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«Angela Merkel n'a pas tenu sa promesse d'être "la chancelière du climat"»

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Les Allemands sont appelés aux urnes ce dimanche 26 septembre. Après 16 années à la tête du pays, la chancelière Angela Merkel passe la main. Et dans la course à sa succession, ils sont trois à pouvoir l'emporter : le conservateur Armin Laschet, le social-démocrate Olaf Scholz et l'écologiste Annalena Baerbock. Entretien avec Hélène Miard-Delacroix,  professeure d'histoire et de civilisation de l'Allemagne contemporaine à l'université Paris Sorbonne.

La chancelière Angela Merkel et le gouverneur Armin Laschet, candidat de la CDU, lors du meeting de ce dernier, à Aix-la-Chapelle, samedi 25 septembre 2021.
La chancelière Angela Merkel et le gouverneur Armin Laschet, candidat de la CDU, lors du meeting de ce dernier, à Aix-la-Chapelle, samedi 25 septembre 2021. AP - Martin Meissner
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RFI : L'écologie est l'une des principales préoccupations des Allemands pour ce scrutin. Le climat s'est largement invité dans cette campagne. Pourquoi ce thème est aussi central en Allemagne dans ces élections ?

Hélène Miard-Delacroix : Ce n’est pas nouveau que l'écologie occupe l’esprit des Allemands. Dans les années 1970-1980 déjà, c’était le cas. Lorsqu’il y a des sondages qui sont faits en Allemagne, la première réponse qui est donnée par toute la population, quelles que soient les générations, est qu’il faut faire quelque chose pour le climat. Mais s’il y a un engagement de la population a priori pour préserver le climat, il y a une forte résistance pour la mise en pratique notamment d’énergies renouvelables.

On n’aime pas du tout en Allemagne voir construire des éoliennes pas très loin de chez soi. Il y a en plus en Allemagne une addition de niveaux de décisions, du local en passant par le régional, qui ralentit énormément les décisions d’installer de l’énergie renouvelable.

L’Allemagne n’est donc pas du tout au niveau des promesses faites par la chancelière lorsqu’en 2005, après avoir été elle-même ministre de l’Écologie dans les années 1990, elle avait fait la promesse d’être la chancelière du climat.

Cette préoccupation pour l'écologie est très présente chez les jeunes Allemands. Ils disent que leurs dirigeants n’en font pas assez. Encore vendredi, des milliers d'Allemands se sont mobilisés pour la grève du climat. Est-ce que cela infuse dans le reste de la société ?

La sensibilité est là. Il y a eu un certain nombre de rappels. En 2011, on avait été très frappé en Allemagne par l’accident nucléaire à Fukushima qui avait amené à décider la sortie du nucléaire. Comme je l’ai dit, dans les intentions et dans la sensibilité, il y a cette disposition à choisir le nucléaire. Mais on retrouve dans la société les mêmes ambiguïtés que dans le gouvernement, et dans les actions de la chancelière elle-même.

Ainsi, Angela Merkel a donné des chiffres très précis sur le nombre de kilos de CO2 que chaque habitant allemand devrait avoir le droit de produire dans les prochaines décennies. Et en même temps, elle a à Bruxelles toujours défendu bec et ongles l’industrie automobile qui elle-même est assez lente à appliquer son projet d’un million de voitures électriques en 2020. On en est très loin. L'Allemagne possède une industrie automobile qui produit des grosses voitures très polluantes. Et les gens aiment bien ces voitures. C’est cette difficulté à combiner ce qu’on a envie de faire et la réalité.

Et dans cet échiquier politique, quels rôles peuvent jouer les Verts ?

Dans l’échiquier, les Verts sont un peu ceux qui rappellent les mauvaises nouvelles. Pendant la campagne électorale, Annalena Baerbock, la candidate des Verts, a ainsi dit à très haute voix qu’il était inimaginable de dire qu’on allait sortir du charbon en 2038. Comme l'Allemagne est sortie du nucléaire sans avoir encore réussi à développer suffisamment les énergies renouvelables, elle a beaucoup développé le charbon. Le gouvernement et la plupart des autres partis disent que cette situation va devoir durer jusqu'en 2038.

Les Verts, eux, veulent y mettre un terme au plus tard en 2030, et même avant si l'Allemagne veut respecter ses engagements internationaux. Et là, même difficulté : d'un côté, les Allemands sont d’accord, et sont éventuellement prêts à permettre aux Verts d'être présents au gouvernement, de l'autre ils se plaignent que le coût de l’électricité ait énormément augmenté dans le pays. En cause, une taxe de 20% pour soutenir les énergies renouvelables. Tout ça n’est pas très transparent et les gens ne sont pas très contents du résultat.

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