Pourquoi la crise au Niger intéresse bien au-delà du continent
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Les dimensions internes de la crise au Niger sont essentielles mais dans les événements à venir, le positionnement des acteurs extérieurs qui y ont aussi des intérêts stratégiques va aussi compter.

Alors oui, les indicateurs économiques et sociaux du Niger qui sont parmi les plus mauvais du continent ne reflètent pas l’importance stratégique de ce pays. Le Niger, c’est d’abord un immense territoire de 1 267 000 km2 qui en fait le cinquième pays le plus vaste du continent. Il a des frontières avec sept pays dont deux sont des puissances économiques et militaires africaines, le Nigeria avec 1500 km de frontière commune, l’Algérie, 950 km, mais aussi la Libye, le Tchad, le Mali, le Burkina Faso et le Bénin.
Il faut ajouter aux préoccupations liées à la présence de groupes armés terroristes dans les régions frontalières avec le Mali et le Nigeria, l’intérêt suscité par le rôle de carrefour des migrations ouest-africaines à destination de l’Europe que joue la région d’Agadez au centre-nord du Niger.
Il faut aussi mentionner bien sûr les ressources naturelles du Niger : l’or, l’uranium, le pétrole dont la gestion des revenus futurs est peut-être un des facteurs sous-jacents de la bataille politique et du coup d’État encore nébuleux à Niamey… C’est l’entreprise chinoise, la China National Petroleum Corporation (CNPC), qui est le partenaire principal du Niger dans l’exploitation des ressources pétrolières du pays depuis 2011. La production devrait augmenter considérablement au cours des prochaines années, après la mise en service d’un pipeline de 1950 km, le plus long du continent, entre Agadem au Niger et le port de Sémè Kraké au Bénin.
La France, ancien pays colonisateur, est à nouveau sur la sellette au Niger.
Comme au Mali et au Burkina Faso, la crise nigérienne est devenue en quelques heures une crise franco-nigérienne, du moins dans la couverture médiatique, sur les réseaux sociaux et il est vrai aussi dans les rues de Niamey. On en est presque venu à oublier le coup d’État lui-même. Ces dernières années, c’est surtout la présence militaire française renforcée qui faisait débat au Niger.
Mais pendant longtemps, c’est la relation économique qui suscitait le plus de critiques. Le lien le plus ancien entre la France et le Niger passe en effet par l’uranium qui a été découvert au nord du Niger trois ans avant l’indépendance en 1957. La France s’était assurée de conclure des accords à la fois sécuritaires et économiques pour avoir un accès exclusif pendant des décennies à l’uranium nigérien. Le choix de la France de faire de l’industrie nucléaire civile le socle de son indépendance énergétique impliquait de garantir son approvisionnement en uranium à des conditions très favorables.
Orano [anciennement Areva, NDLR] détient des participations dans trois mines d'uranium au Niger, dont une seule est actuellement en exploitation. L’exploitation du gisement d’Imouraren découvert depuis 1966, avec des réserves considérables, n’a toujours pas commencé. Même si Orano exploite aussi des mines au Canada et au Kazakhstan, de loin le premier producteur mondial, le Niger reste une source d’approvisionnement importante. En 2022, le Niger était le deuxième fournisseur d'uranium naturel de l'UE, avec une part de 25,38%. Cela reste significatif sans être vital.
Il faut ajouter à la dénonciation des effets limités de l’exploitation de l’uranium pendant des décennies sur l’économie du pays, celle des nuisances environnementales. Selon la Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité (CRIIRAD), une institution française, 20 millions de tonnes de résidus radioactifs ont ainsi été déversés sur le sol, à découvert, dans la région d’Arlit, avec des risques sanitaires graves pour les populations. Cela ne peut que nourrir de profonds ressentiments.
Le Niger revêt une importance stratégique pour les États-Unis, qui sont embarrassés par la crise.
On ne compte plus les prises de parole du chef de la diplomatie américaine Antony Blinken, qui avait séjourné au Niger en mars dernier. Il évite soigneusement de parler de coup d’État, cette qualification devant entraîner légalement des décisions de rupture de coopération militaire avec le Niger. Les États-Unis y disposent de bases militaires, de 1100 soldats, de drones armés et non armés et d’autres moyens importants. Opérationnelle depuis 2019, la base aérienne 201 près d'Agadez est la deuxième plus grande base des États-Unis en Afrique après Djibouti. La construction aurait coûté autour de 110 millions de dollars.
Victoria Nuland, la secrétaire d’État adjointe par intérim, numéro deux de la diplomatie américaine tout de même, était à Niamey le 7 août dernier. Elle s’est entretenue avec le général Moussa Salaou Barmou, nommé chef d'état-major des armées, qui commandait jusque-là les forces spéciales de l’armée nigérienne, formées notamment par l’armée américaine. Les États-Unis vont très clairement peser lourdement sur les solutions de sortie de crise.
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