L’ONU «troublée» par les défaillances de la Minuad au Darfour
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Les conclusions d’une enquête interne de l’ONU sur la mission conjointe des Nations unies et de l’Union africaine au Darfour, la Minuad, montrent une propension à minimiser les exactions commises par les forces soudanaises et les milices pro-gouvernementales.
De notre correspondant à New York
La commission d’enquête de l’ONU sur les dysfonctionnements de sa mission au Darfour se contente d’une réprimande sans conséquence réelle. Selon les cinq pages de ce rapport transmis au Conseil de sécurité et obtenu par RFI, les responsables de la Minuad au Darfour se sont montrés négligents et ont eu une fâcheuse tendance à passer sous silence des incidents graves. L’ONU refuse toutefois de parler de collusion avec les forces soudanaises, pour couvrir des crimes contre les civils.
La commission d’enquête a passé en revue 16 incidents rapportés par l’ancienne porte-parole de la Minuad, Aïcha El-Basri. Les révélations d’Aïcha El-Basri, « écoeurée », dit-elle, des manœuvres de la Minuad pour cacher ses défaillances, ont poussé en juin dernier la Cour pénale internationale (CPI) à demander des explications au secrétaire général Ban Ki-moon.
Des « assaillants non identifiés »
Dans cinq cas, la mission d’enquête conclut que la Minuad « n’a pas transmis au siège des Nations unies des rapports complets » sur des incidents dans lesquels le gouvernement soudanais ou les forces pro-gouvernementales étaient très probablement impliqués. Le rapport note par exemple que les comptes-rendus de la Minuad atténuaient la responsabilité des militaires soudanais et des milices en parlant « d’assaillants non identifiés » ou « d’hommes armés en uniforme militaire », plutôt que de les désigner directement.
L’enquête révèle également que la Minuad n’a jamais transmis à New York un rapport détaillant les attaques, viols et pillages de quatre villages par des forces pro-gouvernementales à Tawilla. De même, le survol d’un convoi de l’ONU par deux hélicoptères d’attaque soudanais a été passé sous silence, malgré la menace directe de bombardement proférée par un officiel soudanais à l’encontre des casques bleus.
Le secrétaire général Ban Ki-moon se dit « profondément troublé » par les conclusions de cette enquête. « Passer sous silence ou informer de façon partielle sur des incidents impliquant des violations des droits de l'homme, des menaces ou des attaques contre de soldats de la paix ne saurait être toléré », a commenté son porte-parole Stéphane Dujarric.
Toutefois, si le rapport dresse le portrait d’une mission opaque et visiblement soucieuse de ne pas froisser les autorités soudanaises, les auteurs ne désignent aucun responsable de ces dysfonctionnements et ne préconise aucune sanction. « Nous sommes déçus, a commenté un diplomate du Conseil de sécurité. Qu’une mission de l’ONU dissimule des informations au siège des Nations unies est inacceptable ! Les personnes responsables doivent rendre des comptes ». Paris, Londres et Washington ont demandé à Ban Ki-moon de prendre des sanctions.
Ban Ki-moon s’est montré extrêmement réticent à admettre les fautes de cette mission conjointe avec l’Union africaine, chargée de protéger les civils du Darfour, et considérée comme un échec. L’un des dirigeants de la Minuad, le Russe Karen Tchalian, régulièrement mis en cause, a même été remis en poste au Darfour après un passage au Liban. Il aura fallu le coup de semonce de la CPI pour que le chef de l’ONU accepte de lancer en juillet dernier une évaluation interne de la Minuad. La CPI demandait une enquête indépendante.
« Cette évaluation n’est pas l’enquête approfondie, indépendante et publique que la procureure de la CPI a demandé au mois de juin. C’est tout au plus le camouflage d’un camouflage, de la poudre aux yeux », martèle Aïcha El-Basri qui accuse l’ONU de chercher à masquer des « fautes intentionnelles » en simple « négligences » et appelle l’ONU à « prendre la responsabilité de ses erreurs » pour s’assurer que cela ne se reproduise pas dans d’autres missions de maintien de la paix.
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