Beyrouth: des milliers de Libanais en colère manifestent contre le gouvernement

Ce samedi, des milliers de Libanais ont déferlé dans les rues de Beyrouth, partiellement dévastées par une explosion, pour exprimer leur colère face à la classe politique jugée responsable du drame qui a fait plus de 150 morts et 6 000 blessés.

Des heurts ont éclaté entre force de l'ordre et manifestants lors d'une manifestation contre le gouvernement à Beyrouth, le 8 août 2020.
Des heurts ont éclaté entre force de l'ordre et manifestants lors d'une manifestation contre le gouvernement à Beyrouth, le 8 août 2020. REUTERS/Hannah McKay
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Bien après la tombée de la nuit, la place des Martyrs à Beyrouth comptait toujours de nombreux manifestants prêts à en découdre avec les forces de l'ordre, symbole d'un pouvoir détesté et rejeté. Impossible de savoir combien ils étaient, barre de fer ou batte de baseball à la main, lors de ces échauffourées nocturnes contre la police anti-émeute. Depuis la double explosion meurtrière qui a dévasté en partie la capitale mardi dernier, l'éclairage public est en panne dans de nombreux quartiers et la place des Martys était plongée dans le noir, rapporte notre envoyé spécial, Pierre Olivier

Selon la Croix-Rouge libanaise, 63 personnes ont été blessées lors des violences qui ont émaillé la manifestation et transportées dans des hôpitaux, et 175 autres soignées sur place. « Un membre des Forces de sécurité intérieure est décédé (...) en aidant des personnes coincées dans l'hôtel Le Gray », a pour sa part indiqué la police libanaise, ajoutant sans autre détail qu'il avait « été agressé par un certain nombre d'émeutiers qui ont entraîné sa chute et sa mort ».

Un poing géant et de fausses potences

Des milliers de Libanais s'étaient massés ce samedi sur la place des Martyrs pour demander la démission du gouvernement, jugé responsable de la crise économique et de l’explosion meurtrière qui a ravagé la capitale mardi dernier. On pouvait entendre des « révolution », ou encore des « pendez-les », en parlant de la classe politique.

Beaucoup de jeunes, drapeaux libanais sur les épaules, ont pris part au rassemblement qui a commencé à prendre forme peu après midi. Un gigantesque poing levé et des potences factices avaient été dressés, donnant le ton de la manifestation.

« Nous sommes tous les martyrs de ce gouvernement coupable jusqu’au sang, expliquait José Labaké, 26 ans, au micro de RFI. La première demande est la démission totale de toute personne responsable, ou pas, de l’explosion. Du Premier ministre, au président, au président de la Chambre, chacun, l’un après l’autre. Ils n’ont absolument plus aucune place, ils n’ont plus de crédibilité et plus de valeurs aux yeux du peuple. [...] Le président a trahi son peuple à plusieurs reprises mais cette fois c’était la fois de trop. »

Des ministères brièvement occupés

L'armée et la police libanaise avaient été déployées en nombre autour de la place, ce qui n'a pas empêché des heurts d'éclater en milieu d'après-midi, a pu constater notre envoyé spécial. Des manifestants ont tenté de rentrer dans le Parlement. D'ordinaire, la place de l’Étoile, où se trouve l’édifice, est protégée par de grandes barrières métalliques et des barbelés. Pour renverser ces protections fortement gardées, certains protestataires n’ont pas hésité à déchausser les pavés de la route et les lancer sur les forces de l’ordre.

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La police anti-émeute libanaise a répondu par des tirs de gaz lacrymogène, mais certains manifestants sont tout de même parvenus à se faufiler dans le Parlement. La police déplore d’ailleurs de nombreux blessés dans ses rangs.

Alors que l'attention des forces de sécurité se concentrait sur le rassemblement de milliers de protestataires dans le centre-ville, des manifestants menés par des officiers à la retraite ont pris d'assaut le siège du ministère des Affaires étrangères à Beyrouth, le proclamant « quartier général de la Révolution ». Ce samedi soir, ils étaient une centaine à l'occuper pacifiquement, avant que l'armée ne les déloge en faisant usage de balles en caoutchouc et de gaz lacrymogènes.

Des manifestants ont aussi tenté de prendre le quartier général de l'Association des banques, y mettant le feu avant d'être délogés par l'armée. Les protestataires ont également investi les ministères de l'Economie et celui de l'Energie, symbole de la gabegie des services publics, les coupures de courant alimentant la gronde.

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