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À Pékin, le 10e Forum de coopération sino-arabe se rassemble autour de la question palestinienne

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La réunion ministérielle du 10ᵉ Forum de coopération sino-arabe s'ouvrira ce jeudi 30 mai à Pékin. Une rencontre dans un contexte de guerre entre Israël et le Hamas, qui a encore rapproché Pékin des capitales arabes dans leur soutien aux victimes palestiniennes. Pour marquer l’importance de l’évènement, quatre chefs d’État arabes sont attendus ce mardi en Chine.  

Le conflit israélo-palestinien figure à l'ordre du jour de la 10ᵉ réunion ministérielle du Forum de coopération sino-arabe qu'abrite la Chine à Pékin.
Le conflit israélo-palestinien figure à l'ordre du jour de la 10ᵉ réunion ministérielle du Forum de coopération sino-arabe qu'abrite la Chine à Pékin. © China Global Television Network (CGTN)/Reuters
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Avec notre correspondant à Pékin Stéphane Lagarde

La diplomatie chinoise aime souffler les bougies et comme il s’agit du 20ᵉ anniversaire de ce sommet ministériel qui a lieu tous les deux ans, des chefs d’État sont là et non des moindres vu le contexte. Le roi de Bahreïn Hamed ben Issa Al Khalifa, les présidents égyptien Abdel Fattah al-Sissi et tunisien Kaïs Saïed, ainsi que le président des Émirats Cheikh Mohamed Bin Zayed Al Nahyan ont répondu à l’invitation de Xi Jinping qui fera une déclaration liminaire jeudi en ouverture de la réunion.  

« Voix commune » sur Gaza 

Le Forum de coopération sino-arabe est un sommet des ministres des Affaires étrangères des 22 membres de la Ligue arabe plus la Chine. Mais là, dans le contexte de la guerre à Gaza, Pékin entend afficher « une voix commune sur la question palestinienne », disait l’autre jour Deng Li, le vice-ministre chinois des Affaires étrangères. Un message qui dépasse le consensus sino-arabe, veut croire Wang Huiyao, ancien conseiller du Conseil d’État et président du Centre pour la Chine et la mondialisation — think tank non gouvernemental qui relaie les messages de Pékin dans les médias.   

« Vu le contexte, cette réunion a d’autant plus d’importance. Elle devrait contribuer à renforcer les liens entre le monde arabe et la Chine, et même au-delà. Vous aurez noté que l’Arabie saoudite fait partie des BRICS et que l’Égypte et la Tunisie sont des pays importants en Afrique du Nord qui favorisent la coopération Chine-Afrique. Et le soutien chinois est très important pour les États-arabes. »      

 « Un soutien important » sur lequel surfe Pékin. La guerre entre Israël et le Hamas a-t-elle fourni une ouverture stratégique à la Chine ? Les ministres et chefs d’État arabes qui sont ici se souviennent en tout cas que dans les premiers jours de la guerre entre Israël et le Hamas, alors que les capitales occidentales affichaient un soutien inconditionnel à Israël, la Chine insistait déjà sur un cessez-le-feu. Résultat : les médias d’État chinois ont beau jeu de tirer à boulets rouges sur ce qu’ils considèrent comme une « hypocrisie de l’occident » et un « double discours » de l’administration américaine notamment, accusée par Pékin d’oublier les victimes palestiniennes et de faire obstruction à la voie de l’apaisement. Sachant que depuis le début, la Chine soutient la solution à deux États avec Jérusalem-Est comme capitale d’un futur État palestinien, rappelle Gao Zikai qui est professeur de droit international à l’Université de Suzhou : « L’approche de la Chine contraste fortement avec celle des États-Unis. Alors que les États-Unis continuent de fournir des armes à l’un des belligérants, des dissensions internes ont émergé au sein du Congrès américain sur la conduite à tenir dans ce conflit. Sans parler des divergences qui s’accentuent entre les États-Unis et leurs alliés, en raison d’une approche déséquilibrée de Washington vis-à-vis des Palestiniens. À contrario, la Chine a été l’un des premiers pays à reconnaître la Palestine en tant qu’État et a toujours milité pour la reconnaissance internationale de la Palestine. Le monde n’est ni aveugle, ni sourd. Il voit bien la différence entre les deux. » 

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Neutralité et interventionnisme 

C’est aussi l’un des mantras de la diplomatie chinoise qui, de par sa « neutralité » affichée, comme d’ailleurs pour la guerre en Ukraine et malgré sa proximité avec Moscou, entend jouer un rôle de médiateur en hébergeant ici fin avril des négociations entre les principales factions palestiniennes et en réunissant aujourd’hui les pays arabes. On a vu également ce rôle de médiateur de la Chine lors de la « paix surprise » entre l’Iran et l’Arabie saoudite conclut au printemps 2023. La neutralité est compliquée quand on entend devenir un acteur majeur au Proche-Orient, mais ce n’est pas non plus que de l’opportunisme. On est vraiment ici sur un long travail de fond de la diplomatie chinoise, avec un tricotage de réseaux et de mécanismes qui dépassent la simple coopération économique ou la boulimie d’hydrocarbures de la deuxième économie du monde. En 20 ans de forum sino-arabe, la Chine est passée d’acteur silencieux à une voix qui compte et qui s’exprime dans la région. Outre cette réunion ministérielle tous les deux ans, se tient régulièrement également un symposium sur les relations sino-arabes et le dialogue des civilisations, un forum sino-arabe sur la réforme et de développement, un forum urbain sino-arabe, une conférence des entrepreneurs ou encore le Forum des femmes sino-arabes. Le quatrième s’est tenu à Pékin en juillet 2022, avec pour thème « l’éducation des femmes et l’innovation technologique ».  

Stabilité compromise  

C’est au nom du développement et d’une coopération gagnants-gagnants – même parfois contestée par certains participants qui lors du dernier forum ministériel en Jordanie ont réclamé d’avantage d’égalité en matière de relations commerciales notamment – que Pékin met en avant ses investissements, notamment en Israël et s’oppose avec force à la guerre à Gaza.

Wang Yiwei, professeur à l’université du peuple (Renmin) de Pékin, directeur de l’Institut des affaires internationales : « De tels conflits affectent les investissements chinois. C’est pourquoi la Chine accorde tant d’importance à la paix et se concentre sur les relations commerciales, le développement des pays et la coopération économique. La Chine est pour un monde stable et pour des relations diplomatiques apaisées. La Chine et les États arabes s’accordent sur la nécessité d’un cessez-le-feu au Moyen-Orient, ainsi que sur une solution à deux États. Le problème, c’est qu’Israël refuse cette solution pour le moment. Et avec la possibilité d’un retour de Trump lors des élections américaines, le retour à la stabilité est compromis. »      

Alors, que doit attendre concrètement de ce sommet ? Il y aura certainement des accords commerciaux sur le plan bilatéral. La coopération énergétique reste cruciale pour Pékin. Les technologies chinoises en matière d’intelligence artificielle, de robotique, de paiements électronique par exemple intéressent les pays arabes. Mais on attend surtout une « déclaration de Pékin » de la réunion de jeudi qui devrait insister sur la demande d’un cessez-le-feu et la mise en place de la « solution à deux États ».     

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