Allemagne: dans les régions désindustrialisées, la pauvreté gangrène la population
Publié le :
Écouter - 02:30
La première puissance économique de la Zone euro s’apprête à tourner la page Angela Merkel. La chancelière laisse un pays où le taux de pauvreté a atteint son plus haut niveau depuis la réunification. Plus de 13 millions d’Allemands sont touchés, à l’est mais aussi à l’ouest, dans les régions désindustrialisées comme la Ruhr.
De notre envoyée spéciale à Duisbourg,
C’est l’heure du nettoyage dans le réfectoire de l’école Herbert Grillo du quartier de Marxloh. Les chaises en plastique noires, grises et oranges sont empilées sur les tables. Chiffon à la main, Klaus Kumbholz termine sa journée de travail. Auxiliaire de cantine scolaire, il touche un petit salaire qui l’oblige à compter chaque centime, mais c’est surtout pour sa retraite, dans dix ans, qu’il s’inquiète.
« Si j’ai de la chance, je toucherai 1 000 euros, mais ça pourrait être 800, seulement. J’ai commencé à travailler à 16 ans. Ça fait 41 ans que je travaille. Il y a beaucoup de retraités ici qui doivent ramasser des bouteilles consignées pour toucher quelques dizaines de centimes », déplore Klaus, avant de poursuivre : « Notre avenir n’est pas assuré. Il faudra peut-être que l’on fasse la manche un jour. Chaque Allemand qui travaille devrait pouvoir continuer à vivre dignement une fois à la retraite et ne pas être obligé de ramasser des bouteilles consignées ! L’Allemagne est riche ! »
► À lire aussi : La question du climat au cœur de la campagne des législatives en Allemagne
Un quartier qui s’est transformé avec la désindustrialisation
À une vingtaine de minutes de tramway du centre de Duisbourg, le quartier de Marxloh est entouré de hauts fourneaux. Jusque dans les années 1970, la population a bénéficié de la prospérité de l’industrie sidérurgique et d’emplois bien rémunérés. Mais avec la désindustrialisation, Marxloh s’est transformé, constate Thomas Mielke, qui travaille pour l’association d’insertion sociale Rundertisch.
« Dans la région, nous avons un grand employeur, Thyssen Krup, mais il n’y a plus autant d’emplois qu’à l’époque de mon enfance. À l’époque, tous nos voisins y travaillaient. Aujourd’hui, beaucoup de familles n’ont plus de travail, elles doivent vivre des allocations, ce qui ne rend pas la vie facile », constate-t-il. Et d'ajouter : « Dans notre association, lorsqu’on organise par exemple des ateliers cuisine, pour les adolescents, on demande une petite contribution de 3 euros pour acheter les produits parce qu’on ne peut pas tout payer de notre poche, mais on se rend compte que certains ne peuvent même pas se le permettre. »
► À lire aussi : En Allemagne, la politique familiale sous Merkel
Une société polarisée
D’une manière générale, le taux de pauvreté a augmenté ces dernières années, constate le sociologue proche du parti de gauche Die Linke, Christoph Butterwegge : « Le gouvernement Merkel n’a rien fait pour réduire la pauvreté. Au contraire, aujourd’hui on a atteint un record : la pauvreté touche 15,9 % de la population allemande, c’est le taux le plus haut jamais enregistré depuis 2005, depuis qu’Angela Merkel est arrivée au pouvoir. »
« La politique du gouvernement a contribué à la polarisation de la société. Il y a eu une dérégulation du marché du travail, la libéralisation du travail intérimaire, des emplois précaires, ce qu’on appelle les minijobs, où l’on gagne peu d’argent », soutient le sociologue.
Parmi les pistes pour réduire la fracture sociale, le Parti social-démocrate propose, dans son programme, de relever le salaire minimum de 9,60 euros à 12 euros.
► À consulter : notre dossier Ère Merkel, clap de fin, et le long format Les années Merkel
NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail
Je m'abonne