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Cameroun: l'intense vie nocturne à Bamenda, une époque révolue

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Avant 2017, Bamenda, la capitale de la région du Nord-Ouest du Cameroun, était non seulement un pôle économique, mais aussi une ville où la vie nocturne était intense. Snacks, bars, boîtes de nuit, il y en avait beaucoup. Mais depuis que les revendications séparatistes ont pris une tournure violente d'affrontements entre groupes armés et forces gouvernementales dans la région, Bamenda la nuit n'est plus que l'ombre d'elle-même, c’est ce que disent ceux qui l'ont connue. Reportage d’Alphonse Tebeck, traduction d’Amélie Tulet.

[Image d'illustration] Une vue aérienne de Bamenda, au Cameroun.
[Image d'illustration] Une vue aérienne de Bamenda, au Cameroun. AFP - REINNIER KAZE
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Il est 22 heures au rond-point de l'hôpital dans l'arrondissement de Bamenda 2. Seules quelques motos circulent encore. Les rues sont quasiment désertes. Avant 2017, pourtant, le quartier était connu pour ses snacks et ses bars. Mais depuis, tout a fermé. Rencontré quelques heures plus tôt, Richard se souvient d'une époque qui lui semble maintenant révolue. « Je sors le soir quand je suis à Douala, à Bafoussam, à Yaoundé, mais quand je suis à Bamenda, à six heures le soir, je suis à la maison. Il y a trop d'insécurité. J'ai simplement peur de l'obscurité maintenant ici. Quand je suis invité à un événement, si c'est après six heures, je n'y vais même pas. La nuit, c'est fini », dit-il.

C'est à deux kilomètres au nord du rond-point de l'hôpital, à Ntarikon Che Street, que début mai, le journaliste, Anye Nde Nso a été abattu devant un bar où il animait une soirée. Dans un autre quartier, celui de Oldchurch, Jérôme, 40 ans, est propriétaire d'un snack. Comme d'autres établissements, il ne fait plus recette. « On est passé de neuf salariés à zéro, on était plus capable de les payer. Le propriétaire, moi, je lui dois plusieurs mois de loyers, je n'arrive pas à payer. En 2016, Bamenda c'était du 24h sur 24. Certains lieux étaient ouverts, 24h sur 24. Personne n'avait peur, mais depuis cette crise, tout a changé, nous ne savons plus quoi faire, nous sommes déprimés », raconte-t-il.

« Nous ne pouvons pas sacrifier notre jeunesse à cause de la guerre »

Mais d'autres quartiers reprennent des couleurs, à « Mobile Nkwen » dans la commune de Bamenda 3, malgré les risques, là, la vie nocturne reprend progressivement. Sederik a la trentaine, il partage plusieurs bouteilles avec des amis. « Nous ne pouvons pas sacrifier notre jeunesse à cause de la guerre. Dans certaines communautés, des mesures ont été prises même par des chefs de quartier pour que les gens soient un peu tranquilles le soir pour se voir. S'il faut avoir peur la nuit, il faut avoir peur aussi le jour. Des banques ont été attaquées en plein jour. Il y a eu aussi plein d'enlèvements ont eu lieu la journée. Ce n'est pas que la nuit qui n'est pas sûre, même le jour, ce n'est pas sûr. Nous devons vivre avec et nous adapter. Par exemple, le soir, nous ne nous déplaçons pas en transports en commun, nous prenons nos voitures, nous ne nous garons pas devant les bars, nous nous garons plus loin, pour que les gens ne sachent pas qui vous êtes, quelle voiture vous avez, pour ne pas être une cible », explique-t-il.

La future troisième phase du Programme présidentiel de reconstruction et de développement prévoit sur le papier un appui aux retours des investissements dans le secteur privé. Mais des acteurs de la société civile des régions anglophones du Cameroun estiment que parler de reconstruction est prématuré tant que les violences sont toujours en cours.

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