L'Atelier politique

Marc Fesneau: «Le compromis est considéré comme une compromission en France»

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Le président du groupe MoDem à l'Assemblée nationale défend le parlementarisme, regrette le renoncement au 49.3 et critique un «budget bolchévique». Ancien ministre des Relations avec le Parlement, ancien ministre de l'Agriculture, il répond aux questions de Frédéric Rivière dans l'Atelier Politique.

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Marc Fesneau.
Marc Fesneau. © RFI
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Du présidentialisme au parlementarisme : une transition impossible ?

«On ne sort pas d'années de bipolarisation et de domination du fait majoritaire. Nous en avons bénéficié en 2017», reconnaît Marc Fesneau. «C'est très difficile d'expliquer que le parlementarisme, c'est de sortir des postures et des lignes rouges et de dire voilà ce que je veux, voilà ce que tu veux et voilà ce qu'on peut vouloir ensemble sans se dévoyer.»

Il confesse une erreur stratégique : «J'ai toujours été très frappé, et je pense que ça a été une erreur en 2017, du refus absolu de prendre des amendements du Parti socialiste ou des Républicains au motif que ça venait d'eux. C'était absolument idiot.»

 

Pourquoi la France rejette le compromis

«La France est un pays qui a peut-être une spécificité révolutionnaire, peut-être une spécificité de refus de la nuance», analyse le député. «On aime les débats un peu vifs et parce qu'ils sont vifs, ils ne peuvent pas être nuancés. Noir ou blanc, vert ou rouge. On n'aime pas rentrer dans la nuance de la politique.»

Sa conviction : «Vous êtes capable de la nuance et de la force de vos convictions quand vous êtes fort. Plus vous êtes faible, plus c'est compliqué de tendre la main, parce que plus vous avez besoin de démontrer que vous êtes fort.»

Macron a-t-il méprisé les députés ?

Face aux critiques, Marc Fesneau refuse de «hurler avec les loups» : «Tous les présidents de la République ont eu tendance à mépriser les députés. Vous croyez que Nicolas Sarkozy, que François Hollande ont donné le sentiment de prêter une attention très grande aux parlementaires ?»

Mais il renvoie aussi la responsabilité : «Il faut que les parlementaires soient respectables pour être respectés. Vous ne pouvez pas vous cantonner au déclaratif, à l'intempestif, à ce qui mousse et ce qui brille. Cette semaine, on a voté des amendements dont les propres auteurs expliquent qu'ils ne sont pas opérationnels, qu'ils ne sont pas constitutionnels, mais que ce n'est pas grave. Comment voulez-vous que l'exécutif vous respecte ?»

11% de popularité : «Injuste»

Sur la cote historiquement basse d'Emmanuel Macron, le député se refuse à en tirer des conclusions : «Si la conclusion, c'est de dire parce qu'on est impopulaire, on doit démissionner, je déconseille cette voie. La vie politique fait qu'à certains moments, vous êtes impopulaire. Est-ce qu'on invente la révocation d'opinion ?»

Il rappelle le contexte : «Nous avons traversé des événements inédits. Le confinement du monde, la guerre sur le continent européen, une grande crise économique, une crise de l'inflation. Dans les grandes crises que nous avons eues à traverser, je préfère qu'on ait eu Emmanuel Macron que qui que ce soit d'autre que j'ai aujourd'hui sous les yeux.»

 

Un «budget bolchévique»

Marc Fesneau dénonce les dérives des débats budgétaires : «On est déjà à 40, 45, 50 milliards d'impôts supplémentaires. C'est exactement l'accroissement de la richesse par an. On a pris tout ce qui a été gagné.»

Il assume sa formule : «Quand vous prenez plus que ce que le pays a produit de richesses supplémentaires, je ne sais pas comment l'appeler autrement. Toute la richesse produite, c'est 50 milliards. Si vous êtes à 60 ou 70 milliards d'impôts, vous arrachez de la richesse. Et ne croyons pas qu'on les arrache qu'aux riches.»

Le 49.3, outil de compromis ?

Sur le renoncement de Lecornu au 49.3, Marc Fesneau exprime un désaccord : «Je comprends qu'il ait voulu se priver de cet outil pour montrer qu'il ne voulait pas imposer, mais c'est nous priver nous-mêmes de cet outil. Le 49.3 peut être un formidable outil de compromis minimum sans engager chacun sur le budget.»

«Je prends les amendements du Parti socialiste, je prends les amendements du MoDem. Voilà un texte sur lequel on ne pourra pas voter pour un certain nombre d'entre nous, mais sur lequel il n'y aurait pas de motion de censure», explique-t-il.

Sa disponibilité au compromis : «Je suis prêt à voter un budget dans lequel il y aurait des mesures avec lesquelles je ne suis pas d'accord, y compris demandées par le Parti socialiste. Je suis prêt à une suspension des retraites. Mais il faut que de l'autre côté, on nous dise la même chose.»

Vote RN sur l'Algérie

Sur l'adoption de la résolution RN contre l'accord franco-algérien de 1968, Marc Fesneau minimise : «Je comprends que Marine Le Pen ait envie de faire de cette niche un moment historique. Ça ne va certainement pas changer la vie des Français. C'est une proposition de résolution, ça n'a aucune valeur contraignante.»

Il pointe les contradictions : «Ce n'est pas la première fois qu'un vote du Rassemblement national a une portée. Deux fois, ils ont mêlé leur voix avec La France insoumise pour faire des motions de censure. Tout ça, c'est des Ponce Pilate. Ils sont les premiers à appeler le Rassemblement national à voter avec eux.»

L'appel aux «démocrates»

Son message final : «Ceux qui pensent qu'il faut aller sur le terrain des idées du Rassemblement national font une erreur tragique. Il a failli y avoir une majorité du RN en 2024, ils sont 140 dans l'hémicycle. Ça devrait nous interroger.»

«Pour éviter que leurs idées prospèrent, peut-être qu'il faudrait faire preuve de responsabilité, essayer de travailler ensemble, nous les démocrates, tous ceux qui pensent que c'est un grand risque de laisser les extrêmes ou les populistes gouverner le pays.»

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