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Sénégal: «Le Conseil constitutionnel ne pouvait pas renier sa propre jurisprudence»

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Au Sénégal, c'est finalement à la fin de ce mois de mars que le 1ᵉʳ tour de la présidentielle aura lieu. La présidence de la République se conforme donc à la volonté du Conseil constitutionnel, qui voulait qu'on vote avant l'expiration du mandat de Macky Sall le 2 avril prochain. Et lors de ce 1ᵉʳ tour, il n'y aura sur la ligne de départ que les 19 candidats prévus initialement. Pas de nouvelles candidatures possibles, comme l'espérait pourtant Karim Wade. Est-ce une surprise ? La réponse de Papa Fara Diallo, qui est maître de conférences en Science politique à l'université Gaston Berger de Saint-Louis.

Papa Fara Diallo, politologue sénégalais.
Papa Fara Diallo, politologue sénégalais. © Papa Fara Diallo/(@dpapafara)
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RFI : Le calendrier s'accélère, le premier tour aura lieu fin mars, quelle est votre réaction ?

Papa Fara Diallo : C'est sans surprise. La décision du Conseil constitutionnel, c'était la décision qui était attendue. Et apparemment, le Conseil constitutionnel a informé l'exécutif et l'exécutif, apparemment, s'est exécuté, ce qui cadre avec l'horizon indépassable du 2 avril.

Vous dites que vous n'êtes pas surpris, mais le président Macky Sall a tout de même essayé de reporter cette élection à bien plus tard dans l'année 2024, est-ce que vous n'êtes pas surpris que, finalement, il accepte la décision du Conseil constitutionnel ?

Alors ce qui n’est pas surprenant, c'est la décision, en soi, du Conseil constitutionnel, parce que le Conseil ne pouvait pas renier sa propre jurisprudence. Maintenant, l'autre élément qui transparaît dans votre question, c'est la décision, finalement, du président de la République d’accepter de suivre les injonctions du Conseil constitutionnel. Oui, pour certains, ça peut être assez surprenant, parce que, clairement, il nous a semblé que le chef de l'État était un peu dans le dilatoire. Il était clair que le chef de l'État était dans une logique de gagner du temps, était dans une logique dilatoire, et la décision ferme du Conseil constitutionnel – de faire valoir son autorité de régulation de la vie démocratique et de l'État de droit –, c'est ça qui lui a permis de fixer une date, là où le chef de l'État prenait son temps pour pouvoir fixer une date et voulait, vraisemblablement, imposer le consensus issu du dialogue national, en fixant une date au 2 juin. Dans ce sens-là, ça peut être, effectivement, une surprise.

Donc on peut imaginer que Macky Sall a espéré faire céder le Conseil constitutionnel, mais que devant la fermeté de celui-ci, il a fini par reculer, c'est ça ?

C’est clairement cela. Le président de la République a été désavoué deux fois par le Conseil constitutionnel. La décision du 15 février, qui annulait son décret, était un premier désaveu. Là aussi, c'est un autre désaveu, parce que le président espérait effectivement attendre d’organiser un dialogue et de soumettre les conclusions du dialogue. Clairement, le chef de l'État espérait que le Conseil allait invoquer le consensus national comme motif de prolonger la durée du mandat, mais c'était sans compter sur la fermeté du Conseil.

Alors l'autre grande information d'hier soir, c'est qu'il n'y aura pas d'élargissement de la liste des 19 candidats à la présidentielle. N'est-ce pas une grosse déception, non seulement pour Karim Wade, mais pour Macky Sall lui-même ?

Oui, clairement. Le Parti démocratique sénégalais [de Karim Wade] a été l'un des artisans du report de l'élection présidentielle, ils l'ont même reconnu lors du dialogue national. Et clairement aussi, le président de la République, en soumettant la décision du dialogue national pour avis au Conseil constitutionnel, espérait que le Conseil allait accepter que la liste des candidats soit revue et que Karim Wade pourrait intégrer cette liste. Mais, là aussi, le Conseil ne pouvait pas renier sa propre jurisprudence, parce que, pour le Conseil constitutionnel, le processus électoral n'est pas annulé, c'est un processus qui a été interrompu. Donc le Conseil a tout simplement décidé que le processus allait reprendre avec les mêmes candidats qui ont été validés, c'est-à-dire les 19.

Côté pouvoir, Amadou Ba quitte la primature pour faire campagne pour le premier tour. Côté opposition, est-ce que la loi d'amnistie, qui est passée hier, ne va pas permettre au candidat du camp Ousmane Sonko, à savoir Bassirou Diomaye Faye, de sortir de prison et de faire campagne, lui aussi, en toute liberté ?

Oui, il me semble que, même sans loi d'amnistie, il était tout à fait possible que Bassirou Diomaye Faye sorte pour pouvoir battre campagne. Parce qu’effectivement, si on empêche monsieur Bassirou Diomaye Faye de battre campagne, ça serait une rupture d'égalité à l'égard des candidats. Maintenant, si la loi a été votée, ça veut dire que tous ceux qui sont en prison pour des délits visés par la loi d'amnistie vont être libérés et monsieur Bassirou Diomaye Faye pourra naturellement battre campagne. L'autre aspect de votre question, c'est le fait que le Premier ministre Amadou Ba a été démis de ses fonctions parce que le gouvernement a été remanié. Donc ça veut dire que, clairement, la majorité a accepté la décision du Conseil constitutionnel de maintenir les mêmes candidats. Et le candidat de la majorité, c'est monsieur Amadou Ba, donc il était naturel qu'il puisse quitter ses fonctions de Premier ministre pour aller battre campagne.

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