Côte d'Ivoire: sur Instagram, le compte «Archives Ivoire» ressuscite les années 1990 et 2000
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Suite de notre série d’été sur les initiatives locales de préservation de la mémoire. En Côte d’Ivoire, un compte Instagram recense des extraits de films, de séries et d'émissions des années 1980, 1990 et 2010. Créé en 2020, « Archives Ivoire » compte désormais près de 90 000 abonnés. Aux plus anciens, il offre un voyage nostalgique vers l’enfance, mais il propose aussi aux plus jeunes de découvrir une époque et une esthétique qu’ils n’ont pas connue.

Avec notre correspondante à Abidjan, Marine Jeannin
Sur la page se succèdent les images de femmes : des femmes célèbres ou des inconnues, actrices, chanteuses ou journalistes… Le compte Instagram d’Archives Ivoire est une ode à la beauté féminine d’une époque révolue, explique sa fondatrice Marie-Hélène Banimbadio Tusiama, celle des années 1980 jusqu’aux années 2000. « Pendant la période de confinement, j’ai commencé à m’intéresser à l’audiovisuel en Côte d’Ivoire, se rappelle la jeune femme. Le cinéma, les séries télé, les clips vidéo dont je me souvenais parce que j’ai grandi en Côte d’Ivoire avant de partir en France. Donc, j’ai commencé à tout mettre sur ce compte Instagram, qui s’appelle Archives Ivoire. »
L’objectif de ce compte est de rendre ces archives accessibles aux jeunes générations, qui n’ont pas connu ces séries, mais sont sensibles à leur esthétique… « C’est vraiment une accessibilité aux jeunes, explique-t-elle. Surtout la génération juste après moi, des 16-18 ans, qui n’a pas connu le coupé-décalé comme on l’a connu, ou les séries plus anciennes comme “Qui fait ça ?” ou “Comment ça va ?” de Léonard Groguhet. Donc, c’est vraiment leur amener ça dans un espace qu’ils maîtrisent déjà, qui est Instagram, et leur partager le plus de contenus vraiment ivoiriens de la manière dont on les a construits dans ces années-là, avec toutes les particularités socio-économiques de ces années-là. »
Aux followers plus âgés, d’une vingtaine ou trentaine d’années, le compte offre un retour nostalgique vers l’enfance. C’est le cas de l’artiste peintre ivoirien Carl-Edouard Keita, l’un des tout premiers followers d’Archives Ivoire. « Quand je suis tombé sur la page d’Archives Ivoire, ça m’a fait quelque chose, parce que je retombais sur plein de choses de mon enfance, des vidéos, des personnages qui m’avaient marqué », confie-t-il.
Il salue une initiative qui vient pallier l’absence de centres publics d’archives audiovisuelles. « On est un pays assez jeune, la mémoire collective de la Côte d’Ivoire est très récente, rappelle-t-il. Donc, avoir une page qui essaie de montrer toutes ces différentes périodes, c’est très, très intéressant. En Côte d’Ivoire, très souvent, toutes les références qu’on avait étaient des références extérieures, en fait. C'est rare pour beaucoup de gens de trouver des références ivoiriennes. Parce que soit on ne gardait pas les archives, soit les gens ne prêtaient pas vraiment attention à ce genre de choses. Le travail d’archives ici, c’est tellement… Il y a tellement peu de gens qui le font, ou bien qui le font mais qui ne vont pas en profondeur. Moi, je me dis, c’est très important d’avoir ce genre de page. »
En plus de sa fonction commémorative, ce compte est aussi l’un des piliers du renouveau de l’esthétique vintage, indique Marie-Céline Agossa, fondatrice de la plateforme et agence Yua Hair, qui a collaboré avec Archives Ivoire sur plusieurs projets. Les jeunes Ivoiriens sont particulièrement séduits par l’esthétique des années 2000, appelées en anglais « Y2k», avec ses pantalons taille basse, ses colliers au ras du cou et ses sourcils dessinés au crayon…
« Le Y2k a eu un gros renouveau au cours, je dirais, des trois dernières années, estime-t-elle. Les années 1970 également. Les années 1970 sont revenues en force à partir de 2019-2020. Je pense que ce sont deux périodes qui sont particulièrement intéressantes. Mais le Y2k est particulièrement intéressant parce qu’il y a eu un renouveau, je pense, occasionné par la technologie et la montée de la mondialisation. Et c’est très intéressant de voir comment ces références ou ces tendances des années 1970 et Y2k sont réinterprétées aujourd’hui en 2024. »
Fort de son succès sur Instagram, Archives Ivoire est sortie du cadre numérique. Désormais, Marie-Hélène Banimbadio Tusiama organise également un ciné-club du même nom, entre les villes d’Abidjan et de Grand-Bassam, pour faire découvrir au public les films à succès de la fin du XXe siècle, comme les comédies de Henri Duparc.
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