Entre marins, on appelle ça une crise de changement d'équipage. Confrontés à l'expansion de variants du virus Covid-19, des pays imposent de nouveaux confinements aux transporteurs de marchandises. Tous les secteurs, l'aérien, le routier et le transport en mer sont concernés. Dans un document commun, leurs organisations internationales en appellent à une libre circulation des travailleurs avec l'accès au vaccin pour les marins des pays les plus pauvres.
Quatorze jours enfermé avec pour seule distraction un ordinateur ! C’est durant sa quarantaine dans un hôtel de Corée du Sud que le capitaine Pierre Blanchard, président de l’Association française des capitaines de navires a alerté les pays du monde entier sur le sort des marins.
Vacciné trois fois, testé. Et pourtant, en quarantaine
Parce que, venant de France, le capitaine Pierre Blanchard a reçu les trois doses des vaccins reconnus par l’Organisation mondiale de la santé. Avec en plus, son test à l’aéroport affiché négatif. Mais par manque de coordination internationale, chaque pays peut décider des contraintes imposées aux marins. La Corée n’a rien voulu savoir. C’est aussi le cas de Singapour connu pour avoir sa propre et unique liste de produits sanitaires reconnus (vaccins et tests de contrôle Covid.)
65 millions de transporteurs et marins. La majorité viennent de pays pauvres.
S’il a finalement regagné son navire en mer de Corée, ce n’est pas le cas de tous ses collègues. Aujourd'hui, le capitaine Pierre Blanchard, en appelle à une action mondiale :
« J’ai vu avec cette quarantaine en Corée du Sud, ce qu’être enfermé 24h/24 signifie. Impossible de sortir de ma chambre. Un employé venait me donner mes repas à la porte. Alors j’imagine ce que mes collègues marins non vaccinés, venant d’Afrique, d’Asie (qui constituent la majorité du personnel des équipages), pourraient subir si les variants continuent de se développer… Il faut vraiment donner un accès prioritaire aux travailleurs du transport maritime. Avec des vaccins certifiés de façon à ce qu’aucun pays ne puisse exiger des confinements contraints et prolongés. »
L'appel à un statut sanitaire international
C’est pour éviter que la question des vaccins provoque ce que les marins ont déjà subi avec les confinements à bord au début de la pandémie, que l’Association internationale de transport maritime se mobilise aussi.
Natalie Shaw, décorée pour avoir sauvé des familles de marins britanniques
L’une de ses membres, la Britannique Natalie Shaw a reçu l’ordre royal britannique du Mérite (Order of Merit). Ses efforts auprès d’ambassades (tous continents confondus) a sauvé des familles entières de marins britanniques. Elle nous le confirme, sans ressources, ce sont les enfants et les épouses des travailleurs de la mer qui sont en péril. Cette année encore elle en appelle à un statut exceptionnel des transporteurs en mer :
« Pourquoi les marins devraient avoir un statut particulier ? Simplement parce que sans eux, le monde entier serait déjà mort de faim par cette pandémie ! Qui a transporté la nourriture, les ordinateurs, les médicaments, tous les produits de santé dont les habitants de tous les continents du monde ont bénéficié grâce au transport par la mer ! N’oublions jamais que 90% de nos biens de consommation sont transportés par navires. »
Les équipages composés de marins africains et asiatiques
Frédéric Moncany de Saint-Aignan préside le CMF, le Cluster maritime français. Quand il évoque cette urgence de laisser les marins circuler entre les continents du monde, il parle de vrai scandale.
« Oui, c’est un scandale auquel il faut immédiatement remédier. Par peur des contaminations, les gouvernements interdisent les débarquements de personnel et renvoient la balle aux pays voisins. Déjà, en 2020, lors des premières fermetures de frontières et des interdictions d’accès aux ports, nous avons vu des marins attendre un an entier à bord du même navire, sans pouvoir mettre un seul pied à terre ! Imaginez les conséquences psychologiques pour ces marins. Aujourd'hui l'urgence concerne la vaccination des équipages en majorité composés d'ouvriers venant de pays pauvres qui n'ont pas tous les vaccins reconnus par l'Organisation Mondiale de la Santé. Si cette question des vaccins n'est pas prise en compte par les pays et les autorités sanitaires internationales, il y aura de graves interruptions dans la chaîne de transport de marchandises. »
L’accord des transports maritimes, aériens et routiers
L’une des solutions viendra peut-être de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). En accord avec les plus grandes organisations de transport en mer, avec l’ICS (Chambre internationale de commerce maritime), mais aussi avec celles de transport aérien, l’IATA (l'Association internationale de transport aérien), de transport terrien l’IRU (Union internationale des transports routiers) et l’ITF (Fédération internationale des ouvriers du transport), l’OMS pourrait émettre une carte de validation de vaccins Covid-19.
La carte jaune Covid-19
Le projet est en cours. Il s’agirait de doter chaque marin embarqué d’une Carte jaune, bâtie sur le modèle de leur carnet de fièvre jaune (obligatoire). Cette carte dédiée à la Covid-19 et à ses variants pourrait rassurer les autorités.
Une urgence maritime prioritaire
Face à un tel certificat universel, les différents gouvernements ne pourraient plus rien remettre en cause. Le problème étant de connaître la motivation des pays. Une telle initiative sanitaire pourrait mettre des mois, voire des années avant de voir le jour.
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