Tunisie: archives des prisonniers nord-africains de la Première Guerre mondiale
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En Tunisie, sous le protectorat français, des milliers de soldats ont été conscrits pour rejoindre les rangs des tirailleurs africains. Pourtant, peu d’archives subsistent aujourd’hui sur l’engagement des Tunisiens dans la Grande Guerre (1914-1918). Grâce à une collaboration tuniso-allemande entre le Lautarchiv de l’Université Humboldt et la phonothèque du Centre des Musiques Arabes et Méditerranéennes de Tunisie, l’Allemagne vient de restituer au pays 445 archives sonores de soldats tunisiens faits prisonniers pendant le conflit.

Un chant pour exprimer la dureté de l’exil et de la guerre a été enregistré il y a plus d’un siècle pendant la Première Guerre mondiale. Une des premières traces sonores des tirailleurs tunisiens engagés dans le conflit de 1914-1918, comme l’explique Mounir Hentati, conseiller culturel et ancien directeur du Centre des Musiques Arabes et Méditerranéennes. Il a découvert par hasard ces archives dans les années 2000, lors d’une visite à Berlin pour une conférence au musée ethnographique.
« Un jour, j’étais un peu fatigué, je suis allé à la bibliothèque. Vraiment, ça s’est passé comme ça. Je demande s’il y a des enregistrements concernant la Tunisie et voilà, c'était le déclic. Je découvre un véritable trésor, et je me suis consacré à l'étude de ces documents et à leur écoute ».
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« Dans le cadre d’une révision de leur politique sur l’héritage colonial, de plus en plus de chercheurs et de voix en Allemagne ont appelé à libérer ces archives, à redonner vie à ces voix et à les resocialiser en quelque sorte ».
Le soldat Sadok Ben Rachid Haj Youssef était détenu dans un camp de près de 4 000 prisonniers au sud de Berlin, lorsque des Allemands ont décidé de mener des expériences ethnographiques en enregistrant ces tirailleurs venus d’Afrique du Nord et subsaharienne dans leur quotidien, à l’aide de gramophones et de cylindres phonographiques. « Certains étaient à la fois poètes et musiciens, et ils ont mis des paroles sur d’anciennes mélodies pour faire passer des messages. D’autres prisonniers ont été sollicités pour réciter du Coran ou chanter une mélodie de leur région d’origine. C’est un matériau très varié. Pour moi, c'est très émouvant, car cela relève de l’archéologie sonore ».
Ce projet financé par la German Lost Art Foundation marque ainsi le début d’un travail de mémoire en Tunisie, mais pas seulement puisque 111 des enregistrements remis à la Tunisie sont ceux de tirailleurs originaires de toute l’Afrique du Nord.
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