Football

Fifa: cinq questions après la démission de Joseph Blatter

Le Suisse Joseph Blatter.
Le Suisse Joseph Blatter. REUTERS/Ruben Sprich/Files

La démission surprise de Joseph Blatter du poste de président de la Fédération internationale de football (Fifa), ce 2 juin 2015 à Zurich, entraîne cinq questions cruciales. Eléments de réponses.

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Pourquoi Joseph Blatter a-t-il démissionné maintenant ?

C’est la question que tout le monde se pose. Le président de la Fifa depuis 1998 semblait hermétique aux polémiques qui secouent son institution depuis une semaine. « Pourquoi je démissionnerais ? C'est accepter, c'est dire je suis fautif de tout ce qui arrive », avait lâché le Suisse après sa réélection, pour un cinquième mandat, le 29 mai.

Ce dernier se justifie désormais en expliquant que son nouveau « mandat [n’avait] pas le soutien de l’intégralité du monde du football ». Ce qui n’est pas nouveau, même si la défiance des Européens et des Américains est devenue difficilement gérable.

Les médias américains ont peut-être apporté une autre de réponse : ils indiquent en effet que le FBI mène une enquête sur Joseph Blatter. Le New York Times souligne que les autorités locales « espèrent obtenir la coopération de certains des responsables de la Fifa inculpés » pour corruption aux Etats-Unis depuis le 27 mai, et ce afin de coincer le futur ex-patron du foot mondial.

Enfin, la mise à cause de Jérôme Valcke, le « bras droit » de Joseph Blatter, n’est peut-être pas étrangère à cette démission. Le secrétaire général de la Fifa est soupçonné outre-Atlantique d’avoir contribué à un versement de 10 millions de dollars à Jack Warner, un ancien dirigeant du foot, impliqué dans plusieurs scandales financiers.

Les Etats-Unis se sont-ils lancés dans une vendetta envers la Fifa ?

C’est l’avis de nombreux dirigeants à la Fifa, à commencer par Joseph Blatter. Le Suisse a accusé les Etats-Unis de vouloir se venger parce qu’ils n’avaient pas été choisis pour organiser la Coupe du monde 2022, attribuée au Qatar.

De fait, le « soccer » est un enjeu important pour les Etats-Unis. Mais il n’a pas les mêmes implications politiques que sur d’autres continents. Le sujet est moins sensible qu’en Europe ou en Afrique, notamment. Sauf au niveau financier. Les pressions exercées  par certains gros sponsors américains de la Fifa (Coca-Cola, Visa) et de la Coupe du monde (McDonald) ne sont sans doute pas étrangères à la démission de Joseph Blatter. Ceux-ci, qui versent des dizaines de million de dollars,  ont exigé des réformes et de la transparence.

Enfin, la justice américaine s’est lancée à l’assaut de la Fifa parce qu’un vaste système de corruption aurait été mis en place à Miami, selon elle, au siège de la Confédération de football d'Amérique du Nord, d'Amérique centrale et des Caraïbes (Concacaf). Neuf personnalités du monde du football ont ainsi été inculpées le 27 mai dernier. Sept d’entre elles ont été arrêtées à Zurich en vu d’une extradition, avant un Congrès de la Fifa. Un événement qui a déclenché le tremblement de terre qui secoue la Fifa depuis une semaine.

Peut-il y avoir d’autres coups de théâtre ?

Le grand déballage ne fait sans doute que commencer. Le coup de filet du 27 mai, mené par la justice suisse, concernait au départ des scandales en rapport avec le football en Amériques.

Depuis, la justice américaine a assuré que les attributions des Coupes du monde 1998 en France et 2010 en Afrique du Sud avaient été entachées par des faits de corruption. La justice suisse, de son côté, a annoncé qu’elle enquêtait sur la désignation de la Russie et du Qatar comme pays hôtes des Mondiaux 2018 et 2022.

Il ne se passe pas un jour sans de nouvelles révélations. Des enquêtes ont été ouvertes un peu partout, notamment en Amérique latine (Brésil, Bolivie, etc.). Et Interpol, l'Organisation internationale de police criminelle, a émis six avis de recherche, ce 3 juin 2015, dont deux visant des ex-dirigeants, Jack Warner et l'Uruguayen Nicolas Leoz.

Pour le moment, l’Union des associations européennes de football (UEFA) et la Confédération africaine de football (CAF), les deux confédérations qui comptent le plus de membres à la Fifa, restent relativement épargnées. Mais pour combien de temps encore ?

Les Coupes du monde 2018 et 2022 peuvent-elles être retirées à la Russie et au Qatar ?

C’est désormais LA question centrale. La désignation de ces deux pays, en décembre 2010, a provoqué un déferlement médiatique dans les pays anglo-saxons depuis cinq ans.

S’il y a peu de chance que la Russie soit écartée pour la prochaine Coupe du monde, le cas du Qatar est plus épineux. « Si j’étais le Qatar, en ce moment, je ne serais pas très à l’aise ! » avait lancé Greg Dyke, le patron de la puissante Fédération anglaise. De son côté, le président de la Fédération australienne Frank Lowy a taclé : « Nous avons proposé une candidature propre (pour 2022, ndlr). Je sais que ça n'a pas été le cas pour d'autres, et j'ai partagé ce que je sais avec les autorités. »

La Coupe du monde au Qatar dérange particulièrement l’Europe puisqu’elle va devoir se dérouler en hiver pour des questions climatiques, forçant le football européen à changer totalement le calendrier de ses compétitions. Nul doute que plusieurs pays aimeraient que cette 22e édition soit réattribuée.

Enfin, la justice suisse souhaite auditionner les membres du Comité exécutif de la Fifa – son gouvernement, qui désigne entre autre les pays hôtes du Mondial – qui étaient déjà en place en décembre 2010. Parmi les 24 personnes membres du Comité exécutif de l’époque, huit ont été – à des degrés de gravité très divers – au centre d’enquêtes et/ou de procédures disciplinaires et/ou judiciaires.

Au total, la moitié des membres du Comité exécutif de la Fifa de 2010 ont été cités dans divers dossiers, par la presse, la justice ou les instances de la Fifa. Ce qui fait peser une menace constante sur la Coupe du monde 2022 au Qatar.

Qui va se présenter pour succéder à Joseph Blatter ?

Le prince jordanien Ali al ben Hussein, qui avait poussé Blatter à un second tour avant de se retirer, va se représenter, assure-t-on à la Fédération jordanienne. Mais le jeune rival de Blatter pourrait rapidement se retrouver face à d’autres candidats, lors d’un nouveau Congrès électif qui aura lieu entre décembre 2015 et mars 2016.

Issa Hayatou, le président de la Confédération africaine et actuel numéro 2 de la Fifa, a fait savoir sur RFI qu’il ne se présenterait pas. Le Brésilien Zico, ex-gloire de l'équipe nationale, s'est dit intéressé.

Les regards se tournent désormais vers l’Europe et Michel Platini. Le Français pourrait être tenté d’y aller, maintenant que l’inamovible Blatter s’est retiré. Le président de l’UEFA bénéficie d’un vaste soutien médiatique sur le Vieux Continent, notamment en France. Mais l’ancien footballeur n’a pas la cote en Afrique, qui représente un quart des électeurs à la Fifa. Les Africains reprochent à Platini d’être trop centré sur l’Europe, contrairement à Blatter qui avait su développer le football sur tous les continents.

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