Viande et cancer: le vrai, le faux, la peur et la raison
En déclarant cancérogène la charcuterie et probablement aussi la viande rouge, l’agence du cancer de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a jeté un sacré pavé dans nos assiettes. Est-on condamné à devenir végétarien pour sauver notre peau ? Jusqu’à quel point faut-il avoir peur de la viande ?
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Le Centre international de recherche sur le cancer (Circ), un organisme de l’OMS basé à Lyon, le dit sans détour et sans conditionnel : la consommation de charcuterie est cancérogène et celle de viandes (à part le poulet et autres volailles), l’est « probablement » aussi.
D’autres équipes de chercheurs nous avaient déjà alertés ces dernières années sur les risques d’une consommation importante de viande liée au cancer colorectal. Mais le fait que ce soit aujourd’hui l’Organisation mondiale de la santé qui prenne le relais de ces mises en garde a un impact autrement plus important. En 2012, en France, 42 000 personnes ont été dépistées porteuses d’un cancer colorectal, le plus fréquent après celui du poumon et du sein.
La dose fait le poison
Pour parvenir à cette conclusion, le Circ a mobilisé 22 experts dans dix pays pour passer en revue quelque 800 études réalisées dans le monde sur un éventuel lien entre consommation de viande et survenue de cancer. Les chercheurs ont ainsi pu établir que la consommation de viande transformée comme la charcuterie, la viande fumée, séchée ou la viande rouge était impliquée dans l’apparition du cancer colorectal et dans une moindre mesure, dans ceux du pancréas et de la prostate. Une association avec le cancer de l’estomac a été également observée, mais les experts du Circ n’ont pas jugé les données recueillies « concluantes ».
« C’est la dose qui fait le poison », avait formulé Paracelse au XVIe siècle. Pour suivre cette voie, à partir de quelle quantité de viande risque-t-on de développer un cancer ? Sur cette question les avis divergent et les quantités aussi. En France, le Dr Dominique Bessette, de l’Institut national du cancer, plaide pour ne pas dépasser les 500 grammes par semaine par portion de 70 à 100 grammes maximum.
Petites portions, pas trop souvent
En Australie, les autorités sanitaires recommandent de se limiter à des portions de viande rouge 65 à 100 grammes tout au plus, de trois à quatre fois par semaine. Mais personne ne peut indiquer bien sûr un seuil en deçà duquel on serait protégé de tout risque.
D’autant plus que l’OMS le reconnaît, « on ne sait pas encore bien comment la viande rouge et la viande transformée accroissent le risque de cancer ». Cependant, des présomptions pèsent sur le rôle du fer présent dans le sang contenu dans la viande rouge, comme sur les nitrates et nitrites utilisés lors de la fabrication de la charcuterie.
Cela dit, l’étude du Circ vient appuyer les recommandations de santé publique qui encouragent, depuis quelques années déjà, les consommateurs à limiter la consommation de viande. Tout en reconnaissant la valeur nutritive de la viande rouge, les experts laissent aux gouvernements comme aux organismes de réglementation internationaux le soin « de mener des évaluations du risque, et de trouver un équilibre entre les risques et les avantages de la consommation de viande rouge et de viande transformée, et de formuler les meilleures recommandations alimentaires possibles ».
Les végétariens confortés
La publication de cette étude est venue conforter les végétariens qui ne l’ont pas attendue pour dire tout le mal qu’une alimentation carnée procure. De la « vache folle » à la fièvre aphteuse, en passant par la fraude à la viande de cheval, ils ne manquent pas d’arguments, notamment écologiques, en faveur d’une élimination totale des produits animaux de notre régime.
A l’opposé, comme il fallait s’y attendre, les industriels de la viande s’inquiètent des conclusions de l’agence de l’OMS. Aux Etats-Unis, au Brésil, en Australie, chez les plus gros producteurs et exportateurs de viande mondiaux, on fustige « un défi au sens commun ». En Allemagne, temple de la charcuterie, le ministre de l’Alimentation a joué à fond la défense des traditions culinaires locales : « Personne ne doit avoir peur, a-t-il déclaré avec conviction, quand il mange une saucisse grillée ». Quant à son homologue autrichien, il s’est contenté de qualifier le rapport de l’OMS de « farce ».
Alors que la consommation de viande a reculé en France de 8,3 % en moins de 20 ans, l’étude publiée le 26 octobre est reçue par les industriels de la filière comme un bien mauvais coup. Mais les professionnels du secteur espèrent néanmoins que les Français « sauront lire cela avec bon sens ».
Evaluer sa consommation de viande
Pour y parvenir, les consommateurs pourront dans un premier temps évaluer leur consommation de viande et la diminuer si elle se situe au-delà du raisonnable. Selon l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), plus du quart de la population française inscrit à son menu quotidien au moins 50 grammes de charcuterie…
Ensuite, il est recommandé de prêter attention au mode de cuisson sachant que, plus c’est grillé, plus c’est nocif. Ne consommer qu’à l’occasion donc, les viandes cuites à haute température ou directement sur la flamme (barbecue). L’apport de fibres dans l’alimentation sous forme de fruits, de légumes, de céréales complètes, offre également une certaine protection notamment par leur effet mécanique de « balayage » dans les voies digestives.
Selon une étude menée par le Global Burden of Disease Project, et citée par le Circ, les régimes alimentaires riches en viande transformée sont à l’origine de 34 000 décès par an dans le monde. Le tabac lui, est à l’origine chaque année d’environ un million de décès par cancer, l’alcool de 600 000 décès et la pollution de l’air de plus de 200 000 décès, détaillent les statistiques du Circ.
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