Le groupe de presse France Antilles édite les quotidiens de la Martinique, de la Guadeloupe et la Réunion. Il a été placé ce jeudi 30 janvier en liquidation judiciaire.

C’est à la fois un drame social dans les départements concernés et un signal très alarmant à l’échelle nationale. Pour la première fois, deux régions françaises vont devoir se passer de quotidiens à quelques semaines des élections municipales. France-Antilles, qui avait été créé en Martinique, à l’occasion de la visite du général de Gaulle en 1964, a fait paraître jeudi son dernier numéro. Il faudra attendre le 6 février pour qu’un numéro spécial soit publié sur l’histoire et la fin de ce journal.
Une date qui sonne comme une défaite de la République, car même si Emmanuel Macron avait promis des « mesures spécifiques » pour une presse d’outre-mer « particulièrement fragilisée », rien n’y a fait. Franck Riester, le ministre de la Culture, a assuré qu’un « soutien exceptionnel de l’État » avait été proposé aux côtés d’investisseurs privés, mais cela s’était révélé insuffisant. Jeudi, le tribunal de commerce de Fort-de-France a prononcé la liquidation de la société éditrice, sans poursuite de l’activité, laissant 235 salariés sur le carreau.
« Une horrible nouvelle pour la presse et la démocratie »
En redressement judiciaire depuis sept mois, France-Antilles est une ancienne filiale du groupe Hersant, aujourd’hui entre les mains d’Aude Jacques-Ruettard, la petite fille du papivore qui possédait également le Figaro ou France Soir. Seules les radios de la filiale ont trouvé preneur. Pour Jean-Michel Baylet, qui préside l’Association de la presse d’information, c’est une « horrible nouvelle pour la presse et la démocratie ». Cela confirme que les géants du numérique peuvent tuer la presse en lui prenant des lecteurs et de la publicité alors que Google refuse toujours de verser des droits d’auteurs aux journaux.
Et c’est vrai que cela ressemble à ce qu’ont connu les États-Unis au dans la dernière décennie où les revenus publicitaires ont été divisés par trois, ce qui a conduit à la disparition de 1800 journaux locaux. Les conséquences de cette consolidation autour d’acteurs comme Ganett ou Digital First Media ont été étudiées. Selon le spécialiste des médias Ken Doctor, on a vu diminuer chaque année « la possibilité de se faire une opinion » avec des rédactions de plus en plus faméliques qui voient partir d’abord, tiens, ceux qui sont chargés de suivre les élus. « J’associe ce déclin à la montée du trumpisme » a expliqué Ken Doctor au Financial Times. De moins en moins de journalisme basé sur des faits, des vérités alternatives non corrigées par la presse locale et pour finir une augmentation de la corruption et une plus grande porosité aux idées populistes. Un cocktail qui n’est pas, hélas, si exotique.
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