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COP 30 : l'énergie et l'agriculture, leviers de la décarbonation au Sénégal

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À l'occasion de la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques à Belem (Brésil), Éco d’ici, Éco d’ailleurs explore les initiatives concrètes menées sur le continent africain pour conjuguer croissance économique et décarbonation. Au Sénégal, on cherche à produire une électricité plus verte et à inventer une agriculture plus durable.

La zone maraîchère de Lendeng «poumon vert» dans la banlieue de Dakar (Sénégal).
La zone maraîchère de Lendeng «poumon vert» dans la banlieue de Dakar (Sénégal). © Bruno Faure / RFI
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Le centre de conduite du dispatching de la Senelec à Mbao (Sénégal) a été modernisé pour s'adapter au nouveau mix énérgétique du pays
Le centre de conduite du dispatching de la Senelec à Mbao (Sénégal) a été modernisé pour s'adapter au nouveau mix énérgétique du pays © Senelec

⚡Une énergie plus verte pour le Sénégal

Au cœur du programme Smart Grid de la Senelec, la compagnie nationale d’électricité, un nouveau centre de dispatching supervise le réseau électrique national et ses interconnexions avec cinq pays voisins (Gambie, Mauritanie, Mali, Guinée-Conakry et Guinée-Bissau).

L’objectif affiché : 40% d’énergies renouvelables d’ici 2030. Une ambition soutenue par des outils numériques et de l’intelligence artificielle pour prévoir la demande et optimiser la production à moindre coût.

💶 La mission du dispatching

🎙️ Arona Baldé, responsable du service protections et téléconduite à la Senelec

« Nous avons besoin de disposer des informations qui nous permettent de sécuriser le réseau. En cas d'incident, de perturbation, on se doit d'avoir ces informations au niveau de la salle de conduite pour faciliter la reconstitution. »

Le projet de centrale solaire Sénergy dans la région de Thiès (Sénégal)
Le projet de centrale solaire Sénergy dans la région de Thiès (Sénégal) © GettyImages/Jacques LOIC

💶 Le financement de la transition

🎙️ Marine Guérault, chargée de projet énergie à l’AFD (Agence française de développement)-Dakar

« Le centre de dispatching est un bon exemple d'accompagnement de l'État sénégalais dans ses objectifs d'intégration des énergies renouvelables dans le réseau et de réduction des coûts de l'électricité. »

🎙️Lamine Bruno, responsable du pôle infrastructures, énergie et secteur financier public à l'AFD-Sénégal

« L'AFD est une banque du climat. Nous finançons principalement les énergies renouvelables. Nous avons fait le choix, en partenariat avec la Senelec, de les accompagner dans cette transition énergétique voulue par le gouvernement. »

Mais plusieurs défis demeurent : stockage, intermittence, financement, et maintien d’un prix abordable pour les consommateurs.

Le siège de la Senelec à Dakar (Sénégal)
Le siège de la Senelec à Dakar (Sénégal) © RFI

🎙️Saer Diabou Diop, directeur des projets de production à la Senelec

« Nous sommes dans un environnement de plus en plus exigeant, tant du point de vue des consommateurs que du point de vue de la production. Il nous faut avoir un très bon niveau de service ».

« Les projets d'énergie sont capitalistiques. Les besoins en termes de financement sont énormes. »

La ferme des 4 chemins à Toubab Dialaw (Sénégal)
La ferme des 4 chemins à Toubab Dialaw (Sénégal) © Bruno Faure / RFI

 

🌱 L’agroécologie, moteur du changement

📍 La ferme des Quatre Chemins – Toubab Dialaw (région de Rufisque)

Cette exploitation agricole pilote associe production biologique, formation et innovation sociale. Dirigée par Rahim Bâ, elle incarne un modèle d’économie circulaire :

  • Production d'intrants naturels

  • Forage et irrigation solaires

  • Recyclage de l’eau issue de la pisciculture

  • Production locale diversifiée (25 cultures différentes)

  • Formation des jeunes à l’agroécologie et à l’autonomie alimentaire

Rahim Bâ, directeur de la ferme des 4 chemins à Toubab Dialaw (Sénégal) avec Bruno Faure (RFI)
Rahim Bâ, directeur de la ferme des 4 chemins à Toubab Dialaw (Sénégal) avec Bruno Faure (RFI) © RFI

🎙️ Rahim Bâ, fondateur de la ferme :

« Les 4 Chemins, c’est éducation, santé, environnement et développement durable. »

« Ici, rien ne se perd, rien ne se crée, on transforme tout. On réduit les coûts de production. On minimise les effets négatifs. On maximise les effets positifs

L’établissement accueille des étudiants de l’Université Cheikh Anta Diop et des jeunes entrepreneurs venus d’autres pays du continent.

