Santé et médecine/Société

L’ASMR, la relaxation 2.0 popularisée par les réseaux sociaux

Capture d'écran youtube d'une vidéo d'ASMR de la youtubeuse ASMR Glow, du 31 juillet 2019
Capture d'écran youtube d'une vidéo d'ASMR de la youtubeuse ASMR Glow, du 31 juillet 2019 ASMR Glow

La réponse autonome sensorielle méridienne (de l’anglais Autonomous Sensory Meridian Response, ASMR) est une pratique devenue populaire sur internet, avec plus de 20 millions de vues selon les vidéos. Si cette pratique ne vous dit peut-être rien, le principe est pourtant simple : des chuchotements ou des tapotements qui peuvent procurer un effet de bien-être, comme des « picotements ».

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Cette technique est à la fois méconnue du grand public, mais a aussi réussi à fédérer des millions de personnes sur les réseaux sociaux (Youtube et Twitch notamment).

Le son des doigts qui effleurent le micro, la découpe d’un savon ou encore les bruits de bouche d’une personne qui mange, ce sont autant d’actions qui peuvent rassembler les amateurs d’ASMR devant une même vidéo. Tous ces différents sons sont appelés les « triggers » (en français des déclencheurs) c’est-à-dire des sons qui déclenchent une réaction. Chaque passionné de l'ASMR a ses propres « déclencheurs ».

Démonstration du youtubeur français, Pierre G ASMR, suivi par plus de 600 000 abonnés, qui a compilé tous les sons déclencheurs pouvant potentiellement procurer une sensation de relaxation.

Une pratique qui commence à intéresser les chercheurs

Si cette technique de relaxation existe depuis 2008 et le terme « ASMR » depuis 2010, de nombreuses personnes ont déjà expérimenté l’ASMR durant leur jeunesse, mais sans vraiment comprendre le phénomène, ni mettre des mots dessus. Cette pratique a connu une forte visibilité grâce aux réseaux sociaux et s'est démocratisée ces dernières années.

Les études scientifiques sur cette méthode n’en sont encore qu’à leurs prémices. La première étude a été menée par les chercheurs Emma Barratt et Nick Davis de l’Université de Swansea en 2015, « Autonomous Sensory Meridian Response (ASMR): a flow-like mental state ». Réalisée auprès de 475 participants, elle permet de comprendre la manière dont ces personnes sont réceptives aux sons. La sensation est parfois décrite comme un frisson qui partirait du haut du crâne pour descendre vers la colonne vertébrale pour ensuite parcourir les épaules, mais le ressenti est propre à chacun.

Raphaël, étudiant de 22 ans, écoute de l’ASMR depuis 7 ans, mais ne ressent pas ces fameux frissons tant décrits sur internet. Pour lui, « c’est comme un stade de profonde détente avant l’endormissement. »

D’après les vidéos les plus populaires sur internet, Emma Barratt et Nick Davis ont différencié plusieurs sortes de stimuli : les chuchotements, la répétition de mouvements lents, ou encore les jeux de rôles, tous très prisés au sein de la communauté de l'ASMR. L’idée des jeux de rôles peut surprendre, mais c’est là aussi que réside l’intérêt de l’ASMR. Filmées en gros plan, ces vidéos permettent une proximité entre la personne qui réalise la vidéo et celle qui l’écoute et la regarde. Rendez-vous médical, massage, inspection des oreilles sont autant de thématiques que les youtubeurs choisissent pour leurs vidéos, une manière de porter une attention toute particulière à l’auditeur.

Nadia, alias Morti ASMR sur Youtube, considère qu’avec les jeux de rôles, « Les personnes ont l’impression de profiter d’une réelle attention, qui les rassure, combinée à une voix chuchotée et des mots réconfortants ». Comme sur cette vidéo où la youtubeuse fait un soin du visage virtuel.

Selon l’étude menée par Emma Barrat et Nick Davis, les raisons pour lesquelles les personnes regardent les vidéos sont multiples : 98% des participants disent regarder de l’ASMR pour se relaxer, 82% pour dormir, et 70% pour diminuer leur stress.

Aux États-Unis, le docteur Craig Richard a même fondé l’Université de l’ASMR, pour continuer l’exploration de cette méthode encore peu connue du monde scientifique et qui fait parfois face aux stigmates ou à l’incompréhension de ceux qui ne supportent pas d'entendre ces sons.

