Quel est le coût du «shutdown» pour l'économie des États-Unis?
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La Chambre des représentants américaine doit se prononcer ce mercredi sur un texte de financement qui pourrait mettre fin au plus long « shutdown » de l’histoire du pays. Si le déblocage politique semble à portée de main, l’impact économique, lui, est déjà lourd avec plus de 10 milliards de dollars de pertes de production, une croissance ralentie et une confiance mise à rude épreuve.

Depuis plus de six semaines, l’État fédéral américain fonctionne au ralenti. Faute d’accord entre la Maison Blanche et le Congrès sur le budget 2026, une grande partie des administrations, agences et programmes publics sont à l’arrêt. Le Congressional Budget Office (CBO), organe indépendant du Congrès, a livré une première estimation : l’économie américaine pourrait perdre entre 7 et 14 milliards de dollars de production, soit un peu plus de 10 milliards selon les projections médianes.
Sur le trimestre d’automne – octobre, novembre, décembre –, le cabinet EY-Parthenon évalue déjà la perte de croissance à 0,8 point de pourcentage ; un chiffre qui peut sembler faible, mais qui représente des dizaines de milliards de dollars d’activité économique en moins. Ce shutdown est désormais le plus long de l’histoire américaine, dépassant celui de 2019 sous Donald Trump. Et contrairement aux précédentes fermetures temporaires, celui-ci intervient dans un contexte économique déjà tendu : croissance molle, inflation persistante et confiance des consommateurs affaiblie.
Fonctionnaires, entreprises, ménages : une économie au ralenti
Derrière ces chiffres se cachent des réalités très concrètes. Plus de 750 000 fonctionnaires fédéraux ont été placés en congé forcé ou continuent de travailler sans rémunération. Leur pouvoir d’achat s’effondre avec des conséquences directes sur la consommation locale. Dans les zones dans lesquelles les emplois publics sont nombreux — Washington, Virginie, Maryland — les commerces, restaurants et services de proximité voient leur chiffre d’affaires chuter. Les contrats publics sont, eux aussi, suspendus, touchant des milliers d’entreprises privées qui dépendent des commandes de l’État. Pour certaines petites sociétés sous-traitantes, la trésorerie est déjà exsangue : les paiements gelés mettent en péril des emplois et freinent la reprise de l’investissement.
Les programmes sociaux sont également frappés de plein fouet. Les retards de versement d’allocations, notamment du programme d’aide alimentaire SNAP, pénalisent les ménages les plus modestes. Pour des millions d’Américains, cela signifie moins de dépenses dans les supermarchés, donc une baisse de la demande. Le programme Head Start, qui soutient la scolarisation des jeunes enfants, a dû fermer plusieurs centres, empêchant certains parents de travailler.
Enfin, la publication de nombreux indicateurs économiques a été suspendue pendant la fermeture, faute de personnel. Or ces statistiques – emploi, inflation, production industrielle – servent de boussole aux entreprises, aux marchés financiers et à la Réserve fédérale. Sans ces données, les investisseurs naviguent à vue. Résultat : un climat d’incertitude budgétaire et institutionnelle qui pèse sur la confiance et complique les décisions économiques.
Des pertes en partie irrattrapables, malgré une reprise attendue
Si le vote de ce mercredi met effectivement fin au blocage, la reprise de l’activité devrait être rapide dans la plupart des agences fédérales. Les fonctionnaires seront payés rétroactivement, les contrats réactivés et les programmes sociaux relancés. Mais, préviennent les économistes, toutes les pertes ne seront pas compensées. Le CBO estime qu’une partie de la production disparue — entre 7 et 14 milliards de dollars — ne sera jamais récupérée, notamment à cause de la baisse de productivité, de la perte de confiance et des retards administratifs qui freinent durablement les investissements.
Chaque jour supplémentaire de fermeture creuse davantage le manque à gagner. Au-delà de 40 jours, le blocage pourrait amputer la croissance annuelle américaine de près de 2 points sur le trimestre, selon plusieurs instituts. « Même si l’administration rouvre demain, le mal est fait », résume un économiste d’EY.
Une économie fragilisée sur fond de tensions politiques
Ce shutdown intervient à un moment délicat pour les États-Unis. L’économie reste solide en apparence, mais les fondamentaux se dégradent : croissance molle, taux d’épargne en baisse, inflation qui résiste autour de 3 %. Pour de nombreux Américains, cette paralysie est un révélateur des fragilités structurelles du pays : une dépendance croissante aux dépenses fédérales, une instabilité politique chronique et un fossé entre les élus de Washington et le quotidien des ménages. Même si les aéroports rouvrent, les salaires sont versés et les aides sociales reprennent, les séquelles économiques et sociales resteront visibles plusieurs semaines, voire plusieurs mois.
Les retards de paiement s’accumulent, les entreprises devront reconstituer leurs stocks, et les ménages endettés peineront à retrouver un équilibre. Le vote attendu ce mercredi pourrait donc ramener le fonctionnement de l’État à la normale, mais il ne suffira pas à effacer les dégâts. Ce shutdown historique restera comme un signal d’alarme : celui d’une économie américaine capable de s’affaiblir de l’intérieur, non pas à cause d’un choc extérieur, mais à force de blocages politiques répétés.
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