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Pierre-Alain Raphan: «Cette loi va permettre aux binationaux très souvent oubliés de pouvoir se défendre»

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En Iran, la réincarcération de la chercheuse franco-iranienne Fariba Adelkhah est « totalement arbitraire », a déclaré hier le chef de l'État français, Emmanuel Macron. Il y a deux mois, une nouvelle loi a été votée en France pour venir au secours des Français détenus à l'étranger. À l'initiative de cette loi, il y a deux hommes, le député Pierre-Alain Raphan et Michel-Thierry Atangana, le Français qui a passé 17 ans dans une prison au Cameroun. Ils sont aujourd'hui les invités de Christophe Boisbouvier. On écoute le député Pierre-Alain Raphan.

Le député de la  République En Marche Pierre-Alain Raphan.
Le député de la République En Marche Pierre-Alain Raphan. © Pierre-Alain Raphan/Twitter.com
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RFI : Michel Thierry Atangana, après le calvaire que vous avez vécu pendant dix-sept ans dans une prison camerounaise, vous vous battez aujourd’hui pour les quelque 1 670 autres Français qui sont détenus dans le monde et une nouvelle loi à leur intention a été votée en novembre dernier. Quelle avancée juridique permet-elle ?

Michel Thierry Atangana : Elle permet aux Français, qui sont détenus à l’extérieur, de pouvoir avoir un appui auprès du juge français. C’est important, parce que ce que j’ai vécu… Je me suis retrouvé en face d’un mur. Désormais, devant les instances judiciaires civiles ou pénales françaises, cette loi permet de recevoir les éléments de preuve qui viennent des Nations unies ou des rapports des ONG. Et cet élément est fondamental, parce qu’il permet de renforcer la compétence des juridictions françaises en cas de détention arbitraire à l’étranger.

Alors vous, justement, vous avez été libéré notamment grâce au groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire. Que permet cette nouvelle loi française ?

Désormais, la justice française ne peut plus ignorer ces avis émis par le groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire.

Pierre-Alain Raphan, vous êtes député de la majorité présidentielle et vous êtes à l’origine de cet amendement qui protège mieux les Français détenus à l’étranger… Et on pense, bien sûr, aujourd’hui à Fariba Adelkhah, qui vient d’être de nouveau incarcérée à Téhéran. Elle a été arrêtée une première fois en juin 2019…

Pierre-Alain Raphan : Bien évidemment, on a appris cela avant-hier, avec stupeur. Cela fait partie des cas les plus emblématiques, avec celui de Michel Thierry Atangana, sur la détention arbitraire. Et ce que je voudrais dire à Fariba Adelkhah, c’est que nous pensons à elle et nous ne la lâcherons pas. Tout comme le FrançaisBenjamin Brière, qui est également détenu en Iran, ou d’autres Français. Je pense également à Brice et Grégory Laccruche, au Gabon, qui sont dans des cas similaires… Et on voit bien aussi que cette loi va permettre aux binationaux, qui ont très souvent été oubliés dans ces histoires malheureuses, de pouvoir se défendre, grâce au groupe de travail de la détention arbitraire de l’ONU. Et quand on pense aux cas que vous avez cités, il y a 1 670 cas à l’étranger, cela couvre des expatriés, des journalistes, des étudiants, des touristes, des entrepreneurs, des chercheurs et chercheuses… Donc tout le monde, finalement, peut être concerné par ces sujets un jour ou l’autre. Et l’idée, c’est que le cas de Michel Thierry Atangana soit le dernier.

Michel Thierry Atangana, il y a eu votre combat très courageux, pendant dix-sept ans, pour sortir de votre prison camerounaise. Et depuis huit ans, il y a votre second combat pour obtenir réparation. Or, malgré de multiples interventions, comme celle de Claire Hédon, la défenseure des droits, la CIVI -la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions- refuse toujours de reconnaître votre statut de victime. Pourquoi ?

Michel Thierry Atangana : la CIVI pratique une politique de petits pas. Mais je ne me décourage pas. Ma détermination est la même. Je pense faire appel de cette décision, mais j’ai obtenu une autre décision plus importante encore devant la Cour d’appel de Paris, sur la procédure pénale, qui reconnaît mon statut de victime de séquestration et de tortures.

Et cela, c’est grâce à la Cour de cassation…

Tout à fait. La Cour de cassation a pris une décision le 7 juin 2014, qui est effectivement historique et qui a ordonné l’instruction.

Pour qu’enfin votre dossier judiciaire soit définitivement vidé, que vous ne soyez plus reconnu comme coupable… En effet, en 2014, vous n’avez pas été amnistié. Vous avez été seulement gracié. Et le mot « coupable » est toujours inscrit dans votre dossier judiciaire, c’est cela ?

Le mot « coupable » est inscrit, pour l’instant. Je souhaite mener ce combat jusqu’au bout. Parce qu’aujourd’hui, après tant d’années de souffrance, je n’ai accès à rien ! Je suis presque un clochard, sur le plan des droits sociaux et sur le plan des salaires, dans la vie.

Et aujourd’hui, ce que vous souhaitez, c’est que votre innocence soit définitivement reconnue pour pouvoir chercher un travail, comme tout le monde…

Pour vivre comme tout le monde ! C’est tout ce que je recherche ! Qu’on efface de mon casier judiciaire les séquelles d’une condamnation arbitraire, qui est indigne de la vie d’un être humain parce que, ceux qui commettent de tels crimes ne doivent pas demeurer dans l’impunité.

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