L'équipe de la ferme des 4 chemins à Toubab Dialaw (Sénégal) et ses étudiants
L'équipe de la ferme des 4 chemins à Toubab Dialaw (Sénégal) et ses étudiants © RFI

La ferme propose des modules en :

  • semences et biopesticides

  • gestion des sols

  • permaculture

  • traitement naturel des cultures.

🎙️ Khady Sy, étudiante :

« Ce que j’ai vu ici me motive à créer ma propre ferme agroécologique. »

🎙️Louis, adjoint au directeur et responsable des formations :

« Nous recevons tous types de profils. Du niveau collège aux études supérieures. Et si la personne ne parle pas français, cela importe peu. »

🎙️Yusuf Ben, volontaire originaire de Maroua (Cameroun) :

« Ce n'est pas de la magie. L'agriculture permanente, je veux la reproduire dans mon pays. C'est possible. »

L'AFD soutient la ferme des 4 chemins en termes de financement et de conseil
L'AFD soutient la ferme des 4 chemins en termes de financement et de conseil © RFI

🧾Soutiens et partenariats

Le projet bénéficie d’un appui de la CEDEAO, de l’AFD et de l’Union européenne pour renforcer ses capacités pédagogiques et administratives.

🎙️Mathieu Boche, responsable Pôle Ressources naturelles AFD Sénégal, Gambie, Guinée Bissau et Cap Vert.

« La ferme des 4 Chemins a été sélectionnée parmi plusieurs initiatives régionales. L’objectif est d’en faire un modèle de démonstration et de formation. Il n'y a rien de mieux qu'un agriculteur pour parler à un autre agriculteur. »

📍Le Programme d'Appui aux Cantines Intégrées (NIAMDE-PACI) reliant producteurs locaux et établissements scolaires dans les communes de Yene et Bargny.

Objectifs :

  • Alimentation saine pour les enfants (sans bouillon industriel)
  • Produits locaux et bio
  • Éducation nutritionnelle
  • Repas à 100 FCFA (déjeuner + petit-déjeuner)
Le programme de cantines scolaires Niamde-Paci au Sénégal
Le programme de cantines scolaires Niamde-Paci au Sénégal © RFI

🎙️Ndeye Fatou Thiandoum, animatrice cantines dans les communes Yene et Bargny pour le projet NIAMDE-PACI

« C'est un défi parce que les enfants n'ont pas l'habitude de manger des repas sans bouillon. Alors qu'ici, au niveau de la cuisine centrale, nous faisons nos repas sans viande et favorisons les produits locaux. Il y a tout ce qu'il faut pour que leur organisme réponde à ce qu'on leur demande en classe. »

La zone maraîchère de Lendeng (Sénégal)
La zone maraîchère de Lendeng (Sénégal) © RFI

📍 Lendeng, un poumon vert pour Dakar

Aux portes de la capitale sénégalaise, dans la zone maraîchère de Lendeng, les producteurs se battent pour préserver un fragile équilibre entre rentabilité économique et respect de l’environnement. Autrefois vaste de près de 1 000 hectares, la zone agricole ne couvre plus que 85,7 hectares, grignotés par une urbanisation rapide. Pourtant, ces terres nourrissent chaque jour une partie de la capitale sénégalaise.

🎙️Abou Sow, secrétaire du groupement des maraichers de Lendeng

« Cette zone doit être protégée par les producteurs et par la population parce que c'est le seul poumon qui nous reste ici. Au-delà de ce poumon-là, il ne reste plus d'espace dédié à l'agriculture. »

Avec 185 producteurs recensés, dont une trentaine de femmes, l’activité est intense et continue tout au long de l’année. Plus de seize variétés de légumes sont cultivées, avec une spécialisation dans la salade et la laitue, qui représentent près de 70 % de la production.

Les maraîchers ont entrepris une transition agroécologique, abandonnant les engrais chimiques pour recourir au compost organique – plus de 7 000 tonnes de déchets valorisés chaque année. L’objectif : maintenir la productivité tout en préservant la qualité des sols et la santé des populations.

Les producteurs de la zone maraîchère de Lendeng (Sénégal)
Les producteurs de la zone maraîchère de Lendeng (Sénégal) © RFI

Le défi de l’eau et du foncier

Mais les menaces se multiplient. L'accès à l’eau devient un enjeu vital.

🎙️Seyni Kebe, chargé de programme au sein de l'ONG française GRDR Migration-Citoyenneté-Développement.

« Avec l'urbanisation et la demande croissante en eau, il y a nécessité de travailler vraiment sur d'autres alternatives pour pouvoir trouver une eau qui permette aux agriculteurs de garder leur productivité. On a essayé de regarder quelles sont les solutions possibles avec l'appui des bailleurs. »

Le projet de réhabilitation du bassin de Lendeng illustre la nécessité de financements croisés :

  • les collectivités locales sont sollicitées pour dégager une part de leur budget,

  • les entreprises voisines, comme la grande cimenterie de Rufisque, pourraient contribuer via leur responsabilité sociétale (RSE),

  • et enfin, l’État sénégalais est appelé à inclure ces initiatives dans ses politiques publiques d’adaptation climatique.

