Pourquoi il vaut mieux vivre dans un État de droit ou qui aspire à l’être
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Wathi a lancé un nouveau site internet etatdedroitafrique.org, consacré comme son nom l’indique à l’État de droit sur le continent. Pourquoi mettre en particulier en avant aujourd’hui le thème de l’tat de droit ?

Ce site internet thématique a été conçu en partenariat avec le Programme État de droit de la fondation allemande Konrad Adenauer sur la base d’une convergence de nos approches, et fondamentalement d’une vision de la démocratie qui met en avant la force des institutions, la séparation des pouvoirs, en particulier un pouvoir judiciaire fort, indépendant, un pouvoir exécutif légitime et la garantie des droits et libertés fondamentaux.
Nous lançons ce site dans une saison de profondes inquiétudes quant à la direction prise dans beaucoup de pays d’Afrique de l’Ouest justement en matière de respect de l’État de droit. Nous avons en mémoire la série d’élections contestées, violentes sur fond d’interprétations douteuses des textes constitutionnels, en Côte d’Ivoire et en Guinée l’année dernière, la non-alternance programmée au Togo et même la récente élection au Niger où la célébration d’une première alternance politique démocratique est ternie par de vives contestations et des violences qui sont quasiment une première dans ce pays en période électorale.
Je ne parle même pas du Tchad où des moyens militaires inouïs ont été déployés pour procéder à l’arrestation d’un candidat à l’élection, ou d’autres pays d’Afrique centrale où la perspective de vivre dans un État de droit a toujours semblé plutôt lointaine pour les populations.
Même dans les pays considérés comme les plus crédibles dans leur volonté de construire des démocraties et des États de droit, dites-vous, les tendances actuelles sont inquiétantes…
Oui, il faut bien reconnaître aujourd’hui que dans la seule communauté économique régionale qui s’est dotée d’un protocole très avancé sur la démocratie et la bonne gouvernance, de principes de convergence constitutionnelle censés consacrer l’État de droit, il n’y a peut-être plus que l’archipel du Cap-Vert qui puisse servir d’exemple convaincant. Dans l’espace francophone, les deux pays souvent cités en exemple, le Bénin et le Sénégal, les chemins empruntés ces derniers temps sont peu rassurants.
Au Sénégal, plus d’une centaine d’universitaires ont signé récemment une lettre ouverte alertant sur la crise de l’État de droit, et les violences des derniers jours dans plusieurs localités du pays fragilisent la cohésion nationale et le lien de confiance entre les citoyens et leurs institutions. Au Bénin aussi, le climat est de plus en plus délétère à quelques semaines de l’élection présidentielle prévue en avril.
Mais vous estimez qu’il faut aussi expliquer ce qu’est un État de droit, expliquer pourquoi il faut défendre cet idéal et le site que vous avez lancé a de fait aussi une dimension pédagogique…
Absolument. Ce qui est vrai pour la démocratie l’est également pour l’État de droit. Il n’est pas très utile de le considérer comme naturellement désirable par tous et se contenter de dénoncer ceux qui n’en veulent pas. Il faut expliquer pourquoi il est préférable pour tous les citoyens, y compris pour ceux qui sont tout puissants à un moment donné, de vivre dans un État de droit. Parce qu’il arrive même aux puissants de perdre un jour le pouvoir et de se retrouver victimes à leur tour du règne de l’arbitraire.
Sur notre site internet, nous proposons notamment des fiches didactiques sur les concepts juridiques usuels. On explique par exemple que l’État de droit va au-delà de l’État légal qui considérait que la loi était infaillible et ne pouvait mal faire. On a ensuite réalisé que la loi pouvait être détournée et être mise au service de groupes d’intérêt au détriment de larges catégories du peuple. Il suffit de penser à l’apartheid en Afrique du Sud et à la ségrégation raciale aux États-Unis par exemple, qui étaient organisés par des lois.
C’est pour cela que l’État de droit tend à faire de la constitution le siège principal de la garantie des droits, de la séparation des pouvoirs et de l’indépendance de la justice. Et on comprend aussi que le rôle des juridictions constitutionnelles est absolument vital pour la construction et la préservation de l’État de droit.
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