Jusqu’où va la science ?

Au Mexique, les technologies géospatiales au service de la recherche des disparus

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Des scientifiques mexicains du Centre de recherche en science des données géospatiales de Mexico (CentroGeo) ont mis leurs technologies de pointe —  télédétection par satellite, drones et analyse multispectrale — au service de la recherche de disparus, mettant au jour des sépultures clandestines et des charniers dans de nombreuses régions du pays.  

On dénombre aujourd’hui plus de 114 000 disparus et des milliers de charniers, de fosses clandestines dans tout le Mexique. Des scientifiques mexicains du Centre de recherche en science des données géospatiales de Mexico (CentroGeo) ont mis leurs technologies de pointe au service de la recherche de ces disparus. (Tombes clandestines découvertes près d’Iguala, au Mexique, en octobre 2014 – Image d’illustration)
On dénombre aujourd’hui plus de 114 000 disparus et des milliers de charniers, de fosses clandestines dans tout le Mexique. Des scientifiques mexicains du Centre de recherche en science des données géospatiales de Mexico (CentroGeo) ont mis leurs technologies de pointe au service de la recherche de ces disparus. (Tombes clandestines découvertes près d’Iguala, au Mexique, en octobre 2014 – Image d’illustration) © Eduardo Verdugo / AP
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C’est en 2014, après la disparition de 43 étudiants de l’École normale rurale d’Ayotzinapa, dans l’État de Guerrero, au Mexique, qui a bouleversé le pays, que le géographe José Luis Silvan Cardenas et ses collègues du CentroGeo, le Centre de recherche en science des données géospatiales de Mexico, ont commencé à collaborer avec les enquêteurs gouvernementaux et les collectifs de citoyens. Si les corps des étudiants n’ont jamais été retrouvés, la mise au jour au cours de cette enquête de charniers et de sépultures clandestines contenant des milliers de corps de disparus ont incité les chercheurs à s’engager et à mettre leur science et leur technologie géospatiale de pointe au service de cette recherche macabre et essentielle.

On dénombre aujourd’hui plus de 114 000 disparus et des milliers de charniers et de fosses clandestines dans tout le Mexique. C’est une tragédie, un fléau qui ne cesse d’augmenter, avec 10 315 disparus en 2023 — ce qui représente 29 personnes par jour, probablement tuées et ensevelies à des endroits que seules les données géospatiales peuvent permettre de localiser par télédétection.

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Des images capturées par satellite ou par drone pour voir sous terre

José Luis Silvan Cardenas et son équipe utilisent des images capturées par satellite ou par drone, des images multispectrales, qui permettent de voir sous la terre à des longueurs d’ondes invisibles à nos yeux et d’en extraire, grâce à la physique de la lumière, à la modélisation mathématique et à l’informatique, des données qui permettent de localiser et de cartographier les lieux possibles d’inhumations clandestines.

José Luis Silvan Cardenas et ses collègues ont mené de nombreuses études et recherches pour améliorer et préciser cette détection. Ils ont notamment mis au point des caméras hyper-spectrales sur des drones spécialement adaptés à cette détection. Ils ont réussi à les financer en partenariat avec des associations civiles de recherche de disparus.

Un article récemment publié dans la revue Forensic research and criminality international journal par José Luis Silvan Cardenas et la juriste Ana Josselinne Alegre Mondragon souligne l’utilité et l’importance de ces données géospatiales et environnementales face à l’expansion de la criminalité. Tous les États du Mexique sont concernés. Le nombre de disparus, du fait du crime organisé, des gangs et des cartels de la drogue, ne cesse d’augmenter.

De nouvelles manières de détecter des charniers

Les chercheurs du CentroGeo ont d’ailleurs été sollicités en 2021 par la Commission nationale mexicaine de recherche de disparus qui avait une demande précise :  serait-il possible de repérer géo-spatialement les substances chimiques utilisées par les gangs pour masquer leurs crimes en dissolvant les corps dans l’acide avant de les brûler, comme cela a été constaté particulièrement dans le nord-ouest du Mexique ? Et là encore, les chercheurs du Centre de recherche en science des données géospatiales ont réussi à concevoir des spectroradiomètres qui permettent de mettre en lumière certaines substances comme le sang, mais aussi l’acide, et donc de repérer d’en haut des charniers invisibles avant qu’il ne soit trop tard pour les voir. Car le pire ennemi dans cette quête, c’est le temps.

Nos scientifiques travaillent aussi sur de nouvelles manières de détecter dans le sol, en profondeur, des traces de décomposition de cadavres, ce qui leur a permis de cartographier des zones probables d’inhumations clandestines en Basse-Californie, et de tenter de modéliser la distribution possible d’autres sépultures cachées dans une dizaine d’États du Mexique.

Ces chercheurs engagés ont même fondé une plateforme, Huellas de Vida, (empreinte de vie) pour rassembler et surtout entrecroiser toutes ces informations scientifiques, environnementales, géospatiales, mais aussi civiles et judiciaires sur les disparus du Mexique. Des informations qui pourraient se révéler très utiles à d’autres enquêtes ailleurs autour d'autres disparitions tragiques.

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