Reportage international

Coronavirus: un médecin interpelle Vladimir Poutine sur le sort des détenus syriens

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Le coronavirus relance le débat au sujet des détentions arbitraires en Syrie. À travers une initiative sans précédent, un médecin syrien interpelle le président russe à ce sujet. Le docteur Mohamed Abou Hilal adresse une lettre à Vladimir Poutine et l’appelle à faire pression sur son allié de Damas. Dans les prisons du régime, une cellule peut accueillir des dizaines de détenus entassés les uns sur les autres et donc à la merci du virus.

Le docteur Mohamed Abou Hilal adresse une lettre à Vladimir Poutine et l’appelle à faire pression sur son allié de Damas.
Le docteur Mohamed Abou Hilal adresse une lettre à Vladimir Poutine et l’appelle à faire pression sur son allié de Damas. CC0 Pixabay/slightly_different
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Le docteur Mohamed Abo Hilal vit aujourd’hui en Turquie. Mais avant de quitter son pays, il est lui-même passé par la case prison à Damas. C’était en 2011, au début de la révolution. « J’ai été arrêté pour deux raisons. La première : avoir manifesté contre le régime. La seconde : avoir soigné des blessés par balles, victimes de la répression des autorités. S’ils étaient emmenés dans les hôpitaux publics, les manifestants risquaient d’être arrêtés », raconte-t-il.

Soixante-dix jours derrière les barreaux. La moitié à l’isolement, l’autre dans une cellule avec 50 détenus. En prison, ses journées sont rythmées par les interrogatoires et la torture. Aujourd’hui, à travers sa lettre au président russe, le médecin syrien souhaite agir pour ses compatriotes victimes de la barbarie du régime de Bachar el-Assad. 

« En prison j’ai été battu, fouetté à coups de câble, menacé… On m’a dit que ma famille allait subir des représailles. J’ai pensé au suicide. Si j’ai écrit cette lettre à Vladimir Poutine au sujet du coronavirus dans les prisons syriennes, c’est surtout pour attirer l’attention, pour qu’on parle du sort des détenus », rappelle-t-il. Puis il ajoute : « Vous savez, lorsque vous êtes dans les prisons du régime vous vivez un tel enfer, que le coronavirus peut être un moyen d’en finir. C’est horrible de dire ça, mais comme moi à l’époque, les détenus syriens doivent sûrement souhaiter la mort. Ce virus qui effraie tant le monde peut en fait mettre un terme à leur calvaire. »

► À lire aussi : En Syrie, Amnesty International dénonce un «abattoir humain» 

« Dans chaque famille syrienne, il y a au moins un détenu politique »

Près de dix ans de guerre en Syrie, pourtant personne ne sait exactement combien de détenues, victimes d’arrestations arbitraires, croupissent dans les geôles du régime. Noura Ghazi est fille et épouse de prisonniers politiques syriens. En ce mois de juin, cette avocate a raconté l’histoire de son mari, lors d’une visioconférence du Conseil de sécurité de l’ONU.

Depuis le Liban où elle a trouvé refuge après l’exécution de son conjoint, elle salue l’initiative du docteur Abo Hilal. « Dans chaque famille syrienne, il y a au moins un détenu politique. Et tous les jours, il y a de nouvelles arrestations et des exécutions extrajudiciaires. Lorsqu’une personne est arrêtée en Syrie, elle disparaît et ses proches n’entendent plus jamais parler d’elle », dit Noura Ghazi.

Noura Ghazi et le docteur Abo Hilal ne se connaissent pas, mais les deux partagent la même opinion : la Russie alliée de Damas doit faire face à ses responsabilités. « Je ne demande pas l’aide de Poutine, je l’exhorte à agir, à mettre la pression sur Bachar el-Assad, explique Mohamed Abo Hilal. Dans ma lettre je n’ai pas écrit “Cher Vladimir Poutine”. J’ai écrit : “monsieur Poutine agissez ! » 

Chaque jour le médecin vérifie sa boîte mail, mais pour le moment sa lettre reste sans réponse.

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