L’hôpital « Afghan-Japan » de Kaboul ne reçoit plus aucun fonds depuis plusieurs semaines. Les employés travaillent de façon bénévole dans l’établissement spécialisé dans les maladies infectieuses et dans la lutte contre le Covid-19. La situation de cette institution de santé publique en Afghanistan est révélatrice des défis du secteur de la santé en Afghanistan. Un système de santé fragilisé par 40 ans de guerre et qui dépend presque entièrement des bailleurs de fonds internationaux.

Avec les sanctions internationales qui pèsent sur le pays depuis que les talibans ont pris le pouvoir il y a presque un an, le système de santé souffre plus que jamais d’un manque de moyens et d’une couverture de soins réduite. Certains établissements de santé ont fermé leurs portes, de nombreux employés médicaux ont démissionné ou quitté le pays, ce qui laisse un nombre réduit de travailleurs qui tentent de répondre aux urgences.
L'hôpital afghan-japonais à Kaboul est spécialisé dans les maladies transmissibles. Doté de machines perfectionnées, il est devenu la référence dans la prise en charge des patients atteints du Covid-19. Les 20 lits de l’unité de soins intensifs sont tous occupés par des hommes et des femmes de tous âges.
Le Dr. Noorali Nazarzai est le responsable : « Ces patients sont dans des états très critiques, leurs poumons se sont détériorés à 90-95%. Tout l'oxygène qui leur est donné l'est grâce à des respirateurs. S'il n'y avait pas ces machines, nous aurions perdu la plupart de ces patients. »
Ce médecin ne sait pas s’il recevra son salaire à la fin du mois, car les caisses de l’hôpital sont vides. « Le contrat de six mois que nous avions avec l’Organisation mondiale de la santé s’est achevé le 14 juillet, comme l’explique le directeur Tariq Ahmad Akbari. Ce contrat n’a pas été renouvelé. Ça nous plonge dans un état de panique et ça stresse tout notre personnel médical. »
L’aide internationale finance presque à 100% les hôpitaux publics du pays. Mais la coordination et la communication entre le régime taliban et les gérants de l’aide internationale sont parfois compliquées, et ont des répercussions directes sur le système de santé. « Cela fait un an que nous vivons avec ces tensions, avec le sentiment que tout peut arriver, poursuit Tariq Ahmad Akbari. Peut-être que du personnel sera licencié, ou que nos salaires seront baissés. »

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Sans les financements de la communauté internationale, le système de santé afghan s'effondrerait. De nombreux villages n’ont pas d’accès à un centre médical. Les cliniques mobiles du Croissant-Rouge afghan sont déployées dans plusieurs provinces. Nous suivons le Dr. Sultan Mohammad dans sa tournée dans le village de Shadkhana dans la province de Kaboul. Les consultations ont lieu au premier étage d'une échoppe en construction, des dizaines de femmes en burqa, sont assises à même le sol sur des nattes en plastique.
Une femme : « J'ai une douleur dans mon œil. »
Le médecin : « Est-ce qu’il est rouge ? »
La femme : « Non, il est juste gonflé. »
Le médecin : « Est-ce que je peux voir votre œil ? »
La femme : « Non. »
Le Dr. Sultan Mohammad explique : « Je ne suis pas autorisé à voir son visage selon la tradition locale, donc je ne peux pas voir son œil. À l'hôpital, nous pouvons examiner les femmes, mais pas ici. Je peux seulement lui donner des médicaments en fonction des symptômes qu’elle me décrit. » Près d’eux, un infirmier soigne un enfant âgé de 10 ans blessé à la jambe : « Un chien m’a mordu il y a trois jours. Il n’était pas attaché. Il s’est jeté sur moi et m’a mordu. »
La clinique mobile passe trois jours tous les deux mois dans le village : « La plupart des gens n'ont pas les moyens d'aller à l'hôpital parce que c’est très loin, poursuit le Dr. Sultan Mohammad. Si notre équipe ne venait pas ici, alors ils auraient recours à certains remèdes traditionnels qui peuvent être dangereux. »
Ce jour-là, 300 patients seront auscultés gratuitement à Shadkhana par les médecins du Croissant-Rouge afghan.
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