Questions d'environnement

COP30: les forêts sont-elles encore des alliées dans la lutte contre le changement climatique?

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Les arbres sont des puits de carbone indispensables face à la crise climatique. Mais certaines forêts captent moins de CO2 qu'avant, et en rejettent même plus qu'elles n'en absorbent.

Un homme autochtone de l'ethnie Mayuruna observe un arbre sumauma (Ceiba pentandra) lors des Jeux et danses interculturels autochtones d'Alvaraes, au village de Marajai, dans l'État d'Amazonas, au nord du Brésil, le 16 avril 2025.
Un homme autochtone de l'ethnie Mayuruna observe un arbre sumauma (Ceiba pentandra) lors des Jeux et danses interculturels autochtones d'Alvaraes, au village de Marajai, dans l'État d'Amazonas, au nord du Brésil, le 16 avril 2025. AFP - MICHAEL DANTAS
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Elle est la star de la COP30. Mais la star est capricieuse et pourrait bien nous laisser en plan. L'immense forêt amazonienne, immense puits de carbone pour lutter contre la crise climatique, est au cœur du sommet mondial pour le climat, qui se tient à Belém, au Brésil, aux portes de l’Amazonie. Entre espoirs et craintes. En dix ans, l’Amazonie a stocké 30 % de carbone en moins. On le sait grâce aux tours à flux installées en forêts (qui mesurent les échanges gazeux entre l’atmosphère et la végétation) et les observations satellitaires. On le sait aussi en mesurant tout simplement le diamètre des troncs – plus un arbre est gros, plus il absorbe du CO2.

Mais avec le réchauffement climatique, les arbres grandissent moins. « Pendant la sécheresse, il y a un arrêt de la croissance. Aujourd’hui, on observe des saisons sèches beaucoup plus longues et beaucoup plus intenses, et le temps d’arrêt de la croissance des arbres est beaucoup plus long. Ce qui peut parfois mener à une augmentation du taux de mortalité de certaines espèces », explique Ariane Mirabel, chercheuse en écologie forestière tropicale au Centre international de recherche pour l’agronomie et le développement (Cirad), actuellement basée en Guyane française, à la station de recherche tropicale de Paracou. À cela s’ajoutent les incendies, qui libèrent le CO2 stocké par les arbres. Résultat, certaines zones de l’Amazonie peuvent émettre aujourd’hui plus de CO2 qu’elles n’en absorbent. C’est le cas aussi, par exemple, de la forêt tropicale australienne, comme vient de le révéler une étude scientifique.

Points de bascule

Moins de pluie, c’est moins de forêts, et moins de forêts, c’est aussi moins de pluie. « La forêt amazonienne régule tout le fonctionnement hydrique de l’Amérique du Sud, précise Géraldine Derroire, écologue forestière au Cirad et à l'université de Brasilia. Donc sans forêt, on a aussi une dérégulation du climat local. Ce qui peut conduire à des points de bascule dont on a peur. En Amazonie, si la déforestation continue, conjuguée aux effets des changements climatiques, on pourrait voir la forêt remplacée par un écosystème de savane. » Encore moins de forêts, c’est encore moins de carbone stocké. Un cercle parfaitement vicieux.

Mais toutes les forêts tropicales ne réagissent pas de la même manière face au réchauffement climatique. Le Bassin du Congo, l’autre grande forêt tropicale de la planète, en Afrique centrale, résiste. Elle continue de stocker du CO2 comme avant, presque insensible aux sécheresses. « Les espèces du Bassin du Congo ont évolué pour s’adapter à des conditions climatiques plus sèches. Elles vont donc réagir moins fortement à l’augmentation des épisodes secs – c’est l’une des hypothèses. Et puis il y a aussi moins de déforestation sur la partie la plus proche de l’océan. Ces forêts continuent donc de jouer leur rôle dans la régulation du climat local et du régime des pluies », rapporte Géraldine Derroire.

Ravageurs

En milieu tempéré, les forêts sont à la peine. Selon une dernière étude, les forêts européennes ont absorbé 27 % de CO2 en moins en 12 ans. La forêt française est emblématique : la surface forestière s’est considérablement étendue ces dernières décennies, mais elle est en mauvais état, victime de la sécheresse, des incendies et des maladies. Un arbre affaibli par la sécheresse aura moins de résistance face aux parasites. En revanche, dans les forêts tropicales, l’immense diversité des arbres et des plantes les protège des ravageurs. « Une forêt tropicale, ce sont 200 espèces à l’hectare, souligne Ariane Mirabel. C’est donc un écosystème qui reste encore aujourd’hui assez résistant à ces ravageurs, pas encore problématiques pour la santé des forêts. » C'est une petite note d’espoir face à ce paradoxe : les forêts, nos alliées du climat, sont aussi victimes de la crise climatique.

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