À la Une: des interrogations sur l’éventuel traçage numérique à la sortie du confinement
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« Un mal nécessaire », juge Le Figaro, pour qui cette technologie destinée à suivre les contacts des futurs malades afin de limiter l'épidémie est source d'une « complexité morale ». Mais le quotidien estime que dans ce dossier « il faut reconnaître au gouvernement son souci affiché des libertés publiques. »
Il faut dire que depuis quelques jours le débat fait rage au sein même de la majorité, plusieurs personnalités politiques ayant fait part de leur réticence face au traçage, notamment l'ancien conseiller d'Emmanuel Macron et actuel eurodéputé Stéphane Séjourné.
De la friture sur la ligne que tentent de dissiper Olivier Véran et Cédric O dans un entretien accordé au journal Le Monde. Le ministre de la Santé et le secrétaire d’État au numérique défendent le projet StopCovid.
Cédric O explique ainsi le mode de fonctionnement de l'application : « lorsque deux personnes se croisent pendant une certaine durée, et à une distance rapprochée, le téléphone portable de l’un enregistre les références de l’autre dans son historique. Si un cas positif se déclare, ceux qui auront été en contact avec cette personne sont prévenus de manière automatique. »
Mais Libération note que « les craintes restent vives » à ce sujet. « Même en respectant tous les critères technologiques et juridiques, cela reste un outil de suivi des personnes, de surveillance », souligne un membre de l'association La Quadrature du Net dans les colonnes du journal.
Et Le Figaro de renchérir : « que vaut la vie sans intimité ? Ce qui est en jeu c'est le sanctuaire de la vie privée ». Mais le journal rappelle qu'avant même la crise du coronavirus « nous avons accepté le sacrifice d'une large partie de [cette] intimité. Si Big Brother existe, il n’est ni à l’Élysée ni Place Beauvau, mais dans la Silicon Valley. »
Le traçage numérique est déjà en place dans plusieurs pays asiatiques. Et la presse nous en décrit le fonctionnement.
À Singapour, l'application TraceTogether a déjà été téléchargée plus d'un million de fois et le gouvernement pousse l'ensemble de la population à s'y inscrire, rapporte Le Monde. Car, expliquent les autorités, il est impossible de se rappeler l'ensemble des personnes que l'on a croisées depuis deux semaines... mais notre téléphone lui peut le faire. Reste ensuite à la pression sociale de faire son effet, comme en témoigne une Française installée sur place : « Quand j’ai dit à mes amis singapouriens, lors d’un dîner, que je ne l’avais pas téléchargée, tout le monde m’a regardé d’un drôle d’air. Je l’ai fait tout de suite après »
Mediapart rapporte de son côté la situation à Hong Kong où les malades sont isolés et surveillés par géolocalisation alors que des équipes retracent tous leurs contacts. La Corée du Sud a elle mis en place un système mixte mêlant traçage numérique et système d'alerte par quartiers.
La méthode la plus impressionnante est quant à elle celle mise en place à Taïwan, explique le site d'informations, où dès la fin janvier les autorités ont lancé un suivi de toutes les personnes venant de zones infectées, mais aussi de larges campagnes de dépistages appuyées par le croisement de fichiers des administrations et le rationnement puis la distribution de masques à la population. Résultat, seulement 376 cas déclarés alors que le pays avait des liaisons quotidiennes avec la province du Wuhan
Les stratégies multidimensionnelles nécessaires car le traçage numérique montre aussi ses limites
Singapour est ainsi en train de faire face à une « deuxième vague épidémique » explique Le Monde, ce qui a conduit les autorités à fermer commerces et établissements scolaires. Avec seulement 1 habitant sur 6 ayant téléchargé l'application pour l'instant, celle-ci ne peut pas être efficace, il faudrait au moins une couverture de 80% de la population, rappellent les experts.
Mediapart cite de son côté les effets néfastes du système de traçage pointage à la coréenne : les membres d'une congrégation chrétienne qui avait été l'un des premiers foyers épidémiques dans le pays ont été depuis l'objet d'une « chasse aux sorcières », avec notamment des licenciements, et des persécutions familiales.
Et puis il y a la question de l'équipement technologique comme le rapportent Les Echos : un quart des Français n'a pas de smartphone et ne pourront donc pas télécharger la future application StopCovid. Cette proportion monte même à 44% chez les plus de 70 ans, une population particulièrement à risque.
Le gouvernement travaille « sur diverses possibilités d'aide à l'équipement, ou à des alternatives aux smartphones pour ceux qui n'en disposent pas », s'engage Cédric O dans les colonnes du Monde.
Alors, vous parliez de chasses aux sorcières en Corée du Sud... il y a 15 ans, il y en a eu une également, mais aussi d'elfes, de barbares et de mages... lors d'une pandémie virtuelle
Cela s'est passé dans le jeu massivement multijoueurs World of Warcraft, dont les programmateurs avait créé une mission impliquant une maladie contagieuse... qui leur a complètement échappé et créé une situation assez similaire à celle que nous vivons aujourd'hui IRL... dans la vraie vie... Libération y consacre un article passionnant.
Fuites de personnes contaminées, quarantaine, comportement déviants... des chercheurs en ont même fait leur objet d'études. Et cela se révèle utile 15 ans plus tard, notamment pour analyser les comportements individuels et l'impact des microdécisions dans une pandémie.
Alors vous allez me demander comment s'est terminée cette histoire dans World of Warcraft ? Et bien l'éditeur du jeu a du fermer son serveur et tout réinitialiser. Je vous quitte donc, je vais chercher le bouton reset de la planète.
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