquête a en revanche connu des fortunes diverses, au gré des différences de systèmes judiciaires ou de considérations géopolitiques, précise la juge. La Hongrie a par exemple aidé à détailler les trajets des commandos venus de Syrie, la Suède et la Tunisie ont transmis des éléments sur certains accusés.

Et si l’implication d’Europol et des autorités hollandaises a été, selon elle, particulièrement fructueuse, « je ne crois pas qu’on ait reçu beaucoup d’information du Pakistan », indique la magistrate.

Molenbeek, six ans plus tard

Sur le banc des accusés, Salah Abdeslam est le seul assaillant encore vivant du commando terroriste. Il est originaire de Molenbeek, en Belgique. Molenbeek, pointée du doigt dans le monde entier, centre de l’attention médiatique, devient à l’époque le « londonistan belge », un « nid de jihadistes » ou encore  un « foyer de radicalisation européen ».

Six ans plus tard, qu’est devenue cette commune bruxelloise défavorisée ? Sur la place principale de Molenbeek, rien n’a changé ou presque. La famille Abdeslam n’habite plus ici. On peut aussi y voir désormais un monument dédié aux victimes des attentats.

Catherine Moureaux est la nouvelle bourgmestre de ce que l’on a appelé un « nid de jihadistes européen » : « On a été pointé du doigt et cela arrangeait peut-être bien les Français, puisque cela a évité de voir les problèmes qu’ils avaient sur leur propre territoire. »

Un avis partagé par le coordinateur européen pour la lutte contre le terrorisme, Gilles de Kerchove : « Molenbeek n’est qu’un exemple de communes où se sont développés des groupes très inspirés par l’idéologie de Daech. Je pense qu'en Seine-Saint-Denis, à Tarbes, et même au Royaume-Uni, il y a quelques endroits, des poches, où se sont développées des solidarités de jihadistes. Donc je pense que singulariser Molenbeek est un petit peu injuste. »

Un plan insuffisant pour lutter contre la radicalisation

À l’époque, un plan d’un million d’euros est annoncé par le gouvernement fédéral pour lutter contre la radicalisation à Molenbeek. Il y a eu des policiers supplémentaires, confirme la bourgmestre, une cellule de suivi des jihadistes a vu le jour. Mais Catherine Moureaux laisse entendre que le financement n’a pas été à la hauteur : « Je ne peux pas vous certifier que ça n’ait jamais valu un million ce programme. Je doute, à vrai dire. »

Il n’y a plus de lieux de prêche clandestins aujourd’hui à Molenbeek, mais la bourgmestre regrette que les fondements de la radicalisation soient toujours là. La commune connaît également un fort taux de chômage des jeunes et des femmes.

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