Syrie / Russie

Syrie: les missiles sol-air russes, quelle utilité pour le régime Assad?

Missiles sol-air russes S-300.
Missiles sol-air russes S-300. Wikipedia/Kremlin.ru

Une première livraison de missiles sol-air S-300 en provenance de la Russie est arrivée en Syrie, a affirmé ce jeudi 30 mai au soir Bachar el-Assad dans son interview télévisée, diffusée par la chaîne du Hezbollah Al-Manar. Il a ajouté que le reste de la cargaison doit suivre prochainement. Une cargaison qui inquiète Israël, qui a récemment bombardé à Damas un stock de missiles perfectionnés destinés au Hezbollah libanais. Le président syrien a prévenu qu'il répliquerait immédiatement à toute future attaque. 

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Si ces missiles ont vraiment été livrés, cela n'a pas dû échapper aux services de renseignements occidentaux et israéliens. Ces missiles mesurent tout de même sept mètres de long, on ne peut les déplacer qu’avec des gros véhicules porteurs et cela ne passe pas inaperçu.

Le régime de Bachar el-Assad avait de longue date prévu de moderniser son armée en achetant des missiles de différents types et des avions, et une partie du matériel russe commandé a été livré avant la révolution. Les deux pays sont liés par 6 milliards de dollars de contrats d'armement signés ces dernières années.

Il est possible que les commandes aient été réadaptées ces derniers mois en raison de la guerre civile. Des avions cargos russes ou des bateaux livrent régulièrement des armes à la Syrie. Donc pourquoi pas des missiles S-300 ? En réalité, cela fait trois ans que la Syrie et la Russie se sont mis d'accord autour de la livraison de missiles sol-air S-300.

Un missile de défense anti-aérienne

Le missile S300 est destiné à détruire des avions ou des missiles de croisière. Donc il s’agit d’une arme défensive. Il est comparable aux premiers Patriot américains. Contrairement à ce que l'on entend souvent, les S-300 n'ont pas 300 kilomètres de portée. C'est sans doute moins, parce qu'en réalité ce qui permet de déterminer la portée d'un système sol-air, ce n'est pas le missile en soit, c'est la portée et la qualité du radar qui guide le missile.

Arme défensive certes, mais pour les Israéliens, ces missiles pourraient être tirés vers l'espace aérien d'Israël. Mais pour cela, il faudrait les positionner sur le Golan ou à proximité de la frontière israélienne. Et dans ce cas, ils seraient très vite repérés et les forces israéliennes auraient les moyens de les détruire au sol. Car en réalité tout système sol-air devient vulnérable dès qu'il met en marche son radar.

Par exemple, en 2006 au Sud-Liban, l'armée israélienne était parvenue à neutraliser en 48 heures les quelque vingt fusées Zelzal livrées par l'Iran au Hezbollah et capables d'atteindre le territoire israélien.

Que peuvent apporter les S-300 au régime syrien ?

Les Russes utilisent une ceinture de missiles intercepteurs autour de Moscou pour protéger la capitale. Il s'agit de S-400, une évolution du S-300. Donc, on peut imaginer que Bachar el-Assad dispose ces missiles autour de Damas ou du réduit alaouite. Dans ce cas, il ne s'agirait pas de ralentir la progression des rebelles syriens (qui ne disposent pas d'avion) mais de compliquer une opération aérienne occidentale, comme celle que l'Otan a menée en 2011, en Libye, pour faire plier Mouammar Khadafi.

Comme il s'agit de rampes mobiles, les Syriens peuvent aussi les disposer autour de convois d'armement qu'ils voudraient mettre à l'abri au Liban ou faire passer au Hezbollah, on se souvient que c'était ce qui avait justifié les raids israéliens du 19 mai dernier.

Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que ces batteries de missiles ne vont pas donner un avantage déterminant à l'armée syrienne, mais à l'échelle régionale, elles pourraient compliquer un peu la donne. Les Israéliens prendraient un peu plus de risques en allant survoler le territoire syrien et médiatiquement la capture d'un équipage israélien éjecté au-dessus de la Syrie aurait des répercussions importantes. On se souvient de l'émoi qu'avait suscité la destruction d'un avion de reconnaissance turc l'an dernier près des côtes syriennes.

Israël, entre positionnement politique et posture militaire

Du côté d'Israël, le Premier ministre a donné pour consigne au gouvernement de ne pas faire monter la pression, et de l'autre le ministre de la Défense affirme que si ces livraisons sont confirmées Israël saura quoi faire.

Benyamin Netanyahu, qui est loin d'être une colombe, ménage ses relations avec la Russie. Car la Russie est un client de l'industrie israélienne, notamment dans le secteur des drones, et Tel Aviv redoute aussi la livraison de S-300 à l'Iran. Moscou reste donc un interlocuteur pour les Israéliens. Et après tout, le ministre israélien de la Défense a raison, détruire les batteries de S-300 avant qu'elles ne soient opérationnelles reste largement à la portée de l'armée de l'Air israélienne. Il suffit en réalité de détruire les radars des batteries pour rendre les missiles inopérants, c'est une mission classique et Israël a les moyens de tromper les défenses syriennes comme son armée l'a démontré en allant bombarder un site industriel suspect dans le nord de la Syrie en 2007.

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