Présidence française de l'UE: Emmanuel Macron veut une «Europe puissante et souveraine»

Le président français a organisé ce jeudi après-midi 9 décembre la deuxième conférence de presse du quinquennat pour présenter les priorités de la présidence française de l'Union européenne (PFUE). Elle démarre au 1er janvier pour six mois. Elle va coïncider avec la campagne présidentielle d'avril et les législatives de juin.

Le président français Emmanuel Macron lors d'une conférence de presse sur la France assumant la présidence de l'UE, à Paris, le 9 décembre 2021.
Le président français Emmanuel Macron lors d'une conférence de presse sur la France assumant la présidence de l'UE, à Paris, le 9 décembre 2021. REUTERS - POOL
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Debout derrière une table face à une centaine de journalistes dans la salle des fêtes, le président français a voulu afficher une forte ambition pour cette présidence française de l’UE. Il a longuement défendu l'importance cruciale de renforcer la souveraineté européenne en soutien à la souveraineté nationale.

« S'il fallait résumer en une phrase l'objectif de cette présidence, je dirais que nous devons passer d'une Europe de coopération à l'intérieur de nos frontières à une Europe puissante dans le monde, pleinement souveraine, libre de ses choix et maître de son destin », a déclaré Emmanuel Macron.

Le président français a ainsi plaidé pour une « souveraineté stratégique européenne » : « Ce concept qui paraissait impensable il y a quatre ans permet d'ancrer que nous Européens, que nous soyons membres de l'Otan ou pas [...], avons des menaces communes et des objectifs communs. »

« Pour la première fois depuis près d’une demi-siècle, des questions existentielles nous sont posées, a poursuivi le président français : sur le plan climatique, sur le plan technologique, sur le plan géopolitique. Qui impose, et c’est ce que nous préparons déjà, vous le savez, depuis plusieurs années, de profondément transformer notre organisation, de nous doter d’une ambition nouvelle. Face à toutes ces crises qui percutent l’Europe, nombreux sont ceux qui voudraient ne s’en remettre qu’aux seules nations. Ces nations sont notre force et notre fierté, mais l’unité européenne est leur complément indispensableNous devons agir en Européens, nous devons penser en Européens. »

Réformer l’espace Schengen et le cadre budgétaire de Maastricht

Durant ces six mois, un effort particulier sera consacré à une réforme de l'espace Schengen pour que l'UE « protège ses frontières » face aux crises migratoires qui se succèdent. Il a ainsi souhaité la « mise en place d'un pilotage politique de Schengen », à travers des réunions régulières des ministres européens en charge de ces questions, ainsi que des mécanismes de soutien solidaire en cas de crise à la frontière d'un État membre.

Emmanuel Macron a par ailleurs proposé de « repenser le cadre budgétaire » de l'Europe jusqu'ici défini par les critères de Maastricht. Avec la crise sanitaire, « nous avons mis entre parenthèses l'application de nos règles budgétaires, a reconnu le chef de l'État. Nous devrons revenir à des règles qui seules permettent la convergence de nos économiesLa question n'est plus pour ou contre le 3%. Elle est dépassée. » Une allusion à la règle qui empêche les pays membres de la zone euro de dépasser un seuil de 3% de déficit budgétaire, assouplie lors de la crise sanitaire.

« On veut une Europe qui crée des emplois ». Si c'est « l'Europe du chômage », ce sera « l'Europe de la guerre », a prévenu le président, citant comme exemple l'Europe « désunie » des années 1930 qui avait choisi « la déflation ».

Un « service civique européen » pour les moins de 25 ans

Emmanuel Macron a annoncé son souhait d'un service civique européen de six mois pour les moins de 25 ans, après avoir déjà élargi le programme Erasmus aux apprentis et doublé le nombre de bénéficiaires.

« Allons plus loin et réfléchissons à un service civique européen de six mois ouvert à tous les jeunes de moins de 25 ans pour un échange universitaire ou d'apprentissage, un stage ou une action associative », a souhaité le chef de l'État.