Les bienfaits de l’ASMR, la méditation du XXIe siècle

Grâce à leur étude, Emma Barrat et Nick Davis ont également constaté que les participants qui écoutaient de l’ASMR ressentaient une diminution de leur anxiété, ou que cela jouait de manière positive sur leurs douleurs chroniques, leurs insomnies ou même certains symptômes liés à la dépression. Si les recherches doivent être plus poussées, selon ces chercheurs, le sentiment de bien-être que procure l’ASMR est comparable aux effets liés à une activité physique intense ou à la méditation en pleine conscience.

Interviewé à de nombreuses reprises sur l’ASMR, le neurologue français Pierre Lemarquis, considère que les effets bénéfiques de cette pratique peuvent sûrement s’expliquer par une sécrétion d’endorphine, en lien avec la sensation de bien-être. Raison pour laquelle le visionnage de vidéos d’ASMR améliore les symptômes chez certaines personnes.

Yasmina, écoute de l’ASMR depuis plus de quatre ans et c’est en cherchant des vidéos relaxantes qu’elle a entendu pour la première fois ces drôles de sons sur Youtube. « Cela m’a aidé pendant mes révisions du bac, car j’étais très stressée. Mais cela m'a aussi permis de mieux dormir et maintenant je n’ai pas besoin d’être stressée pour avoir envie d’en écouter. »

L’ASMR c'est comme un mode de vie, du moins c'est comme cela que le ressent Raphaël, qui admet visionner plusieurs heures de vidéos tous les jours et compare la sensation de relaxation qu’il ressent à des souvenirs d’enfance. « Cette comparaison avec l’enfance est assez commune au sein de la communauté », explique Raphaël.

Cette idée se rapproche aussi du témoignage de Nadia, la youtubeuse Morti ASMR, qui estime que les auditeurs aimant les jeux de rôle aiment le côté maternel qu’il y a à écouter et à regarder quelqu’un qui fait semblant de prendre soin de soi. Après des années à écouter de l'ASMR, elle a voulu créer sa propre chaîne youtube : « J’ai souhaité aider à mon tour des personnes qui voulaient se détendre ou qui cherchaient des techniques d’endormissement. »

Comme Nadia, Amélie la youtubeuse plus connue sous le nom de Rendez-Vous ASMR aime faire des vidéos pour leurs aspects créatifs puisqu'elles donnent à voir et à entendre. Mais elle fait surtout l'éloge de la communauté ASMR qui est « très bienveillante, puisque les internautes sont là pour se détendre .» Elle a d'abord écouté de l'ASMR avant d'en faire. « Cela me fait aussi énormément plaisir de voir que j'aide certaines personnes anxieuses, insomniaques ou malades, à vivre des moments plus agréables », raconte-t-elle.

L’ASMR serait donc aussi devenu un moyen de réconfort sur les réseaux sociaux, où des relations virtuelles naissent entre le youtubeur et ses abonnés. Une manière comme une autre finalement, de se relaxer et de méditer. C’est ce que confirme Yasmina : « Je ne parle pas de l’ASMR avec mon entourage, car c’est mon petit plaisir à moi, ça me détend. »

Un phénomène sonore qui se transforme en business

À force de se développer, l’ASMR est devenue un produit marketing. Dorénavant, des applications spécialement dédiées à l’écoute de vidéos d'ASMR ont vu le jour, comme Tingles (qui traduit de l’anglais signifie « picotements »). L’inconvénient : pour visionner certaines vidéos il faut maintenant payer.

L’ASMR est tellement en vogue qu’on la retrouve également dans des spots publicitaires aux États-Unis, ou encore dans des vidéos youtube où des stars comme Salma Hayek ou Jake Gyllenhaal s’amusent à faire de l'ASMR.

Comme tous les phénomènes Youtube, certains youtubeurs ASMR vivent maintenant de leurs chuchotements, comme la très populaire Gentle whispering ASMR. Mais pour d'autres, cela reste un loisir.

« L’ASMR me prend quelques heures par semaine. Je suis accompagnante d’élèves en situation de handicap et mère de trois enfants alors mes semaines sont bien remplies, mais partager ces vidéos est un véritable plaisir que je ne peux pas mettre de côté pour le moment », explique Nadia, alias Morti ASMR.

Dans une autre étude menée par l’Université de Sheffield en 2018, les données récoltées grâce aux participants envisagent la possibilité que l’ASMR soit une méthode thérapeutique pouvant avoir des effets positifs sur la santé psychologique et physique d’une personne.

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