Éco d'ici éco d'ailleurs

Crise du carburant au Mali : une guerre économique qui secoue toute la région

Publié le :

Le Mali traverse une crise énergétique exceptionnelle : files d’attente interminables devant les stations-service, coupures d’électricité, activités paralysées, conséquences d’un blocus imposé par les groupes djihadistes dans ce pays déjà parmi les plus pauvres du monde. Les invités d'Eco d'ici Eco d'ailleurs décrypte la stratégie de ceux qui ont lancé ce bras de fer économique avec le pouvoir malien dirigé par des militaires.

Le contrôle des routes commerciales par le Jnim au Mali provoque des pénuries de carburant.
Le contrôle des routes commerciales par le Jnim au Mali provoque des pénuries de carburant. AFP - -
Publicité

💬 Témoignage de Mohamed Sanou Nientao — Homme d’affaires et dirigeant politique (UDD) originaire de Mopti, aujourd’hui en exil

  • Les habitants de Mopti n’ont « même pas une seconde d’électricité » depuis le 7 octobre

  • Les revenus se sont effondrés, l’eau est distribuée quelques heures par jour, et la route vers Bamako est totalement contrôlée par les groupes djihadistes.

🗨️ « Il faut faire bloc, mais pour pouvoir faire bloc, il faut au moins avoir de quoi nourrir la famille. »

👉 Une crise multiforme : économie, sécurité, humanitaire

La crise du carburant au Mali n’est pas une simple pénurie : c’est une guerre économique où le carburant est utilisé comme une arme stratégique par les groupes djihadistes. Les effets se font sentir :

  • À Bamako, paralysée et sous tension

  • Dans les régions, isolées, privées d’électricité et d’eau

  • Dans les pays voisins, qui voient leur commerce perturbé

  • Dans les ports, où les flux logistiques sont ralentis

  • Pour les ménages, dont le pouvoir d’achat s’effondre

Cette pénurie déclenche un effet en chaîne : transports bloqués → marchandises rares → inflation → pauvreté → tensions sociales.

Le Mali est actuellement confronté à une grave pénurie de carburant en raison des attaques contre les camions-citernes qui ravitaillent le pays par les djihadistes du Jnim.
Le Mali est actuellement confronté à une grave pénurie de carburant en raison des attaques contre les camions-citernes qui ravitaillent le pays par les djihadistes du Jnim. AFP - ISSOUF SANOGO

🎤  Modibo Mao Makalou — Économiste, consultant indépendant, en ligne de Bamako, analyse les mécanismes économiques derrière la crise et rappelle que :

  • L’économie malienne dépend à 60 % du commerce extérieur.

  • Les hydrocarbures représentent un levier essentiel car le Mali ne produit pas de carburant.

  • Le blocus imposé par le JNIM depuis septembre 2025 cible les axes venant du Sénégal et de la Côte d’Ivoire, empêchant l’arrivée du carburant à Bamako.

  • Les effets : flambée des prix, crise du transport, coupures d’électricité, paralysie industrielle.

🗨️ « Nous sommes dans un contexte difficile au Mali en ce moment. Nous traversons une crise multidimensionnelle depuis 2012. »

🎤 Bakary Sambe — Directeur du Timbuktu Institute en ligne du Sénégal apporte un regard régional et explique comment :

  • Les groupes djihadistes ont instauré une véritable économie du jihad fondée sur les taxes, le vol de bétail, l’orpaillage et les enlèvements contre rançon.

  • Leur objectif est double : affaiblir les États et financer leur montée en puissance.

🗨️ « Avec une manne financière aussi importante, cela inquiète les pays de la région sur la capacité du groupe à s’armer et à perturber la quiétude. »

🎤 Mathieu Couttenier — Économiste, professeur à l’ENS Lyon et auteur de l'ouvrage "L'économie de la violence - A qui profite la guerre ?" (Editions Les Léonides), met la crise malienne en perspective :

  • Les conflits perturbent les chaînes de valeur,

  • La violence détruit l’activité économique,

  • Et la pauvreté alimente à son tour les conflits.

🗨️ « Les conséquences de la violence aujourd’hui nourrissent la violence de demain. Il faut impérativement s’appuyer sur ce que l’on sait d’expériences passées. »

🎤 Flore Berger — Analyste à l'Observatoire des économies illicites en Afrique de l'Ouest de la Global Initiative against Transnational Organized Crime, explique que :

  • Ces groupes ont désormais la capacité « d’étendre cette influence territoriale au-delà de leurs zones traditionnelles

  • Une véritable économie parallèle se structure sur la taxation, les routes contrôlées et l’exploitation des ressources.

🗨️ « C’est tout un système économique qui est en train de s’installer, et il devient extrêmement difficile pour les États de le concurrencer ».

Des passagers à l'arrière d'un pick-up, dans sur une artère routière de Bamako, le 7 novembre 2025. (Image d'illustration)
Des passagers à l'arrière d'un pick-up, dans sur une artère routière de Bamako, le 7 novembre 2025. (Image d'illustration) AFP - -

🌍 Cette perspective régionale montre que la crise malienne n’est pas isolée : elle s’inscrit dans un continuum sahélien où la sécurité des corridors commerciaux conditionne la survie économique des capitales intérieures.

🇨🇮 Récit de Benoît Almeras — Correspondant RFI à Abidjan, illustre la dépendance du Mali vis-à-vis de la Côte d’Ivoire :

  • La Côte d’Ivoire a livré près de 1,2 million de m³ de produits pétroliers au Mali en 2024, soit plus de la moitié des importations maliennes d’hydrocarbures

  • Les prix ont flambé au marché noir, tandis que les entreprises ivoiriennes (Gestoci, SIR) ont dû renforcer la sécurité de leurs convois.

  • Le port d’Abidjan voit revenir moins de camions, et les tarifs du transport ont parfois doublé en raison des risques encourus

🇹🇩 Récit de Nadia Ben Mahfoudh — Correspondante RFI à N'Djaména, décrit les enjeux économiques de la présence du groupe Boko Haram dans la région du lac Tchad

  • Boko Haram s’est installé dans cette zone car elle est très loin de la capitale et que l’Etat est davantage présent par un dispositif coercitif, de contrôle

  • L’absence des services de base telle que les routes, les écoles, les centres de santé favorise la misère et l’analphabétisme, terreaux favorable à l’implantation des terroristes

  • Les circuits informels sont déstabilisés par la présence de Boko Haram

🎵 Notre choix musical : Baby Myria - Malakey

💻 Réalisation : Guillaume Buffet - Guillaume Munier

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Voir les autres épisodes