Ça fait débat avec Wathi

La résignation n’est pas une option

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Le 25 mai dernier, comme chaque année, c’était la journée mondiale de l’Afrique qui commémore la fondation de l'Organisation de l'unité africaine (OUA), devenue Union africaine en 2002. Cette année, le 25 mai a aussi été le jour choisi pour le lancement à Dakar du premier numéro du RASA, le Rapport alternatif sur l’Afrique. Qu’est-ce qu’il apporte de nouveau, ce rapport ?

Gilles Yabi est le fondateur du think-tank Wathi, basé à Dakar.
Gilles Yabi est le fondateur du think-tank Wathi, basé à Dakar. Archives personnelles de Gilles Yabi
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En fait, le numéro 1 du Rapport alternatif sur l’Afrique a été précédé d’un numéro zéro, publié en 2018, qui affichait clairement l’ambition de cette initiative portée par 16 organisations africaines : « Proposer un rapport pour l’Afrique et par l’Afrique, un rapport qui rend compte des évolutions et transformations sociétales, économiques, culturelles, religieuses, politiques, environnementales qui donnent une autre idée de l’Afrique ». 

Le numéro 1 du RASA qui a donc été rendu public le 25 mai dernier a retenu le thème des « souverainetés des sociétés africaines face à la mondialisation » et il a naturellement été influencé et, je dirais, davantage légitimé, par la crise sanitaire mondiale. Celle-ci a révélé les impasses des modèles et des pratiques économiques et politiques qui font fi des équilibres complexes nécessaires au progrès, voire à la survie des sociétés humaines.

Le fait d’avoir choisi de parler des souverainetés des sociétés africaines, et pas des États africains, est de ce point de vue significatif. Il ne s’agit pas de promouvoir une vision étriquée et nationaliste de la souveraineté, mais d’affirmer la nécessité de s’organiser, plus que jamais, pour défendre les intérêts des sociétés africaines, celles d’aujourd’hui et encore plus celles de demain, en identifiant et en récupérant des marges de manœuvre dans tous les domaines : économique, monétaire, politique, culturelle et numérique, notamment.

Vous vous réjouissez que la rédaction de la préface de ce rapport alternatif sur l’Afrique ait été confiée à l’ancien président du Cap-Vert, Pedro Pires…

En effet, c’est un excellent choix. Ce rapport rend de fait hommage à deux personnalités fortes, l’économiste panafricaniste engagé Samir Amin disparu en août 2018, quelques semaines après la parution du numéro zéro du RASA auquel il avait beaucoup contribué malgré sa santé déjà fragile. Hommage aussi donc à l’ancien président Pedro Pires, aujourd’hui âgé de 87 ans, ancien combattant de la guerre d’indépendance de la Guinée-Bissau et du Cap-Vert, qui a ensuite été Premier ministre du Cap-Vert de 1975 à 1991, puis président de la République de 2001 à 2011.

Contrairement à beaucoup d’autres, son engagement pour la liberté et l’amélioration des conditions de ses concitoyens n’aura jamais été terni par un attachement au pouvoir, aux privilèges et aux richesses. Et cela a sans aucun doute fortement influencé la trajectoire positive de son pays. L’archipel du Cap-Vert est de plus en plus isolé au sein d’une Afrique de l’Ouest où les gouvernants et leurs fidèles dédaignent de plus en plus ouvertement les valeurs démocratiques et les principes de l’État de droit.

Vous dites en effet, Gilles, que la commémoration de la Journée de l’Afrique a été ternie par le nouveau coup de force au Mali…

Oui, cette énième manifestation de la poursuite de la décomposition politique du Mali nous rappelle l’impératif de garder les pieds sur terre, de penser et d’agir en partant de l’existant. Cet existant, c’est une exceptionnelle fragilité politique et sécuritaire de nombreux pays africains, y compris les plus grands par la population et par la taille. Qu’il s’agisse du Nigeria, de l’Éthiopie, de la République démocratique du Congo, du Tchad, du Soudan ou du Mali…

Dans sa préface au numéro 1 du RASA, Pedro Pires appelle à un sursaut pour éviter au continent africain le sort « d’un automobiliste qui roule vite, de nuit, et sans phares, sur une route qu’il ne connait pas. » Cette image angoissante, c’est malheureusement celle que m’évoque le Mali aujourd’hui. Ce pays est l’un des rares où la journée de l’Afrique est une fête officielle fériée. Même si la tentation du découragement est forte, la résignation n’est pas une option. C’est dans chacun des pays africains que se joue le destin de l’ensemble du continent. L’Afrique ne peut pas abandonner le Mali à quelques colonels.

Le site web du Rapport alternatif sur l’Afrique : https://rasa-africa.org/

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