En l’an 2000, ils étaient 67 à faire de longues diagonales sur le territoire français ! Aujourd’hui ils ne sont plus que deux ! Les trains de nuit sont morts mais ils pourraient peut être renaître ! Jeudi dernier, l’association 60 millions de consommateurs publiait son enquête sur la SNCF. Concurrencée par les cars et les avions à bas prix, la société des chemins de fer a choisi d’éliminer ses voyages pourtant écologiques et appréciés des voyageurs.
Imaginez un peu : vous êtes dans votre chambre d’hôtel, vous fermez les yeux pour vous endormir... quand vous les rouvrez, vous êtes à Berlin ! C'est un peu cela un train de nuit. En tout cas tel que les voyageurs européens les veulent ! Ou plutôt les voudraient. Le succès en Autriche le confirme. Sa compagnie nationale ferroviaire, ÖBB, a fait le pari en rénovant d’anciens wagons fatigués en y ajoutant du confort comme la restauration et l’accès à internet.
Fabien Couly connait le dossier sur le bout des doigts, il dirige l'Observatoire des marchés de régulation des transports français. « La dernière grande ligne de nuit reliait Paris-Nice ; elle a été supprimée en 2016. Aujourd’hui en France, il ne reste plus que deux trajets de Paris à des villes moyennes de montagne, dans les Pyrénées et les Alpes. Quant à l’international, il ne reste plus que Moscou et Venise ! Le Paris-Berlin n’existe plus. Le problème de la France, explique Fabien Couly, a été le laisser-aller. Retards fréquents, des gens dormants allongés dans les couloirs et des soucis de confort et de propreté. Les Autrichiens avaient les mêmes soucis, mais ils ont compris qu’avec des wagons rafraîchis et des couchettes modernisées, ils pouvaient gagner leur pari et ça a marché ! Ils ont transformé les voitures en petites chambres d’hôtel ! On ne peut pas offrir en voyage de nuit ce qui existe sur des trajets courts de jour, il faut du service en plus. »
« La nuit, c’est une ambiance particulière »
« La nuit, les gens se confient et les mamies craignent de ne pas se réveiller à temps !», raconte Gilles Bernard, contrôleur français travailleur de jour sur un TGV, un train à grande vitesse, après une longue carrière nocturne. La compagnie autrichienne ÖBB a racheté les lignes de trains de nuit en Suisse et s’est imposée dans tous les pays d’Europe de l'Est. Elle réfléchirait même maintenant à racheter des lignes en France. « Si c’est le cas, je resigne les yeux fermés ! », affirme Gilles Bernard. « La nuit, c’est une ambiance particulière, les gens vous font des confidences. J’ai beaucoup de bons souvenirs comme dans cette voiture où il y avait un groupe de jeunes Américains qui visitaient la France pour la première fois. Ils étaient partis de Paris pour arriver le lendemain à la montagne et durant toute la nuit, ils ont fêté un anniversaire. Ils m’ont invité, je ne suis pas resté longtemps puisque j’étais en service, mais c’était vraiment très sympathique. L’autre chose c’est que la nuit, les angoisses surviennent, surtout chez les personnes âgées. Je n’oublierai jamais cette mamie qui voyageait seule, elle avait peur de ne pas se réveiller à son arrêt en cours de trajet. Je l’ai fait changer de cabine pour qu’elle soit près de ma voiture de contrôleur et ça lui a permis de passer une bonne nuit, je l’ai réveillée. »
Trajet plus long, mais moins polluant
Les recherches pour ce reportage l’ont confirmé, difficile de trouver des anti-train de nuit. Même en France, où les voyageurs de nuit s’étaient déjà beaucoup reportés sur les cars Macron (les autocars de longs trajets). Si bien que de la Fédération française des associations d’usagers des transports aux collectifs citoyens comme « Oui aux trains de nuit », les protestations se sont multipliées. Sur internet, le site Change.org, que dirige Sarah Durieux en est le parfait exemple.
« Nous avons été subjugués par le succès de cette pétition, dit-elle. Nous sommes une structure européenne, et dans tous les pays, les citoyens se sont mobilisés pour faire revenir les trains de nuit dans leur pays. Ils ont été entendus puisqu’ils sont revenus en Autriche, en Suisse, en partie en Allemagne et en Suède récemment. Dans tous les pays, précise-t-elle, les pétitionnaires citent l’exemple du tramway, un moyen de transport qui existait au début du siècle et qui est revenu en force dans nos villes. Pour le train de nuit, beaucoup plus écologique que l’autocar ou l’avion, il est possible de faire la même chose. Chez nos voisins comme en France, le désinvestissement des gouvernements a causé la perte des trajets de nuit, il suffit d’une volonté politique pour les réhabiliter. Notre pétition sur Change.org a reçu l’appui de députés européens. Cette pétition a été lancée en avril 2016. Au départ, il ne s’agissait que de quelques citoyens en Angleterre, en France, en Allemagne, en Suisse, en Italie, le relais politique est récent, mais il a considérablement accéléré les choses, partout il a installé le débat. »
L’avenir des trains de nuit appartient aux citoyens européens
Tout est lié, une autre pétition sur Change.org remporte un grand succès en ce moment, celle sur la taxation du kérosène. En France, si elle était adoptée, elle augmenterait sûrement le prix du billet d’avion au profit du train. Selon les signataires, voilà la solution trouvée puisque l’argent récolté servirait à rénover les wagons-couchettes et ainsi, relancerait le marché du train de nuit.
Flixtrain, repreneur des trains de nuit
À Paris, au ministère des Transports, il se murmure qu’avec l’ouverture à la concurrence, en œuvre cette année, la compagnie allemande Flixtrain rouvrirait certains grands trajets de nuit, réponse au printemps, affaire à suivre.
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