France: face à la crise aux Antilles, gouvernement et syndicats dans un dialogue de sourds
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Des discussions stoppées à peine entamées: le ministre français des Outre-mer Sébastien Lecornu n'a rencontré que brièvement lundi 29 novembre l'intersyndicale en Guadeloupe où le gouvernement envoie 70 gendarmes mobiles et 10 membres du GIGN supplémentaires pour faire face à la violence durant la crise sociale. Après cette visite éclair de 24h, le ministre est ensuite arrivé en Martinique lundi soir.
Sébastien Lecornu a atterri en début de soirée en Martinique, a-t-on appris auprès de son entourage, soit sa deuxième et dernière étape d'un court séjour destiné à apaiser les tensions et tenter de sortir de la crise sociale traversée par les deux îles des Antilles françaises. Distantes de 120 km, les deux départements d’Outre-mer sont marqués par un fort taux de chômage, en particulier chez les jeunes.
Il doit être de retour mercredi 1er décembre à Paris.
Encore en Guadeloupe, où il était arrivé dimanche 28 novembre, le ministre a jugé qu'aucune discussion n'est possible tant que les syndicats ne « veulent pas condamner des tentatives d'assassinat contre des policiers et des gendarmes », un « préalable pourtant évident et indispensable ».
Sa rencontre avec quatre représentants syndicaux de l'UGTG et FO s'est donc résumée à une simple remise de « documents de revendication ».
Réclamant une « prise de conscience » face aux violences, Sébastien Lecornu a annoncé lors d'un point presse l'envoi d'un escadron de 70 gendarmes mobiles et 10 membres du GIGN supplémentaires, pour « tenir ». « Lorsqu'on tire et qu'on arrose au 9 millimètres dans les rues », c'est « un miracle qu'un enfant de 9 ou 10 ans » ne se soit pas « retrouvé sous ces balles », a-t-il insisté.
Né du refus de l'obligation vaccinale pour soignants et pompiers, le mouvement s'est étendu à des revendications politiques et sociales, notamment contre la vie chère, dans ces îles au fort taux de chômage, en particulier chez les jeunes.
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Le ministre a vivement critiqué les responsables syndicaux qui « ont commencé à vouloir chercher des amnisties » pour les auteurs de violences.
« Tout va être mis en œuvre pour libérer les barrages » qui entravent encore par endroits la circulation sur l'île « et les renforts participent de ça » a poursuivi Sébastien Lecornu.
Une visite « forcée par le rapport de forces » ?
Côté syndicats, la délégation estime que Sébastien Lecornu « n'est pas venu pour négocier, mais parce qu'il a été forcé par le rapport de forces que nous avons installé ».
Maïté Hubert-M'Toumo, de l'UGTG, rappelle leurs revendications « prioritaires » comme « l'arrêt des suspensions des personnels et professions libérales » non-vaccinés, la « suspension des condamnations des personnes pour les violences », et un « plan d'urgence pour la qualification des jeunes et les conditions de travail des familles guadeloupéennes ».
L'intersyndicale a également réclamé que 30 organisations soient reçues, et non 10. Lundi, le Collectif des socio-professionnels, qui rassemble plusieurs corps de métiers très différents (transporteurs, taxis, BTP, tourisme), a menacé d'« une action » d'ici 24 heures s'il n'était pas invité aux négociations. Le collectif avait barré la Guadeloupe durant trois jours en février.
« On ne peut pas négocier en 24h. (Lecornu) c'est le père venu gronder son fils, venu donner une leçon mais la leçon ne passera pas », a déclaré Jocelyn Zou de FO pompiers à la presse.
Dans la foulée, des élus locaux guadeloupéens ont décidé de ne pas se rendre à une rencontre prévue avec Sébastien Lecornu, qui a finalement eu lieu en visio-conférence mais seulement avec « 16 maires », a-t-il souligné.
M. Lecornu a répété que l'obligation vaccinale, repoussée au 31 décembre, ne serait pas levée, car « les lois de la République ont vocation à s'appliquer » dans les Antilles françaises.
Comme la précédente, la nuit de dimanche à lundi a été plus calme. Seul un « petit accrochage » était à déplorer en Guadeloupe, selon une source policière à l'AFP.
Quelque 300 personnes manifestaient dans le calme lundi devant la sous-préfecture de Guadeloupe pendant que M. Lecornu recevait les syndicats.
L'autonomie en débat
En Martinique, Sébastien Lecornu rencontrera également l'intersyndicale et les élus locaux, qui ont signé avec l'État un « accord de méthode » pour tenter de sortir de la crise, a indiqué la préfecture. Sept thématiques (santé, jeunesse, vie chère dont prix des carburants et du gaz, transports, chlordéconomie, pêche, culture) doivent faire l'objet de discussions.
En métropole, les oppositions, notamment à droite, continuent de fustiger la nouvelle position du gouvernement, « prêt », selon M. Lecornu vendredi, à évoquer la question de davantage d'autonomie pour la Guadeloupe.
Le débat sur l'autonomie n'est « évidemment pas le débat sur l'indépendance », a temporisé le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin en citant l'exemple de la Polynésie française à l'autonomie renforcée depuis 1996. Selon lui, il s’agit d’une « demande » venue des « élus de Guadeloupe ».
(avec AFP)
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