Procès du 13-Novembre: l'ex-ministre de l'Intérieur écarte les polémiques sur l'intervention

L'ancien ministre français de l'Intérieur Bernard Cazeneuve à la barre du procès des attentats du 13 novembre 2015, à Paris, le 17 novembre 2021.
L'ancien ministre français de l'Intérieur Bernard Cazeneuve à la barre du procès des attentats du 13 novembre 2015, à Paris, le 17 novembre 2021. © AFP - Benoit PEYRUCQ

Au 44e jour de procès des attentats du 13 novembre 2015 et une semaine après le témoignage de l’ancien président François Hollande, c'était au tour de Bernard Cazeneuve, alors ministre de l’Intérieur, de s’avancer à la barre pour rendre compte de son action au moment des attaques.

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Avec notre envoyée spéciale, Lucie Bouteloup

« Lorsqu’un attentat survient après une mobilisation, c’est toujours un échec. » C’est par ces mots que Bernard Cazeneuve a ouvert son témoignage. Pendant plus de quatre heures, l’ancien ministre de l’Intérieur a expliqué calmement et très méthodiquement les raisons de cet échec.

À la veille des attentats de 2015, les services de renseignement suivaient 158 dossiers concernant 941 terroristes. La menace contre la France était donc élevée. 

Modernisation des services de sécurité, changement des modalités d’intervention des équipes, investissement dans l’armement ou encore renforcement de la coopération européenne… Après avoir énuméré les dispositifs mis en place pour protéger la France, Bernard Cazeneuve évoque les angles morts qui subsistaient alors.

À commencer par le difficile contrôle des frontières au sein de l’espace Schengen pour suivre le retour des individus partis sur le théâtre des opérations terroristes. Autre angle mort : les 11 000 sites identifiés comme potentiellement menacés alors qu'il était impossible de déterminer le lieu et la date d’une frappe.

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Protocole d'intervention respecté

Puis, l’ancien locataire de la place Beauvau est ensuite revenu sur la journée du 13 novembre 2015. Au centre des débats : les délais d’intervention des secours au Bataclan et l'ordre qui a pu être donné à la force sentinelle de ne pas intervenir. Pour lui, aucun doute : dans les deux cas, le protocole a bien été respecté. 

Interrogé par un magistrat sur d'éventuels « regrets », il répond : « Il ne s'est pas écoulé un seul jour sans que je me pose la question de savoir si j'aurais pu faire quelque chose que je n'ai pas fait. Je continuerai à m'interroger jusqu'à mon dernier souffle. »

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L’ancien procureur de la République de Paris François Molins entendu

À la barre, le magistrat a détaillé les décisions qu’il a prises dans ses nombreux domaines de responsabilités :  direction de l’enquête, coopération internationale, médecine légale ou encore assistance aux victimes, relate Laura Martel, du service France de RFI.

« Tout n’a pas été parfait, loin de là, mais on a fait au mieux, en donnant le meilleur de nous-mêmes », analyse François Molins. Ce soir-là, il se rend d’abord sur les terrasses. « Vers 22h15-30. Il n’y a encore aucun enquêteur. Je tombe sur un brigadier qui enlève son gilet pare-balle pour me le mettre, ça donne une idée de la situation », précise-t-il avec émotion.

Au Bataclan, il découvre « l’horreur » : « C’est dantesque ». « Je sais pas si je n’arrive pas à y croire ou si je refuse d’y croire. J’y suis entrée trois fois », souffle-t-il. Alors que les investigations s’orientent rapidement vers la Belgique, dès 2h du matin il est en contact avec ses collègues belges. « La coopération, insiste-il, a été exemplaire malgré des relations empoisonnées », notamment « par des fuites dans les médias ». Et de rappeler que les Belges « ont dû précipiter » l’opération pour arrêter Salah Abdeslam suite à l’article d’un journal français qui aurait pu le pousser à changer de planque.

François Molins souligne la mobilisation de tous, mais admet aussi sans réserve des ratés, parfois par « manque de chance », selon lui. Comme pour la non-interpellation de Salah Abdeslam lors d’un contrôle routier le samedi 14 au matin, à cause de la découverte tardive du contrat de location à son nom dans la Polo retrouvée près du Bataclan. Mais le magistrat liste aussi « de grandes difficultés et des dysfonctionnements » dans « l’identification des victimes » et « la prise en charge des familles ». Et mesure, dit-il, combien cela a dû être « épouvantable et insoutenable » pour elles.  « En vérité, même si on redoutait une attaque d’envergure, on n’était pas préparé à des attaques d’une telle ampleur, sur 8 sites différents », admet-il.

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