Jordanie: le street art fleurit sur les murs d'Amman
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La Jordanie est l’un des rares pays du Moyen-Orient à avoir légalisé et à financer le street art. Dans la capitale, une nouvelle génération d’artistes se sont emparés de ces outils pour aborder des thématiques politiques parfois encore tabou dans la société. Tous âgés de moins de 30 ans, ils luttent contre les stéréotypes et souhaitent ouvrir la voie à de nouveaux débats.
Bonbonne dans une main, pinceau dans l’autre. Miramar, 24 ans, affine un croquis dans son atelier du centre-ville d’Amman. Pour cette réfugiée irakienne née en Jordanie, le street art n’est pas qu’une question d’esthétique. C’est surtout l’un des rares outils politiques à sa disposition. « Dans ce pays, il est difficile d’exprimer ses idées que ce soit pour des raisons sociales ou politiques. L’art est un moyen, surtout pour cette génération, de délivrer des messages sans courir le risque d’être blessé », explique Miramar.
Ses peintures abordent le féminisme et les droits LGBT, des sujets encore tabous dans la société jordanienne. Elles attirent d’ailleurs souvent les critiques. Comme pour ce portrait de Zaha Hadid, architecte et féministe irakienne.
C’était dans une rue extrêmement religieuse et masculine. Beaucoup d’hommes s’arrêtaient et me demandaient pourquoi je faisais ça, si je ne pouvais pas peindre autre chose qu’une femme. Si une rue est dominée par les hommes, je vais peindre l’opposé, car ça crée du contraste. Ça dévoile les différents conflits qui existent dans notre société et nous aide à trouver des solutions.
Dépoussiérer l’image de la société jordanienne
Ils ne sont qu’une dizaine d’artistes comme Miramar en Jordanie. Parmi eux, Yazan Mesmar, l’une des personnalités phares du street art local. Son but ? Dépoussiérer l’image de la société jordanienne.
« J’aime donner une image joyeuse et colorée de notre culture, car beaucoup de nos représentations actuelles sont dépassées. Quand on pense à la culture arabe, on pense à Aladin, aux déserts, aux chameaux. C’est une représentation de qui nous sommes et il y a des moyens de le faire avec modernité », dit Yazan.
Plusieurs centaines d’œuvres sont aujourd’hui visibles sur les murs d’Amman. Et leur nombre ne cesse d’augmenter, selon Alaeddin Rahmeh, qui organise des visites guidées sur le sujet.
« Ça explose. Rien que la semaine dernière, il y a eu six nouvelles œuvres peintes à Amman. C’est un moyen pour la jeunesse de s’approprier la ville, de montrer son style et de faire passer ses messages. »
Le street art, autorisé sous conditions
Mais le gouvernement impose encore ses lignes rouges. Interdiction de dépeindre la religion, la sexualité et la politique. Alors pour s’en sortir, les artistes misent sur les doubles sens. Comme cette œuvre anonyme, que l’on peut apercevoir dans le centre historique d’Amman.
« On y voit deux femmes qui pourraient être une mère et une fille. Leurs visages sont très proches et certaines personnes y voient deux femmes sur le point de s’embrasser. Il reste beaucoup de thèmes sensibles, mais les artistes trouvent le moyen de mentionner ces sujets intelligemment », ajoute Alaeddin Rahmeh.
La censure reste toutefois présente. En 2020, le royaume hachémite avait effacé plusieurs graffitis peints après le suicide de Sarah Hegazi, jeune égyptienne emprisonnée par le régime d’Al-Sissi pour son orientation sexuelle.
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