Allemagne: dans la commune de Raguhn Jessnitz, l'AfD à l'épreuve du pouvoir
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Des millions de personnes descendent dans la rue depuis des semaines en Allemagne pour protester contre l'AfD. Crédité de 22% des intentions de vote, le parti d’extrême droite est représenté dans tous les parlements régionaux et au Bundestag. L’été dernier, Hannes Loth est devenu à Raguhn Jessnitz, une commune de 9 000 habitants en ex-RDA, le premier maire AfD du pays.

De notre correspondante à Berlin,
Raguhn-Jessnitz fait partie ce qu’on appelle en Allemagne une « région décrochée ». Le terme décrit souvent ces zones –industrielles du temps de la RDA – laminées par la fin du régime communiste. Des régions souvent acquises au vote protestataire et à l’AfD (Alternative pour l’Allemagne). Le maire, ingénieur agricole de 42 ans, se présente comme un élu proche de ses administrés : « Je dirais que nous prenons les préoccupations et les inquiétudes des citoyens plus au sérieux qu’avant. Je marche souvent dans les rues pour montrer que je suis là, et les gens m’adressent la parole. »
L’élection de Hannes Loth à Raguhn-Jessnitz en juillet dernier a créé un choc en Allemagne. Mais son prédécesseur, Nils Naumann, sans étiquette relativise : « Ici, au niveau communal, l’AfD n’a pas tellement d’influence. Les décisions sont prises au final par le Conseil municipal. Il ne peut pas jouer les dictateurs ou je ne sais quoi. »
Des promesses non tenues
Que la marge de manœuvre du maire soit limitée, les administrés s’en sont rapidement rendu compte. Quelques mois après le scrutin, il n’est plus question à Raguhn de gratuité pour la garde des jeunes enfants, de suppression de la taxe sur les chiens ou de baisser la taxe foncière et taxe professionnelle. Des promesses électorales du maire, assurent ses détracteurs. Des promesses jamais formulées, affirme l’intéressé. Ses administrés en tout cas ne lui en tiennent pas rigueur : « Bon, qu’est-ce qu’on peut espérer ? Qu’est-ce qui n’augmente pas ? Qu’est-ce que le maire y peut ? Il n’y peut rien. C’est la faute de notre gouvernement ! »
Eva von Angern du parti néo-communiste die Linke a côtoyé Hannes Loth au parlement régional de Magdebourg, du temps où il y siégeait pour l’AfD. Faire des promesses électorales qu’on sait ne pas pouvoir tenir, c’est à ses yeux une des caractéristiques du parti : « Il transforme ses mensonges en vertus. Et la différence entre les élus de l’AfD et les autres partis, je vois ça ici au parlement régional, c’est qu’ils le font sans vergogne. Ils mentent sans rougir, ils se présentent en victimes sans rougir, et ce qui me fait vraiment peur, c’est que les gens les croient ! »
2024 sera une importante année électorale en Allemagne. Élections européennes, plusieurs communales et trois importantes élections régionales en ex-RDA à l’automne. Partout, les sondages laissent entrevoir une nouvelle progression du parti d’extrême droite.
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