Près de deux semaines après le coup d’Etat militaire du général al-Burhan au Soudan, Mo Ibrahim, mécène de la démocratie et de la bonne gouvernance en Afrique, Soudanais lui-même, a suggéré, ce 4 novembre sur RFI, quelques pistes pour obliger les putschistes à rétablir le pouvoir civil. Que penser de ces suggestions ?
Pour faire échec à la restauration en cours du pouvoir militaire au Soudan, il faudrait, vraiment, que les forces d’inertie internes à la communauté internationale consentent à se soucier davantage du peuple soudanais que de leurs agendas propres. On se demande comment certaines capitales peuvent justifier à ce point le putsch du général al-Burhan.
Face aux timides condamnations de principe esquissées par la communauté internationale, la détermination des Soudanais est belle à voir. C’est au moins la preuve que les peuples africains ne se contenteront pas indéfiniment de subir les prédateurs, après les dictateurs, en attendant les imposteurs. Nous contemplons un peuple debout, prêt à mourir – et ce ne sont pas que des mots – pour la liberté, pour l’état de droit, la démocratie et, surtout, pour la fin de la confiscation de son destin par des officiers cupides.
Le Soudan est indépendant depuis 1956. Soixante cinq ans, durant lesquels le pays a été, de fait, dirigé par des militaires pendant soixante et un ans. Si c’est une faillite, alors, elle incombe totalement aux militaires. C’est même une telle faillite que la partie Sud du pays, d’où venaient essentiellement les Soudanais noirs, a fini par faire sécession, pour le pire. Ironie du sort, le nom Soudan, comme on nous l’enseignait naguère, signifie littéralement : « Pays des Noirs » !
Qui ne comprendrait que les Soudanais soient prêts à mourir pour en finir avec un leadership si défaillant ! Mo Ibrahim n’a pas tort, lorsqu’il affirme que ces gens-là ne s’intéressent qu’à l’argent. Si les maîtres du monde croient vraiment aux valeurs pour lesquelles les Soudanais meurent, alors, ils devraient cibler les putschistes dans ce qu’ils chérissent le plus : leur argent.
Il a justement précisé qu’ils placent leur argent dans le Golfe, en Turquie, en Malaisie…
Si, comme le dit Mo Ibrahim, ils aiment plus encore leur prospérité et leur sécurité personnelles que le pouvoir, alors tracer ces flux financiers et geler leurs avoirs, puis leur mettre la justice internationale aux trousses devrait suffire à stimuler leur zèle à rétablir le pouvoir civil. Quant aux puissances et autres sous-puissances qui prennent parti pour le général putschiste, aujourd’hui, si elles tiennent réellement à leurs intérêts au Soudan, elles ne pourront que se raviser, lorsqu’elles verront s’inverser les rapports de forces.
Quelle importance revêt l’échec du putsch au Soudan pour les autres peuples africains ?
Les Soudanais ont lutté, vaillamment, et sont morts en nombre, pour chasser le général Omar Hassan el-Béchir du pouvoir, après trente ans de dictature. Lorsqu’ils ont compris que la cause était perdue, les haut-gradés de l’armée se sont invités dans la révolte, épousant les indignations du peuple, juste à temps pour ne pas couler avec Béchir, qu’ils ont destitué, par la force de leur outil de travail, au point d’en tirer le droit de revendiquer une place dans le cockpit, et même le poste de pilotage pour la première étape de la transition. En deux ans et demi, al-Burhan a gagné en assurance, suffisamment pour chasser le Premier ministre, l’emprisonner, et demeurer seul maître à bord. Si les Soudanais parvenaient à l’éjecter, alors, demain, ailleurs en Afrique, les populations sauront ne plus se laisser supplanter par d’autres de leurs concitoyens, fussent-ils en armes.
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