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Comment Meta gagne des milliards grâce aux publicités frauduleuses

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Selon des révélations de l’agence Reuters, Meta tirerait une part considérable de ses revenus de publicités frauduleuses – arnaques financières, casinos illégaux ou produits interdits. Des documents internes montrent que le groupe assume ce modèle économique et anticipe même le coût des sanctions qui en découle.

Le logo du réseau social Facebook affiché sur un smartphone et le logo de Meta, à Francfort-sur-le-Main, le 9 janvier 2025.
Le logo du réseau social Facebook affiché sur un smartphone et le logo de Meta, à Francfort-sur-le-Main, le 9 janvier 2025. AFP - KIRILL KUDRYAVTSEV
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Selon nos confrères de Reuters, Meta - le groupe qui détient les réseaux sociaux Facebook, Instagram et WhatsApp - gagnerait chaque année des milliards de dollars grâce aux publicités frauduleuses. Arnaques, casinos illégaux, produits interdits, ces annonces, dont les utilisateurs sont régulièrement exposés, font partie d’une économie bien réelle. En vous connectant récemment sur votre compte Facebook, vous êtes sans doute tombés sur des publicités promettant un enrichissement rapide, de fausses interviews de célébrités ou des produits miracles pour maigrir. Ces contenus sont payés par ceux qui les conçoivent pour apparaître sur les écrans des utilisateurs.

Selon Reuters, 10 % du chiffre d’affaires 2024 de Meta, soit près de 16 milliards de dollars, proviendraient de ces publicités douteuses. Et ce qui surprend, c’est que cela fait pleinement partie du business model (« modèle d'entreprise », en anglais) du groupe.

Meta assume le risque et fait payer davantage les annonceurs suspects

Les documents internes montrent que Meta a parfaitement conscience de ce modèle. L’entreprise anticipe même le risque judiciaire. Elle s’attend à un milliard de dollars d’amendes, un montant qu’elle juge acceptable au regard des revenus générés. Autrement dit, mieux vaut payer pour les sanctions que perdre des parts de marché. Et malgré l’existence d’un système de modération, celui-ci atteint vite ses limites. Un annonceur n’est bloqué que si les algorithmes estiment à 95 % qu’il commet une fraude. En dessous de ce seuil, Meta ne suspend pas le compte. Elle lui fait payer plus cher ses publicités. C’est ce que le groupe décrit comme une « pénalité économique ». Les annonceurs suspects paient davantage, mais leurs messages continuent de circuler.

Les algorithmes, eux, aggravent encore le phénomène. Les publicités étant personnalisées, un seul clic sur une annonce douteuse suffit à en générer d’autres dans les heures et jours suivants. L’algorithme amplifie donc la fraude… et chaque clic reste rentable pour Meta.

Victimes, annonceurs et confiance fragilisés

D’abord pour les victimes, qui perdent parfois des sommes importantes. Pour les annonceurs honnêtes, qui subissent une concurrence déloyale dans les enchères publicitaires. Et surtout pour les utilisateurs, dont la confiance s’érode : à force de croiser de fausses publicités, beaucoup finissent par se méfier même des marques légitimes.

Au-delà de Meta, cette affaire pose une question de fond : comment réguler un marché publicitaire mondial où les plateformes sont juges et parties ? Elles hébergent, diffusent et profitent parfois des fraudes qu’elles prétendent combattre. Avec plus de trois milliards d’utilisateurs, 120 milliards de dollars de chiffre d’affaires et un pouvoir colossal sur la publicité mondiale, Meta occupe une place centrale dans cet écosystème. En réalité, cette affaire interroge la soutenabilité du modèle publicitaire numérique : tant que la fraude rapportera plus qu’elle ne coûte, les géants du numérique auront peu d’intérêt à l’éradiquer. Et dans cette équation, la régulation mondiale semble encore loin derrière l’innovation.

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