Journée de solidarité avec le peuple palestinien: le BDS et sa stratégie du boycott d'Israël
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La date du 29 novembre est célébrée comme la Journée internationale de solidarité avec le peuple palestinien. Il y a 75 ans, le 29 novembre 1947, l’ONU adoptait le plan de partage destiné à créer un État arabe et un État juif. Depuis, le peuple palestinien n’a toujours pas atteint son droit à l’autodétermination. Son territoire a été annexé, colonisé. L’appel à la solidarité a cédé la place à la défiance incarnée par le mouvement populaire Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS).
Tous les Palestiniens connaissent désormais Sally Rooney. La romancière irlandaise, trentenaire et auteure de trois best-sellers, a créé l’événement en octobre dernier en refusant que son dernier roman Beautiful world, where are you soit traduit en hébreu par une maison d’édition israélienne qu’elle jugeait trop proche du pouvoir. La romancière qui se qualifie de marxiste, a expliqué dans un communiqué le sens de son choix, réitérant son soutien de longue date à la cause palestinienne et son adhésion aux directives du mouvement palestinien Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS).
Si la décision de la romancière a créé la polémique, elle n’a en réalité rien d’étonnant, car elle s’inscrit dans la longue tradition irlandaise de soutien à la cause palestinienne. Plus de 1 300 artistes, dramaturges, acteurs et romanciers irlandais soutiennent le mouvement international pro-palestinien BDS, que la jeune prodige littéraire cite nommément dans sa déclaration.
Qui ? Pourquoi ? Comment ?
Appelant inlassablement au boycott contre Israël, le BDS s’est imposé en un peu plus de quinze années d’existence comme le point de ralliement de la solidarité internationale avec la cause palestinienne. « Le mouvement BDS s’est avéré être la forme le plus efficace de la solidarité internationale avec notre lutte de libération », écrit sur son blog Omar Barghouti, co-fondateur du mouvement.
Inspiré de la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud et du mouvement des droits civiques aux États-Unis, le BDS a été créé en juillet 2005 par une coalition de quelque 170 organisations de la société civile palestinienne (syndicats, réseaux de réfugiés, organisations de femmes…). Ses revendications portent principalement sur la fin de l’occupation israélienne de 1967 et le démantèlement des colonies, la fin de la discrimination dont sont victimes les populations palestiniennes et la fin de l’interdiction faite aux réfugiés palestiniens de regagner leurs foyers.
Pour réaliser ses revendications, le mouvement appelle à un boycott international non-violent d’Israël, fondé sur trois axes : boycott (culturel et universitaire), désinvestissement (économique) et sanctions (politiques). D’où le sigle BDS par lequel ce mouvement est mondialement connu.
Mobilisation
« Nous voulions faire pression sur les parlements et les gouvernements afin qu’ils mettent fin à leur complicité avec l’apartheid et le colonialisme israélien », a déclaré Omar Barghouti lors d’un entretien accordé à l’occasion de sa participation à un Festival en Europe (1). Or les gouvernements en général ont été jusqu’ici peu sensibles à la campagne du BDS, comme le confirment le refus de Washington d’accorder des visas d’entrée aux responsables du mouvement, fut qualifié de « cancer » par l’administration Trump ou encore les sentences prononcées par les tribunaux français condamnant les militants participant à la campagne BDS de boycott des produits importés d’Israël.
Sur le plan économique, l’organisation mène des actions de lobbying auprès des entreprises pour qu’elles cessent d’investir en Israël ou de collaborer avec des entités qui financent la colonisation illégale des territoires palestiniens. L’action du BDS n’a d’ailleurs pas été étrangère à la décision de Veolia (2015) de céder toutes ses activités en Israël ou à celle d’Orange (2016) à rompre son partenariat avec une entreprise israélienne de télécommunications. Des banques, des assurances et d’autres entreprises « complices » telles qu’AXA, CAF, HP, G4S ou Puma sont dans le collimateur du BDS. Le BDS France s’apprête notamment à mener une campagne contre une grande banque française, qui a été pointée du doigt dans un rapport récent comme étant impliquée dans des activités liées aux colonies israéliennes.
Or, le succès principal du BDS a essentiellement consisté à mobiliser des personnalités en vue du monde de la culture, qui ont pris fait et cause en faveur des Palestiniens. « La solidarité avec les droits des Palestiniens a explosé sur la scène internationale », se réjouit pour sa part Omar Barghouti. Il cite, à titre d’exemple, des célébrités de Hollywood, de la musique et de la mode, des intellectuels, des associations et programmes universitaires.
Le BDS peut aussi compter parmi ses soutiens des célébrités de la stature de la chanteuse britannique Annie Lennox, le guitariste Carlos Santana, auxquels se sont rejoints d’autres grandes pointures de la scène musicale telles que Roger Waters du groupe Pink Floyd ou encore le musicien arrangeur anglais Brian Eno. Influents ambassadeurs de la cause palestinienne, ils ont beaucoup œuvré auprès de leurs confrères pour les dissuader de se produire en Israël.
Les soutiens au mouvement pro-palestinien sont aussi venus du monde intellectuel et artistique, notamment en les personnes de la philosophe Judith Butler, le cinéaste Jean-Luc Godard ou les activistes Naomi Klein et Angela Davis qui ont apporté leur caution aux combats pour la justice des Palestiniens. Avant l’Irlandaise Sally Rooney, l’Américaine Alice Walker avait également refusé que son grand roman, Couleur pourpre, prix Pulitzer 1983, soit commercialisé en Israël, pays qu’elle a accusé d’avoir mis en place un régime d’apartheid visant ses citoyens palestiniens.
Antisémitisme
« Cet appel au boycott culturel d’Israël par les activistes du BDS est très mal vécu en Israël, qui s’inquiète de la dégradation de son image à l’international », explique Jean-Louis Vey, animateur du groupe de travail BDS au sein de l’Association France-Palestine Solidarité. « Qualifiant le BDS d’« antisémite » et estimant qu’il fait peser une « menace stratégique » à son pays, l’ancien Premier ministre Nétanyhaou avait même mis en place un ministère des Affaires stratégiques, chargé de combattre l’influence du BDS à l’étranger », raconte l’activiste français, soulignant que l’antisémitisme est une accusation trop facilement utilisée par le pouvoir israélien pour se débarrasser des critiques.
« La raison d’être du BDS n’est pas de menacer l’existence d’Israël, mais de remettre en cause le système mis en place par l’État israélien pour persécuter les Palestiniens, et qui est la principale cause de son isolement grandissant à travers le monde », soutient pour sa part Omar Barghouti dans un article d’opinion qu’il a fait paraître il y a quelques années dans les colonnes de New York Times (2).
Enfin, pour Arno Rosenfeld, journaliste à « Forward », journal de la communauté juive newyorkaise, les accusations d’« antisémitisme » sont inappropriées. Explication du journaliste : « Les juifs américains sont certes hostiles dans leur vaste majorité au mouvement propalestinien qui, en prônant le retour des réfugiés palestiniens, fait peser une menace sur l’existence à terme d’Israël en tant qu’Etat hébreux. Pour autant, disent les voix progressistes juives qui se sont fait entendre ces dernières années, accuser le BDS d’antisémitisme serait contreproductif dans le débat en cours sur la définition ethno-nationaliste de la démocratie israélienne. »
(1) « Le soutien à la Palestine grandit partout dans le monde », entretien avec Omar Barghouti, in Solidaire, du 28 juin 2021.
(2) « Why Israel fears the boycott », par Omar Barghouti, in New York Times, du 31 janvier, 2014.
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