Ça fait débat avec Wathi

Niger: au-delà des élections, bâtir sur des institutions a fait ses preuves

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Ce dimanche 27 décembre se tiendra le dernier rendez-vous électoral de cette année 2020 en Afrique de l'Ouest. En effet, les électeurs nigériens sont appelés à se rendre aux urnes pour le 1er tour de l'élection présidentielle ainsi que pour les législatives. Etat des lieux avec Wathi.

Gilles Yabi.
Gilles Yabi. Archive de Gilles Yabi
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Gilles Yabi : Oui, le Niger fait partie de ces pays du Sahel qui font l’objet d’une attention internationale soutenue à cause du terrorisme, des trafics divers et variés, du rôle de transit pour les migrations irrégulières. Les candidats à la présidentielle insistent tous sur le fait que les menaces sécuritaires au Niger sont liées au voisinage troublé de son vaste territoire qui a des frontières avec l’Algérie et la Libye au nord, le Tchad à l’est, le Nigéria et le Bénin au sud, le Burkina Faso et le Mali à l’ouest.

Il est clair que sur le plan interne, le Niger offre moins de failles que le Mali voisin, failles dans lesquelles savent s’engouffrer les acteurs de la violence armée. Mais le Niger reste fragile et vulnérable et l’élection présidentielle sera un test important pour la consolidation d’une démocratisation qui demeure récente. Il suffit de rappeler que ce sera au terme de ce scrutin le premier passage de témoin d’un président élu à un autre président élu. Les résultats seront aussi intéressants à décrypter parce qu’au Niger, aucune élection présidentielle ne s’est jusque-là jouée au premier tour, ce qui témoigne de l’existence de partis politiques assez bien installés disposant de fiefs électoraux régionaux rendant difficile une domination sans partage d’un camp, fût-il celui au pouvoir.

Le candidat du parti au pouvoir, Mohamed Bazoum, soutenu par le président sortant Mahamadou Issoufou, est tout de même le favori ? 

Oui, même si le président sortant respecte la Constitution et passera la main, le candidat qu’il soutient bénéficie des avantages habituels des présidents sortants : la présence continue dans l’appareil d’État depuis des années, l’exposition médiatique qui va avec, les moyens logistiques, humains, matériels et financiers du parti qui ont tendance à se confondre avec ceux de l’appareil d’État. 

Du point de vue des pratiques politiques réelles, le Niger ne se distingue nullement des autres pays de la région. Des vidéos de la campagne électorale témoignent de distribution de billets de banque flambant neufs qui encouragent autant les chansonniers lors des meetings que les électeurs présents. Il est clair que la capacité à dépenser n’est pas la même pour les trente candidats en course…

Mais au-delà des cycles électoraux, vous tenez à saluer le travail d’une institution qui selon vous a joué jusque-là un rôle clé pour le maintien de la paix, de la sécurité et de la stabilité au Niger, la Haute Autorité à la Consolidation de la Paix (HACP)

Oui, au terme d’une année qui a confirmé les impasses résultant des expériences démocratiques réduites à leur plus simple expression électorale, il me paraît utile de montrer que la construction simultanée de la démocratie, de la paix et celle de l’État passe par l’innovation institutionnelle et le dépassement des logiques politiciennes de court terme. 

Au Niger, la Haute Autorité à la Consolidation de la Paix (HACP) créée en 1995 pour suivre la mise en œuvre des accords de paix post-rébellion touareg, est devenue une institution permanente chargée de l’analyse prospective, de la prévention et de la gestion des crises et conflits par des activités concrètes. 

Dans toutes les régions les plus exposées à l’insécurité, la HACP joue un rôle politique crucial en maintenant un contact permanent avec les communautés locales et les leaders locaux et renforcent la crédibilité et la légitimité de l’État. Évidemment l’institution n’aurait pas pu obtenir des résultats appréciables sur la longue durée si elle n’avait pas eu à sa tête des personnalités fortes, compétentes conscientes de leur mission d’intérêt général. La piste des institutions de ce type dotées de mandats spécifiques et déployées hors des capitales me semble être une des pistes les plus prometteuses dans tous les pays qui souhaitent rétablir ou renforcer le lien entre les États et les populations.

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