Le président de la République a une nouvelle fois plaidé pour la « généralisation du programme d'échanges Erasmus à tous les Européens, car il donne une ouverture d'esprit qui est un bagage unique dans la vie adulte ». Le programme éducatif Erasmus+ vise à soutenir des actions dans les domaines de l'enseignement, de la formation, de la jeunesse et du sport au niveau européen.

Les marges de manœuvre françaises seront toutefois limitées car si la présidence tournante permet de donner un élan à certaines priorités, il reste ensuite à construire des consensus à 27, ce qui n'est jamais aisé.

« Forger une histoire »contre« les révisionnismes »

Face aux « révisionnismes », le président français veut initier en juin 2022 « un grand travail sur l'histoire » du Vieux Continent qui permette de « forger une histoire et une historiographie de notre Europe ».

« Nous vivons un moment politique en Europe où le révisionnisme s'installe dans plusieurs pays, est utilisé par les puissances qui veulent remettre en cause nos valeurs, notre histoire », a affirmé le chef de l'Etat.

Depuis son élection en 2017, Emmanuel Macron se pose en chef de file des pro-Européens face aux « nationalistes » et aux « populistes ». Le chef de l'État ne cesse de vanter les avancées obtenues à 27, comme le plan de relance post-Covid-19 de 750 milliards d'euros adopté en 2020.

Parler d'Europe et faire campagne

L'Europe, c'était l'ADN du candidat Macron en 2017 et il compte bien en faire encore une fois sa valeur ajoutée dans la présidentielle de 2022.

Avec Valérie Gasdu service Politique de RFI

Officiellement, il ne s'agit que de parler d'Europe, de préparer cette présidence de l'Union pour laquelle chacun de 27 pays membres doit attendre son tour de longues années. La dernière fois pour la France c'était en 2008 avec Nicolas Sarkozy. 

De ce point de vue, l'agenda est une aubaine pour Emmanuel Macron qui a fait de la relance du projet européen son ambition majeure et qui a donc choisi de mettre en scène le début de cette séquence avec une conférence de presse. Un exercice qu'il n'a pas beaucoup pratiqué durant son mandat et qui tombe à pic pour rappeler que le champion de l'Europe, c'est lui, mais aussi capter l'attention au moment où la campagne présidentielle s'emballe avec notamment l'entrée en lice de Valérie Pécresse, une concurrente sérieuse.  

Ses adversaires ne s'y sont pas trompés et ont regretté que la France ne tente pas d'échanger son tour pour que la présidence européenne ne tombe pas en pleine campagne présidentielle et législative. Emmanuel Macron, lui, va en profiter pour peaufiner sa stature de chef d'État aux manettes dans l'espoir de marquer ainsi des points dans la campagne. 

Jusqu'au dernier quart d'heure

La PFUE va donc percuter de plein fouet la campagne pour la présidentielle d'avril et les législatives de juin en France. L'opposition en France critique sa potentielle double casquette de président du Conseil de l'Europe et de candidat. 

Emmanuel Macron, sans répondre sur son éventuelle candidature, a défendu sa capacité à mener à bien cette présidence jusqu'au dernier moment : « Je vous l’ai dit et je vous le redis : le mandat que m’ont confié les Françaises et les Français, je l’exercerai jusqu’au dernier quart d’heure. Et donc les défis qui sont les nôtres, qu’ils soient sanitaires, qu’ils soient migratoires, qu’ils soient énergétiques impliquent des choix. Dîtes-moi la date à laquelle il faut s’arrêter de travailler démocratiquement. C’est la fin du mandat. Et donc je travaillerai jusqu’à la fin du mandat. Il y a des parfois des choix importants qu’il faut faire, quelques semaines ou quelques mois avant la fin d’un mandat. Si je suis devant cette situation, je le ferai. Et donc étant président démocratiquement élu avec un terme, j’agirai en cette condition jusqu’à ce terme. »

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