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Acheikh ibn Oumar (Tchad): «Nous voulons maintenant déclencher un engrenage de la paix»

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Au Tchad, personne ne sera exclu du dialogue national, même les rebelles qui sont à l'origine de la mort du président Déby en avril dernier... C'est ce que confirme Acheikh ibn Oumar, le ministre d'État chargé de la Réconciliation nationale. Lundi, la junte militaire au pouvoir a annoncé une « amnistie générale » pour les rebelles déjà condamnés. 

Le ministre en charge de la Réconciliation nationale et du dialogue Acheikh Ibn Oumar.
Le ministre en charge de la Réconciliation nationale et du dialogue Acheikh Ibn Oumar. © Acheikh Ibn-OUmar/Creative commons
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RFI: Parmi ces quelque 296 personnes qui devraient bénéficier de cette amnistie, il y a 257 membres de l’Union des forces de résistance de Timan et Tom Erdimi, l’UFR qui avait lancé une offensive dans l’Ennedi en février 2019. Est-ce que Timan et Tom Erdimi personnellement vont bénéficier de cette mesure d’amnistie ?

Acheikh Ibn Oumar : Ils ont été condamnés en 2019. Et donc, ils seront sûrement sur la liste. Je tiens à préciser qu’il n’y a pas encore de liste officielle. On a une base de données qui est tout à fait indicative, qui va être officialisée. Mais ils sont automatiquement concernés par cette amnistie. Le projet, c’est encore un projet de loi…

Bien sûr. Timan Erdimi, on sait qu’il est dans le golfe et qu’il pourrait a priori rentrer au Tchad après le vote de cette loi d’amnistie. Mais qu’en est-il de son frère jumeau, Tom Erdimi, qui a disparu depuis plus d’un an ? La dernière fois qu’il a été vu vivant, c’était en septembre 2020 en Egypte…

Lui, ce n’est pas moi qui maîtrise les décisions, parce que le Tchad n’a pas été impliqué. D’après les informations, il a été arrêté par les services de sécurité égyptiens.

Est-ce qu’à votre connaissance, il est toujours en Egypte ?

Ça, je ne peux pas aller sur ce terrain, parce que c’est un dossier qui n’est pas de mon ressort et pour lequel je n’ai que des informations indirectes et je ne peux pas donner des informations précises. J’ai appris, comme tout le monde, qu’il a été arrêté en Egypte par les services égyptiens, et c’est tout.

Il y a maintenant le cas des rebelles du Front pour l'alternance et la concorde au Tchad (Fact), qui ont lancé une offensive en avril dernier qui est à l’origine de la mort du président Idriss Déby. Est-ce qu’ils vont eux aussi bénéficier de cette mesure d’amnistie ?

Sûrement pas, puisqu’ils n’ont pas été condamnés. Par contre, la question de la libération des prisonniers de guerre est une question légitime. Elle va se poser dans les négociations avec les politico-militaires [ndlr Les rebelles]. Donc, ce sera l’objet de discussions dans les contacts qui sont en cours. Donc, le Fact n’a pas été exclu. Il faut comprendre que, jusque-là, nous étions dans un engrenage de la guerre et nous voulons maintenant déclencher un engrenage de la paix.

Les rebelles du Fact accusent les autorités tchadiennes d’avoir procédé à plusieurs exécutions sommaires de prisonniers de guerre, à la prison de Klesoum à la sortie est de Ndjamena. Qu’en est-il exactement ?

S’il y a eu des situations de ce genre, il y a des procédures de la justice locale, il y a les organisations des droits de l’homme qui peuvent se pencher sur ce genre de questions quand elles sont posées dans le cadre normal. Mais, moi personnellement, je doute sur le fond que des gens ont été exécutés délibérément. Mais bon, la question peut toujours être posée.

Ce qui veut dire que, même s’ils sont à l’origine de la mort président Idriss Déby en avril dernier, les rebelles du Fact ne seront pas exclus de la réconciliation nationale ?

Le président du Conseil militaire [Mahamat Idriss Deby Itno] a résumé tout cela en deux phrases. Il a dit : « Tout le monde doit participer, il n’y a aucun sujet tabou ». Moi, en tant que ministre de la Réconciliation et président du Comité d’organisation, je suis chargé de mettre en œuvre la politique du gouvernement. Ces principes me suffisent largement pour travailler.

Alors les chefs rebelles, qui vont être amnistiés et qui vont pouvoir rentrer, veulent plusieurs choses. Ils veulent notamment la restitution de leurs biens et une protection rapprochée quand ils vont rentrer, évidemment pour leur sécurité. Que leur répondez-vous ?

Il y a eu des contacts directs avec le Comité technique spécial présidé par le président Goukouni [Weddeye]. Toutes ces doléances ont été enregistrées et elles sont à l’étude. Certaines font partie du bon sens, on imagine mal des gens qui viennent participer au dialogue et qui sont dans un sentiment d’insécurité, cela tombe sous le sens. Il y a des questions qui sont peut-être prématurées. D’autres qui doivent être réglées en cours de dialogues.

Concrètement, vous êtes en train de préparer ce grand dialogue national qui est annoncé d’ici la fin de ce mois de décembre à Ndjamena, est-ce que vous pensez possible, dans un délai aussi court, que les chefs rebelles comme Timan Erdimi, comme Mahamat Nouri, comme Mahamat Mahdi Ali, le chef du Fact, puissent être présents d’ici la fin de ce mois ?

Ils ont posé le problème des conditions de leur participation. Ces questions doivent être réglées. Si on les règle d’ici là comme on le souhaite, c’est à eux de voir s’il n’y a plus d’obstacles. Maintenant si, de leur côté, ils pensent qu’il y a encore des obstacles, je pense que ça ne poserait pas de problème de revoir le calendrier à condition quand même d’avoir en tête qu’on n’a pas l’éternité devant nous. Mais, il est question de régler les problèmes qui font obstacle à la participation. On y travaille et le comité technique présidé par le président Goukouni, je crois qu’il va reprendre l’initiative très rapidement. En tout cas, c’est la ligne du gouvernement actuel, c’est d’arriver à ce que tout le monde se trouve autour de la même table.

Donc, le grand dialogue pourrait être reporté de quelques semaines ?

Je ne peux pas le dire pour le moment, on verra le degré de préparation. Mais, maintenant, à une ou deux semaines près ou plus, pour moi, je ne peux pas le dire maintenant. Moi, je souhaite que ce ne soit pas trop vite, mais quand même assez vite. Mais, s’il y a des problèmes réels qui doivent être réglés avant, on prendra le temps qu’il faut pour le régler.

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