La laitue, première production de la zone maraîchère de Lendeng (Sénégal)
La laitue, première production de la zone maraîchère de Lendeng (Sénégal) © RFI

Les collectivités locales en première ligne

🎙️ Pour Cheikh Tidiane Sy Ndiaye, premier secrétaire élu du conseil départemental de Rufisque, la défense du foncier agricole est une priorité politique pour le département, premier du pays à avoir élaboré un Plan alimentaire territorial (PAT), et qui intègre pleinement la zone de Lendeng. Ce plan prévoit notamment la mise en place de cantines scolaires approvisionnées en produits locaux grâce à un système de cuisines centrales desservant plusieurs établissements. Une initiative qui lie directement agriculture locale et éducation.

L’alimentation scolaire, moteur de santé et d’apprentissage

Les parents d’élèves, représentés par Mamoune Owens Ndiaye, vice-président national de l'association des parents d'élèves et gestionnaire cuisine centrale, soutiennent activement ce modèle. Ils constatent les effets positifs des repas équilibrés sur la santé et la réussite scolaire des enfants. Pour 100 francs CFA, un élève bénéficie d’un petit-déjeuner et d’un déjeuner complet, préparés à partir de produits locaux : riz, légumes de saison, menus sans bouillons artificiels. Cette alimentation plus saine profite aussi aux maraîchers locaux, qui trouvent là un débouché stable et éthique.

Une chaîne d’acteurs solidaires

Des producteurs aux élus, des ONG aux parents d’élèves, la zone maraîchère de Landen apparaît comme un laboratoire de coopération territoriale. Kalidou Dia, vice président et chargé des relations extérieures de l'association des maraichers de Lendeng, rappelle que la région des Niayes, dont fait partie Lendeng, ne représente que 0,06 % de la superficie nationale, mais fournit plus de 80 % des légumes consommés au Sénégal.

Cette concentration en fait un espace stratégique : un puits de carbone naturel, qui régule la température locale et séquestre une partie des gaz à effet de serre. Les maraîchers emploient plus de 700 jeunes directement, et plus de 2 000 indirectement. Préserver Lendeng, c’est donc selon lui protéger à la fois l’économie locale, l’environnement et l’emploi rural.

Le soutien des partenaires internationaux

Pour Mathieu Boche, chargé des questions agricoles à l’Agence française de développement (AFD) au Sénégal, la démarche de Lendeng illustre les grands défis des villes africaines : comment concilier urbanisation, emploi et sécurité alimentaire ?

L’AFD appuie ces initiatives à travers des coalitions d’acteurs : producteurs, collectivités, ONG et Etats afin d’assurer une gouvernance partagée du foncier et de l’eau. Ce modèle, estime-t-il, devra se multiplier dans d’autres villes du continent.

La zone maraîchère de Lendeng bénéficie du soutien de différents bailleurs dont l'AFD
La zone maraîchère de Lendeng bénéficie du soutien de différents bailleurs dont l'AFD © RFI

🏦 Le rôle des banques : financer la transition verte

La Banque agricole du Sénégal (LBA), dirigée par Fatma Fall Dieye accompagne cette évolution depuis quarante ans. Spécialisée dans le financement du secteur agricole, elle couvre toute la chaîne de valeur — de la production à la transformation et la commercialisation. Face aux risques climatiques croissants, la LBA s’est engagée dans la finance verte, en devenant la première banque sénégalaise accréditée au Fonds vert pour le climat. Elle mobilise ainsi de nouvelles ressources pour soutenir les exploitations qui s’inscrivent dans une logique d’agroécologie et d’efficacité environnementale.

Des partenariats financiers renforcés

L’AFD a apporté à la LBA une première ligne de financement de 15 millions d’euros, doublée d’une subvention d’assistance technique. Le dispositif a depuis été renforcé à 20 millions d’euros, avec une enveloppe additionnelle de 5 millions et un appui de l’Union européenne. Ces fonds visent à élargir le financement non seulement aux investissements agricoles, mais aussi aux entrepôts de stockage, aux projets liés au climat et à la promotion du genre, qui représentent désormais 30 % des montants alloués.

Vers une agriculture durable et inclusive

Pour Mathieu Boche (AFD), cette coopération entre banques publiques de développement s’inscrit dans la dynamique mondiale “Finance en commun”, qui réunit plus de 500 institutions. Comment faire pour maintenir l'activité agricole, générer des emplois et des revenus dans des zones périurbaines pour contribuer à l'alimentation des villes d'aujourd'hui et de demain?

📻 Émission réalisée par Stéphane Defossez

🎵 Musiques :

Cheikh Lô – Baba Moussa

Omar Pène / Christian Olivier - Climat fait chaud fait froid

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