Reportage international

À Gaza, un psychologue en première ligne face aux traumatismes

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Des vies brisées, des populations palestinienne et israélienne traumatisées. Même ceux qui font la guerre sont atteints. 9 000 soldats israéliens ont demandé une aide psychologique depuis le 7 octobre et l’attaque du Hamas contre Israël. Dans la bande de Gaza, la violence est inouïe et le choc immense pour les civils : des scènes de chaos, des corps déchiquetés, la perte des proches, la famine. Comment surmonter l’insurmontable ? Un psychologue de Gaza témoigne.

Des Palestiniens se trouvent près de la frontière égyptienne alors qu'ils cherchent à se mettre à l'abri des frappes aériennes israéliennes, le 14 janvier 2024 à Rafah  au sud de la bande de Gaza. (Image d'illustration)
Des Palestiniens se trouvent près de la frontière égyptienne alors qu'ils cherchent à se mettre à l'abri des frappes aériennes israéliennes, le 14 janvier 2024 à Rafah au sud de la bande de Gaza. (Image d'illustration) Getty Images - Ahmad Hasaballah
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Avant la guerre, Mohammed Hafez Al-Sharif dirigeait une clinique de soins psychologiques dans la ville de Gaza. « Lors de la trêve entre Israël et le Hamas, fin novembre, j’ai pu me rendre jusqu’à ma clinique, près de l’hôpital Al-Shifa de Gaza. Et j’ai découvert qu’elle avait été entièrement détruite ».

Dès la reprise des combats début décembre, le père de famille perd également sa maison. « Malheureusement, notre maison a été bombardée, alors qu’on s’y trouvait. J’ai ressenti un fort sentiment d’impuissance. J’avais mon plus jeune garçon dans les bras. Et mes deux autres fils, en pleurs, m’ont lancé un regard d’adieu. Ç'a été le moment le plus dur de toute ma vie. Vivre un tel traumatisme, je ne le souhaite pas à mon pire ennemi. Ne pas pouvoir protéger ses enfants en tant que père… C’est terrible. »

Continuer d’aider ses patients malgré sa propre situation

Clinicien, patient ayant besoin d’aide psychologique, dans la tête de Mohammed tout s’embrouille. Comment aider les autres, lorsqu’on est soi-même affecté ? « J’ai essayé de faire parler mes enfants du choc qu’on a vécu. Je leur ai demandé de s’exprimer à travers le dessin. Mais la succession des drames et des violences rend ce travail impossible. Alors qu’on travaillait sur le premier traumatisme, il y a eu de nouveaux bombardements. Et encore une fois des explosions, et des vitres qui volent en éclats… Les enfants souffrent désormais de traumatismes complexes. »

Malgré cela, ce professionnel de la santé mentale ne baisse pas les bras. « J’essaye d’apaiser leurs peurs, et la terreur qu’ils ressentent. Mais je ne vais pas me mentir, les enfants ont subi un choc très profond. Les scènes auxquelles ils ont assisté, ce qu’ils ont vécu, le fait d’avoir échappé à la mort par miracle, ce ne sont pas des événements dont on sort indemne. On a perdu de la famille, des amis, des connaissances… Et avant d’entamer la prise en charge psychologique, il faut déjà assurer les besoins de base : avoir un toit, de l’eau et de la nourriture… Mais nous n’avons rien de tout cela », regrette Mohammed Hafez Al-Sharif.

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