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Tamoul, hindi, kannada: en Inde, la guerre des langues est relancée

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En Inde, la guerre des langues bat son plein. Le pays a deux langues officielles, l'anglais et l'hindi, mais 22 langues reconnues par la Constitution et 122 recensées par l'État. L'articulation entre toutes ces langues et leur prééminence ne va pas sans frictions politiques. Ces derniers jours, la tension est à son comble...

Vue aérienne de New Delhi, en Inde.
Vue aérienne de New Delhi, en Inde. Getty Images/David Freund
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Avec l'affrontement le plus emblématique de tous, celui entre l'hindi, langue du nord, et le tamoul, que l'on parle dans l'État du Tamil Nadu. Deux alphabets totalement différents, l'hindi est issu de la famille des langues indo-européennes alors que le tamoul fait partie des langues dravidiennes de l'Inde du Sud, dont on retrouve les influences en Asie du Sud-Est, notamment dans le khmer, parlé au Cambodge. Le pouvoir central basé à New Delhi est régulièrement soupçonné de vouloir imposer l'hindi aux États du sud. Avec l'arrivée de Narendra Modi, Premier ministre nationaliste hindou qui voit l'anglais comme une langue coloniale, cette pression s'est renforcée. C'est en tout cas ce qu'affirme le dirigeant du Tamil Nadu dont le parti organise depuis deux semaines des rassemblements contre l'imposition de l'hindi.

Des manifestations qui ont provoqué un duel entre New Delhi et le Tamil Nadu

Le Tamil Nadu dénonce les directives d'éducation visant à enseigner trois langues aux Indiens. Autrement dit, leur langue, comme le tamoul, l'anglais, mais aussi l'hindi. Pour le gouvernement central, il s'agit de former mieux les élèves, mais pour beaucoup de Tamouls, cela revient à forcer l'apprentissage de l'hindi, qui doit rester optionnel. Le parti DMK au pouvoir dans cet État s'est lancé dans des manifestations et des militants ont recouvert de noir le nom des stations de train écrit en hindi, pour ne garder que le tamoul et l'anglais. Le ministre des Chemins de fer a dénoncé une campagne qui divise le pays. Mais le dirigeant du Tamil Nadu ne décolère pas et affirme que l'omniprésence de l'hindi a fait disparaître en quelques décennies de nombreuses langues. Il pose son État en défenseur de la diversité de l'Inde face à un pouvoir central monolithique.

Ce combat linguistique, c’est donc aussi un affrontement politique ?

Oui, le sud de l'Inde est largement dirigé par l'opposition alors que le nord est largement dominé par le BJP de Narendra Modi. Mais on aurait tort de réduire tout cela à la politique politicienne. La semaine dernière, un autre affrontement a eu lieu, cette fois à la frontière du Maharashtra, État de Bombay où l'on parle le marathi, et le Karnataka, État de Bangalore où l'on parle le kannada. Un conducteur de bus a été passé à tabac, parce qu'il ne parlait pas le marathi, ce qui a conduit à un affrontement entre les deux États et l'arrêt des bus transfrontaliers. En 1953, le Tamil Nadu, à l'époque État de Madras, s'est scindé en deux après des émeutes linguistiques, conduisant à la création de l'Andhra Pradesh où l'on parle le télougou. Plus de 70 ans plus tard, la diversité linguistique de l'Inde est un trésor autant qu'un dossier politique explosif.

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