Emmanuel Macron demande «pardon» aux harkis et promet «réparation»

Salah Abdelkrim, blessé au combat pendant la guerre d'Algérie, a été décoré de la Légion d'honneur ce lundi 20 septembre par le président Emmanuel Macron.
Salah Abdelkrim, blessé au combat pendant la guerre d'Algérie, a été décoré de la Légion d'honneur ce lundi 20 septembre par le président Emmanuel Macron. AFP - GONZALO FUENTES

Lors d'une réception à l'Élysée, le président Emmanuel Macron a « demandé pardon » aux harkis au nom de la France et annoncé un projet de loi de « reconnaissance et de réparation » à l'égard de ces anciens auxiliaires de l'armée française durant la guerre d'Algérie.

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En 2016, son prédécesseur François Hollande avait reconnu « les responsabilités des gouvernements français dans l'abandon des harkis ». Ce lundi, le président Emmanuel Macron est allé plus loin en leur demandant « pardon ». 

« Aux combattants, je veux dire notre reconnaissance ; nous n'oublierons pas. Je demande pardon, nous n'oublierons pas », a déclaré le président français lors d'une cérémonie d'hommage au palais de l'Élysée, devant quelque 300 représentants de cette communauté estimée à 800 000 personnes.

Emmanuel Macron a promis la présentation « avant la fin de l'année d'un projet visant à inscrire dans le marbre de nos lois la reconnaissance et la réparation à l'égard des harkis ». Une commission nationale doit être mise en place dans ce sens.

Ces réparations dont les modalités restent à définir concerneront, dans un premier temps, les premières générations de harkis, ensuite leurs veuves et descendants qui ont vécu dans les camps de transit. « L'honneur des harkis doit être gravé dans la mémoire nationale », a ajouté le chef de l'État en appelant à « panser les plaies » qui doivent être « fermées par des paroles de vérité, gestes de mémoire et actes de justice ».

Déni mémoriel

Ces déclarations mettent fin à un déni mémoriel depuis soixante ans. Les harkis sont ces anciens combattants – jusqu'à 200 000 hommes – recrutés comme auxiliaires de l'armée française pendant le conflit qui opposa, de 1954 à 1962, des nationalistes algériens à la France.

 À l'issue de cette guerre, la majorité d'entre eux, abandonnés par Paris, ont été victimes de sanglantes représailles en Algérie. Plusieurs dizaines de milliers d'autres, souvent accompagnés de femmes et d'enfants, ont été transférés en France où ils ont été placés dans des « camps de transit et de reclassement » aux conditions de vie indignes et durablement traumatisantes.

Pendant cette réception, le chef de l'État a décoré trois personnes : un rescapé harki blessé au combat ; la fille d’un harki, militante de l’égalité des chances et de la diversité ; et un officier français qui a organisé le rapatriement de plusieurs centaines de harkis.

Cette réception se tient cinq jours avant la journée nationale d'hommage aux harkis, qui est célébrée tous les 25 septembre depuis 2003.

L'émotion des familles

C’est un geste qui « arrive » un peu tard, mais qui est « très important » selon Gasmi Bouaza, président du Comité national de liaison des harkis. « C’est un discours qui va dans le sens de la communauté harki en général, dans le sens de nos attentes. C’est vrai qu’il a officiellement reconnu nos souffrances. Nous allons attendre la suite, mais il faut reconnaître que cela va dans le sens des harkis ».

Sabine Hébart, fille de harki arrivée, en France à l'âge de trois ans, se dit très touchée par cette annonce du président. « En reconnaissant cette situation, il a rendu la fierté à nos parents. Moi, aujourd’hui, je pense beaucoup à mon père et mes oncles harkis qui sont décédés, je pense surtout à ma mère, aux veuves qui sont restées qui ont porté comme un fardeau pendant des années cette situation. Une réparation pécuniaire peut toujours aider mais il faut revaloriser la pension des veuves. »

Réactions politiques partagées

Emmanuel Macron a promis une loi de « reconnaissance et de réparation » avec une meilleure indemnisation des harkis. Mais cela est insuffisant pour Louis Aliot, le maire Rassemblement national de Perpignan où vit une forte communauté d'anciens d'Algérie. « D’un côté, on demande pardon et de l’autre, on fait la part belle à leurs bourreaux, s’offusque le politicien. Ces harkis-là ont victimes de l’abandon France, mais aussi des représailles de ceux qu’on va honorer ailleurs. Je trouve que c’est très malsain et très critiquable ».

Julien Aubert, député Les Républicains du Vaucluse, s'est lui battu pour une meilleure indemnisation des harkis. S’il salue les annonces d'Emmanuel Macron, il regrette que le président ne s'occupe de ce dossier qu'à l'approche de la présidentielle. « Ce qu’il faut éviter c’est que ce débat tourne à la repentance, à la recherche de coupable ou de bouc émissaire, ni à la flagellation mémorielle. En revanche, pour les harkis et leurs familles, il est important que ce texte soit pris rapidement mis en œuvre et pas à quelques semaines de l’élection présidentielle. »

► À lire aussi : De l’exil aux camps: itinéraire de deux enfants de harkis

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