En annonçant la création d’une armée autonome pour l’entité serbe du pays, le chef politique des Serbes de Bosnie a franchi un nouveau cap dans sa démarche sécessionniste. Évoqué partout, le risque d’une implosion de l’État bosnien sème le trouble dans le pays. Si certains ne croient pas à un retour de la guerre, d’autres craignent de voir ressurgir les violences intracommunautaires qui ont ensanglanté le pays, il y a tout juste 26 ans.
Dans son épicerie située entre une mosquée et un monastère orthodoxe, Hatidža ne cache pas son inquiétude. Depuis la fin de la guerre en 1995, le village de cette mère de famille de 39 ans est coupé en deux par une frontière invisible : celle qui sépare les deux entités de Bosnie-Herzégovine. D’un côté, la Fédération croato-musulmane, de l’autre, la République serbe de Bosnie.
« Ici on vit comme des voisins entre Serbes et musulmans, on se parle et on vit bien ensemble. On a aucun problème, on vit comme des citoyens normaux, affirme-t-elle. Mais quand on écoute les discours politiques, on ne sait pas ce qu’il faut croire, on est vraiment et sincèrement inquiets. J’avais 14 ans quand la dernière guerre a éclaté et maintenant certains voudraient qu’il y en ait une autre, mais j’espère vraiment qu’il ne se passera rien. »
Habitué des provocations, le chef nationaliste serbe Milorad Dodik a récemment semé le trouble en annonçant la création d’une armée autonome. Le haut représentant de la communauté internationale dans le pays a parlé de sécession et de menace existentielle pour la Bosnie-Herzégovine. Comme Hatidža, de nombreux Bosniens ne veulent pas croire à une implosion du pays. « On partira en Allemagne (rire) ! Je ne sais pas, je ne sais même pas comment fonctionnerait cette séparation. Certains pensent que ce serait mieux et que c’est ce qu’il faut faire, que ça va être super ! Mais moi, je ne suis pas sûre que ça nous permette de vivre mieux. »
« Se séparer pour en finir ! »
Malgré les efforts de la communauté internationale, la société bosnienne reste profondément divisée. Depuis 30 ans, les partis nationalistes n’ont cessé d’attiser les tensions et les trois communautés ne partagent plus grand-chose dans leur quotidien.
Dragana habite à Pale, l’ancienne capitale des Serbes durant le conflit et situé à 20 km de Sarejevo. Cette coiffeuse de 39 ans approuve l’idée d’une séparation. « Moi je vis en République serbe. Et pourquoi ne pas faire cette séparation ? C’était la même chose avec la guerre : ils voulaient leur pays et nous le nôtre ! s'écrie-t-elle. Aujourd’hui, on ne parle pas beaucoup de ces possibilités, et on entend parler de Srebrenica, tout le temps. Ça ne fait que semer plus de haine. Il faudrait qu’on se sépare pour en finir. »
Un retour des années 90, c’est ce que craignent beaucoup de citoyens dans les Balkans, en Bosnie-Herzégovine, mais aussi au Kosovo et au Monténégro. La Serbie du président Vučić est accusée de promouvoir sa vision du monde serbe et de déstabiliser ses voisins. Une politique dangereuse qui fait à nouveau craindre pour la paix, dans la région.
Ce reportage près de la ligne de démarcation héritée de la guerre est à écouter dans son intégralité sur notre site dans Accent d'Europe .
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