Akinwumi Adesina (BAD): «Il faut étouffer complètement le Covid-19 en donnant l’accès aux vaccins»
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La Banque africaine de développement (BAD) a dû annuler son rendez-vous phare, le Forum des investissements prévu à Abidjan du 1er au 3 décembre 2021, à cause du variant Omicron. Le Nigérian Akinwumi Adesina, président de la BAD est notre invité.
RFI: Le forum de la Banque africaine de développement que vous présidez devait se tenir cette semaine à Abidjan. Il a été reporté à une date future à cause du nouveau variant « Omicron ». Il n’y avait pas de possibilité de maintenir cet événement ?
Akinwumi Adesina : Non, vous savez que les choses les plus importantes, ce n’est pas simplement l’investissement, c’est la santé, la sécurité… Parmi les personnes qui viennent, il y a les chefs d’État, les sponsors des projets, les investisseurs… Et il faut s’occuper de leur la santé, donc je pense que c’est très sérieux, parce que « Omicron » vient d’être découvert et avec le blocage des avions, tout cela crée beaucoup d’inconvénients pour tous ces gens. Les personnes ont peur aussi, parce qu’on ne connaît pas la dangerosité de cela… Donc il est important d’être responsable, il ne faut pas mettre en danger la santé des gens devant une telle crise.
La visite d’État du président sud-africain Cyril Ramaphosa, en Côte d’Ivoire, a été maintenue. Elle n’a pas été annulée…
La raison pour laquelle nous avons reporté cela n’est pas à cause de la délégation des Sud-africains. J’ai pris la décision en concertation avec le chef de l’État - le président Alassane Ouattara - ainsi qu’avec l’avis de mon Conseil d’administration de la Banque africaine de développement. Les gens ont eu très peur et il y a aussi beaucoup de délégations qui ne pouvaient pas venir, donc cela n’avait pas de sens de maintenir cela.
Quelles conséquences aura ce report du Forum des investissements de la BAD ? Est-ce qu’il y aura du retard dans les financements de certains projets ?
L’Afrique n’est jamais en retard ! Nous avons été bien préparés pour cela. Donc il y a des projets qui ont été bien préparés, il y a tellement de projets… Nous allons continuer la discussion sur des projets, dans notre plateforme digitale, pour continuer à mobiliser les ressources… Donc le travail continue, même si la cérémonie qui devait se tenir ici n’a pas pu avoir lieu.
Avec ce nouveau variant qui se répand un peu partout dans le monde et notamment en Afrique, craignez-vous pour l’économie du continent, quand on sait que c’est ici qu’il y a le moins de personnes vaccinées, environ seulement 10 % de la population ?
Je pense que cette fois-ci le monde a été très réactif dans cette situation avec « Omicron » parce qu’il n’y a pas les données, il n’y a pas les chiffres, il n’y a pas une bonne connaissance de la dynamique… Ce n’est pas juste pour l’Afrique, à mon avis, parce que la source d’« Omicron », n’est pas l’Afrique. « Omicron » est partout. Pourquoi l’Afrique a été punie pour cela ? Ce n’est pas juste. Mais quand même, cela montre quoi ? Cela montre que, si vous avez une forêt dans laquelle il y a le feu partout, on ne peut pas protéger seul sa maison. Il faut complètement étouffer le feu dans la forêt. Il faut étouffer complètement le Covid-19, en donnant l’accès au vaccin. Alors que les pays africains n’ont que la chance d’avoir une seule dose, les pays développés n’ont pas simplement deux doses, mais ils ont maintenant le booster ! On n’a pas ce type de luxe en Afrique. Je pense que c’est très important.
L’Afrique va-t-elle continuer à dépendre du reste du monde pour les vaccins ?
L’Afrique ne doit pas et ne peut pas laisser le soin de sa population à la bienveillance des autres. Si les autres n’ont pas eu la générosité, qu’est-ce qu’on va faire ? C’est la raison pour laquelle nous avons dit qu’il faut développer un système de défense de la santé pour l’Afrique. Il faut que l’Afrique fasse la manufacture de vaccins eux-mêmes, partout. Il faut que l’on développe le secteur pharmaceutique.
Et troisièmement, il faut développer l’infrastructure de la santé. A la Banque africaine de développement, nous avons décidé le financement du développement du secteur pharmaceutique, dans lequel nous pensons mettre 3 milliards de dollars d’investissements. Il y a aussi l’aspect du développement de l’infrastructure de la qualité de la santé, sur laquelle nous sommes en train d’avoir des discussions avec notre Conseil d’administration, afin que la Banque africaine de développement soutienne fortement les pays africains pour l’infrastructure au niveau de la santé. Ce sont des choses, pour moi, très, très importantes.
Donc des projets sont lancés au niveau de la BAD, en tous cas pour ce qui est de l’industrie pharmaceutique ?
Oui, nous avons déjà fait cela. Vous savez qu’aujourd’hui l’Afrique fait l’importation de plus de 80 % de produits pharmaceutiques. Il faut stabiliser aussi la manufacture de produits pharmaceutiques, de vaccins, et enfin, avoir l’infrastructure de la santé à un niveau mondial.
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