Afrique économie

La Cour de justice de la Cédéao condamne la Guinée dans l’affaire «Zogota»

Publié le :

Ce mardi 10 novembre 2020, plus de huit ans après les faits, la Cour de justice de la Cédéao a condamné l’Etat Guinéen à payer plus de 460 000 dollars en réparation aux victimes.

Logo de la Cédéao, Communauté Economique des Etats d'Afrique de l'Ouest (image d'illustration).
Logo de la Cédéao, Communauté Economique des Etats d'Afrique de l'Ouest (image d'illustration). DR
Publicité

Le drame se déroule dans la nuit du 3 au 4 août 2012 dans le plus grand gisement de fer inexploité du monde : la chaîne du Simandou dont l’exploitation vient alors d’être attribuée à BSG-R, une société dirigée par Beny Steinmetz, associée au géant brésilien du fer Vale.

Les habitants du village riverain de Zogota reprochent à la joint-venture de ne pas employer suffisamment de travailleurs locaux, d’avoir pollué le site et « détruit » des lieux sacrés.

Les villageois manifestent et endommagent les installations de la société. Une délégation ministérielle arrive sur place et les forces de l’ordre interviennent en pleine nuit, tuant 6 villageois. Il y a aussi plusieurs blessés, des cases incendiées et des habitants soumis à des actes de torture.

Et c'est donc ce mardi 10 novembre que dans son arrêt, la Cour de justice de la Cédéao déclare la Guinée coupable de violation du droit à la vie, du droit de ne pas être soumis à la torture et du droit à un recours effectif notamment. Un soulagement pour Maître Foromo Frédéric Loua, avocat des victimes. « La justice guinéenne est forte quand elle peut s’attaquer aux plus faibles, c’est-à-dire aux citoyens, mais elle est faible, voire inexistante, lorsque ce sont des forces de défense et de sécurité qui commettent de graves violations des droits de l’homme et nous sommes à chaque fois obligés de nous adresser aux juridictions internationales, pour que justice soit faite. Cette décision marque vraiment un pas important dans le droit des communautés impactées par les activités minières. »

C’est une « surprise » en revanche pour l’avocat de l’Etat guinéen, Maître Lanciné Sylla. « Aucun élément du dossier n’était de nature à justifier une telle condamnation. La même décision a occulté les cas d’agressions physiques et de destruction d’engins roulants dont les forces de sécurité ont été victimes. Il est important de préciser qu’une procédure était déjà en cours devant les juridictions nationales, pour pouvoir situer toutes les responsabilités. »

Deux jours après le drame, la « présidence » avait promis que les coupables seraient « punis ». Une enquête a été ouverte, « 6 hauts responsables » des forces de défense visés, mais aucun n’a jamais comparu.

L’arrêt pourrait changer les relations entre les communautés, l’Etat et les compagnies minières actives dans la région, selon Jonathan Kaufman, directeur de l’ONG Advocates for Community Alternatives, qui accompagne les victimes. « Les gens de Zogota ont notifié au gouvernement qu’ils n’acceptent pas l’extraction minière sans la justice. Le gouvernement guinéen a annoncé l’année dernière qu’il voudrait octroyer la concession de Zogota à une société qui s’appelle Niron Metals, qui est liée à Beny Steinmetz, qui était l’un des propriétaires de la joint-venture. Nous avons vu des indicateurs que la joint-venture a joué un rôle lors du massacre. Si c’est prouvé, c’est possible que la population n’accepte pas qu’une société liée [à ce passé douloureux, NDLR] relance les activités minières. »

Un rapport du Haut commissariat aux droits de l’homme confirme en grande partie ces allégations et une plainte a été déposée contre la société. En attendant, l’Etat Guinéen dispose de 6 mois pour dédommager les victimes de Zogota.

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Voir les autres épisodes